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La Seine, la scène, la Cène

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Un spectacle politique ? Oui mais au-delà de ce qu’en a dit son directeur artistique parlant « d’inclusion, de bienveillance, de générosité et de solidarité ». L’imaginaire religieux était convoqué, pas seulement par la provocation de la Cène queer. Il est allé cherché cette concorde dont je parlais ici récemment, celle des cœurs à l’unisson. Et ça a fait du bien.

Foisonnement des images qui se superposent, improbables. Chorégraphies, défilé de bateaux-mouches, chansons, vidéo, pyrotechnie. Qui se rappellera des Minions sous la Seine coulant dans une joie débridée leur propre sous-marin ? Qui aura retenu les battements de cœur et de pieds cadencés et rageurs de centaines de danseurs au chevet de Notre-Dame ? Et l’image de ces autres danseurs en drapé multicolore se balançant dans le ciel de Paris au sommet de longues perches flexibles ? Bien sûr tous les spectateurs se rappelleront de Paris illuminé sous les trombes d’une pluie obstinée, de Aya dansant avec la Garde Républicaine devant l’Académie Française, du sang des aristos qui gicle devant la Conciergerie au son du métal, du sourire des athlètes sur leurs petits ou grands bateaux, du défilé de drag queens monté.e.s sur la table du festin, de Katherine en schtroumpf (Bacchus bleu) jouant avec le rythme des danseurs, du cheval remontant la Seine au galop ralenti, du défilé sans fin des porteurs de flamme, de la montgolfière en feu dans la ciel nocturne de Paris, de la diva de la pop à la fin ressuscitée.

Cheval d’argent chevauchant sur la Seine, créé à Nantes par l’artiste et conceptrice Morgane Suquart, co-fondatrice de la société MMProcess, représentant la déesse Sequana, la déesse antique de la Seine - Photo : REUTERS/Adnan Abidi

On entend déjà l’agacement du tiers de la France qui ne supporte pas le métissage et la dérision. Il a été voulu et brillamment suscité par l’auteur du spectacle Thomas Jolly. Sans doute à l’excès, avec cette joie impulsive de gamins à qui on a confié les clés. Il y avait du pied de nez dans ce spectacle ! C’était à la fois réjouissant et agaçant par moment. On avait envie de dire : « C’est bon, Thomas, on a compris ! »

Mais en sous-texte ce qui frappait était bien au-delà du dérisoire et des paillettes. Sur la Seine, il y avait bien sûr la scène mais plus encore la Cène. Littéralement avec le banquet queer organisé comme le tableau sur lequel Léonard de Vinci représentait le dernier repas du Christ mais également avec toutes sortes de références religieuses : l’Apocalypse (la cavalcade de la femme drapée dans l’Olympisme, la Résurrection de la chanteuse, l’Ascension de la flamme.

Philippe Katerine

Communion et ferveur, tels étaient les messages que portaient les douze stations, comme un immense chemin de croix à travers la ville sur son fleuve-artère. Un écho au célèbre « N’ayez pas peur ! » prononcé aussi à Paris par le Pape venu de l’Est. Improbable message d’une France divisée qui désespère d’une union introuvable. Dire au monde la fraternité quand on peine tant à l’incarner, dire la joie sous la pluie. Ne pas se démonter. Tenir. L’honneur, cette valeur française si démodée était réinventée avec panache et bravade dans cette nuit illuminée de pluie précédée d’une nuit enténébrée par le sabotage.

Il faut la foi pour croire aux lendemains qui chantent. Je ne crois pas au sport rédempteur mais je crois à la communion des âmes. La France ne peut pas être réduite à ses rancœurs et à ses divisions. La Seine n’a pas transporté que des bateaux et des athlètes. Sous le pont Mirabeau coulait aussi un peu d’espoir. Merci aux milliers de personne qui ont contribué à allumer ce feu qui va brûler au-dessus de Paris, quelques jours. A nous de faire qu’il brûle plus longtemps. « Ça ira ! » Le titre du spectacle était bien choisi, comme un rappel de l’urgence et comme une espérance.

Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY, Chroniqueur invité de UP’ Magazine – Essayiste – Consultant développement durable et dialogue parties prenantes. Auteur de « Citoyen pour quoi faire ? Construire une démocratie sociétale », éditions Chronique sociale.

L’original de ce texte est paru sur le blog de M. Chayneaud-Dupuy, persopolitique.fr
Avec nos chaleureux remerciements à l’auteur.

Photo d’en-tête : AP Photo/Vadim Ghirda

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