Moscou Innovation 2013 : La Fédération de Russie œuvre avec une discrète détermination stratégique à la construction de nouveaux liens économiques durables avec la France. L’innovation est au cœur de cette politique économique et notre pays, la France, est invité à présenter ses plus belles innovations à Moscou en Novembre 2013.
Je viens de rencontrer le représentant du Ministère des Sciences et de l’Education, conseiller en Sciences et Technologies en son Ambassade de la Fédération de Russie. Docteur en économie, Kirill BYKOV me reçoit pour une présentation du système russe de financement de l’innovation et les développements en cours du cofinancement français et russe des projets d’innovation.
Au cours de notre entretien, Kirill BYKOV me révèle être également diplômé d’HEC. Je me rappelle aussitôt que dès la chute du mur de Berlin, François Mitterrand avait décidé l’ouverture d’HEC aux étudiants de Russie à la rentrée 1990, afin de former les premiers responsables russes à notre économie. Je me souviens de mon entretien d’alors, été 1990, avec le sélecteur HEC qui rentrait de Pologne et de Russie : il était déçu par la sélection polonaise n’atteignant pas le niveau de la sélection française, mais ébloui par le niveau d’excellence de la sélection russe. Il était confiant et certain que la nouvelle génération économique russe allait relever brillamment tous les défis qui l’attendaient. Monsieur Kirill BYKOV se sait-il être un pur produit de la politique de François Mitterrand ?
Pouvez vous nous présenter en introduction les premiers repères économiques sur le financement de l’innovation en Russie ?
Kirill BYKOV : En Russie, le système hérité du modèle soviétique, soit souverainement les ressources de l’Etat, assure le financement de l’innovation, en quasi totalité pour la phase 1 de recherche et conception innovante jusqu’au démonstrateur technologique, c’est à dire jusqu’à la phase de commercialisation de l’innovation.
En 2010, les organismes étatiques russes financaient l’innovation à plus de 60%, les instituts de développement à 20 %, et les entreprises financières à hauteur de 3%.
Actuellement, la politique d’innovation est de développer le financement de l’innovation par les entreprises financières. Car les dépenses en innovation augmentent. Les dépenses globales de R&D russes sont de 12,5 milliards d’euros. La Russie se maintient dans les dix premiers mondiaux, à un taux de 1,25 % de son PIB.
L’université de Russie a reçu 1 milliard d’euros pour le financement des recherches innovantes pour la période 2010-2012.
De 1987 à 2002, les innovations étaient concentrées dans le domaine de l’énergie, du gaz en particulier. A partir de 2002, ont commencé les Techno – Programmes, cette fois non concentrés sur un seul domaine mais polytechniques avec des pôles d’excellence comme les ondes, la Biopharmacie, les TIC, l’électronique et l’aéronautique.
A partir de 2009, à cause de la crise, l’innovation est tombée à 1,04 % du PIB car la politique d’innovation se tourne vers le business : comment augmenter le bénéfice créé par une innovation ?
De 1995 à 2010, « la production innovante » a augmenté en volume de 34 %. En volume absolu, il faut dépenser plus pour maintenir la hausse de « la production innovante » – un rouble dépensé génère 2,4 roubles de la production innovante en 2010 contre 5,5 roubles en 1995.
Qu’appelez vous la production innovante ?
KB : La Production Innovante » est une notion utilisée et calculée par le Service Statistique. Normalement, il s’agit d’une production crée par suite des innovations.
Les dépenses en innovation des sociétés russes totalisent 1,04 milliards. Le taux de dépense R&D des sociétés est de 17%, et les achats de produits et équipements innovants créés par d’autres représentent 51 % des dépenses.
Pourriez vous préciser ces produits et équipements innovants investis ?
KB : En fait, c’est juste une illustration de la situation que les entreprises préfèrent acheter les équipements innovants qu’investir dans leur création par ses capacités.
En Russie, c’est l’Etat également qui finance les Instituts de Développement :
1 – Le FASIE, Fonds de Soutien aux Petites Entreprises
2 – Le Fonds Russe du Développement Technologique
3 – ROSNANO
4 – Russian Venture Company
5 – Le Fonds SKOLKOVO
6 – La Société d’Etat VNESHECONOMBANK
Les universités sont majoritairement financées par l’Etat.
Lors des rencontres UBI France Russie en décembre dernier, les Régions de Russie étaient à l’honneur. Quelle est la nouvelle politique régionale de financement de l’innovation ?
KB : La nouvelle politique de financement de l’innovation s’oriente vers une régionalisation du financement de l’innovation. Développer des mécanismes régionaux de subvention, d’équipement, ainsi que de compensation de l’intérêt pour les prêts.
Une pépinière coûte 5 millions d’euros et la création d’un Technoparc 25 millions d’euros.
Pourriez vous préciser si c’est le coût global d’un hébergement ou d’un parc, ou le cofinancement Etat Région ?
KB : Ces chiffres représentent la contribution de l’Etat, soit le budget fédéral, dans la création d’un parc et de son approvisionnement en équipement nécessaire. Normalement, c’est presque tous les besoins du parc en phase initiale.
A partir de 2012, se développe un programme de 25 clusters régionaux soutenus par l’Etat Fédéral Russe en coopération avec l’Association des Régions Innovantes Russes. Le principe est de concentrer les entreprises innovantes dans des clusters spécialisés sous la tutelle d’une grande entreprise mère.
Les services régionaux au plus près du client final le créateur innovateur distribuent les aides et subventions.
Pourriez vous nous présenter une implantation récente ?
KB : En Russie on appelle les startups des Gazelles. Le dernier hébergement de startups russes a été implanté à KRASNOIARSK en Sibérie : quatre vingt trois gazelles.
La pépinière de Krasnoïarsk a choisi pour image une hirondelle de printemps aux couleurs de l’éco – conception bleu ciel et vert printanier.
Si la fiscalité est faible en Russie, alors existe t il un financement par défiscalisation ?
KB : Pas de fiscalité donc pas de défiscalisation par l’innovation. En Russie, l’impôt personnel est de 13 % et les taxes entreprises de 20%. Plus précisément, l’impôt sur les bénéfices est de 20% depuis 2009, et avec d’autres taxes sur les entreprises reste dans le diapason 27-33% selon les approches du calcul différentes. Il n’y a donc pas d’incitation à défiscaliser en Russie. Le Business Angel Russe investit par esprit de croissance.
Et existe t il un esprit de citoyenneté ?
KB : Incontestablement. L’enveloppe minimale des Business Angels russes professionnels est de 50 000 € contre 10 000 € en France.
Qui sont les Business Angels russes, quelles typologies et quelques noms connus ?
KB : Majoritairement non pensionnaires, actifs dans plusieurs secteurs d’économie. Leur typologie :
– Les investisseurs privés sont des employés avec un revenu élevé, pour l’enveloppe 20 – 50 000 €
– Les investisseurs professionnels sont réunis souvent dans des associations ou des syndicats, leur enveloppe est de 50-150 000 €
– L’investisseur « éléphant » est un entrepreneur privé riche, son enveloppe est de 150-500 000 €
Il y a des noms, on peut les trouver sur internet, mais ils ne diront rien à vos lecteurs …
Donc en Russie, la sélection ne se fait pas sur le parcours du combattant du financement de l’innovation comme en France. Alors, comment se fait la sélection ?
KB : ll y a deux épreuves au départ :
– la sélection sur la valeur d’innovation par les instituts du développement et la difficulté au départ de trouver le bon endroit où s’implanter.
– La deuxième épreuve est d’être prêt à couvrir le financement par soi même jusqu’à 50 % : mettre en gage un bien ou obtenir un prêt.
En clair, le porteur de projet est bien accompagné, mais en échange le partage du risque est de 50/50 ?
KB : Oui, c’est la preuve de la foi du porteur du projet en sa vitalité. Pour soutenir cette vitalité, la Bourse de Moscou a créé en juillet 2009 un secteur spécial appelé « Le Marché des Innovations » avec capitalisation boursière de 960 millions d’euros et un chiffre d’affaire de 10 millions d’euros par mois. Ce marché constitue un instrument de développement entrepreneurial. La bourse de Moscou est au top 20 des plateformes de ventes d’actions de sociétés innovantes.
Comment la France et la Russie coopèrent en innovation? Existe t il un cofinancement franco-russe ?
KB : Le cofinancement franco russe est en cours de conception au sein du Groupe de travail sur les innovations du Conseil économique bilatéral CEFIC. En Octobre 2012 à Paris, une réunion a eu lieu réunissant les ministères intéressés, OSEO, l’ANR, le Centre de l’efficacité énergétique franco-russe et les clusters russes et français. En décembre 2012, ce thème a été évoqué lors de l’atelier technologique de la 4ème Rencontre franco-russe de la coopération décentralisée qui a eu lieu à Nice.
L’idée retenue est de développer des projets pilotes pour démontrer et vérifier que çà marche.
Comment harmoniser les deux systèmes ? Quels sont les problèmes côté français et côté russe ? AFIC ? Joints Ventures russes ?
KB : Je ne pense pas que notre idée est d’harmoniser les deux systèmes. En fait si, il y a des points qu’il nous faut ajuster. Par exemple, la durée de l’examen des dossiers dans les deux pays. Mais ce qui est beaucoup plus important, c’est de trouver les capacités financières pour financer les meilleurs projets, aussi bien que choisir les projets qui intéressent les deux parties vu leurs débouchés ultérieurs.
Comment se développent les liens entre OSEO et les Fonds de soutien russes ?
KB : Les liens se créent par exemple à la signature d’une convention entre OSEO et la VEB en Juin 2011 lors de la Convention de financements scientifiques conjoints entre le Ministère des sciences russes et l’ANR.
Souhaitez vous annoncer un événement russe particulier en innovation ?
KB : En 2012, nous avons organisé un forum international des innovations à Moscou. Lors du premier forum, 1000 innovations étaient présentes pour seize pays présents. La Russie souhaite inciter les startups françaises à participer au Deuxième Forum de Moscou sur l’Innovation qui aura lieu du 29 Octobre au premier novembre 2013. La Russie souhaiterait la participation française la plus vaste à un très haut niveau d’innovation.
Quelles mesures incitatives envers les startups françaises ?
KB : S’il s’agit du Forum ça dépendra du niveau de la participation officielle de votre pays, mais évidement il y aura beaucoup de possibilités. On est intéressé à attirer le plus de start-ups possible.
Je vous remercie pour votre accueil en l’Ambassade de la Fédération de Russie.
Les dix premières Gazelles russes sont onze comme les trois mousquetaires étaient quatre, comme une équipe de sport :
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Béatrice de Damas pour UP’ Magazine {jacomment on}