Compétitivité et agriculture, l’insoutenable obsession, de Max Lefèvre – Éditions Les 3 colonnes, 20 octobre 2025 – 206 pages
Avec Compétitivité et agriculture, l’insoutenable obsession, Max Lefèvre nous offre un livre rare : un ouvrage qui respire la sincérité, l’expérience de terrain et la volonté de comprendre un monde agricole trop souvent réduit à des slogans. Ancien acteur des politiques publiques agricoles et fin observateur des mutations du métier, l’auteur nous invite à regarder l’agriculture autrement : non plus seulement comme un secteur économique, mais comme un univers humain, fait de territoires, de choix politiques et de biens communs à préserver.
Ce texte bouscule autant qu’il éclaire. Max Lefèvre prend le temps de remonter l’histoire, de dévoiler les mécanismes qui ont façonné notre modèle agricole actuel, et d’interroger, sans agressivité mais avec conviction, ce qui ne fonctionne plus. Son écriture, engagée mais toujours accessible, redonne surtout la parole aux agriculteurs, aux vrais. Ce livre, nécessaire, ouvre un débat citoyen essentiel et invite chacun à se réapproprier la question agricole.
L’ouvrage est une analyse rigoureuse et engagée des dérives du modèle agricole français depuis l’après-guerre. Max Lefevre retrace la transformation de l’agriculteur en chef d’entreprise, puis en agri-manager, une évolution qui, au lieu de renforcer le monde paysan, l’a conduit à ignorer sa dépendance à des biens communs essentiels : la terre et l’eau. En s’appuyant sur une lecture critique des textes fondateurs des politiques agricoles françaises – de la loi sur l’eau au Plan stratégique national –, l’auteur démontre comment l’obsession de la compétitivité favorise une minorité au détriment du plus grand nombre, avec des conséquences lourdes pour l’environnement, la santé publique et la survie des petites exploitations. S’appuyant sur quarante ans d’expérience au cœur des institutions agricoles, il propose des pistes concrètes pour refonder une agriculture solidaire, respectueuse des agriculteurs comme des citoyens. Cet essai lucide et accessible dessine les contours d’un modèle agricole soutenable, où l’intérêt collectif primerait enfin sur les logiques de marché.
L’écriture de Max Lefèvre est directe, incarnée, profondément humaine. Elle mêle analyse politique, récit personnel et témoignages sans jamais perdre le lecteur. Loin des essais technocratiques, il parle simple, il parle juste : ses exemples viennent du terrain, de vies agricoles concrètes, de situations observées pendant plus de quarante ans. Son style engagé ne bascule jamais dans l’agressivité; il avance par clarification, par mise en perspective, en donnant du sens à des notions souvent abstraites. Cette manière de raconter l’agriculture en la replaçant dans l’histoire, dans le quotidien des exploitations, rend la lecture vivante et accessible à tous.
Ce livre s’adresse à un large public : lecteurs curieux de comprendre les enjeux agricoles, citoyens soucieux de l’environnement, enseignants, étudiants en sciences politiques, agriculteurs eux-mêmes, mais aussi élus ou décideurs locaux. Il conviendra tout autant aux personnes qui suivent de loin l’actualité agricole et souhaitent enfin y voir clair, qu’à celles qui connaissent déjà le sujet et cherchent une analyse structurée et documentée. L’ouvrage offre des repères historiques, des mises en contexte et des clés de compréhension utiles pour quiconque s’interroge sur l’avenir de l’agriculture française.
Extrait : Il faut dire que le mouvement professionnel paysan d’avant-guerre était plutôt axé sur la défense d’un ordre moral attaché à la terre et au droit de propriété. Ces valeurs sont encore portées par certains syndicalistes français les plus radicaux, à la FNSEA ou à la Coordination rurale. Il est d’ailleurs très éclairant de revenir à la genèse du syndicalisme agricole français pour bien comprendre cette évolution. J’ai pris un certain plaisir à relire à ce sujet le tome IV de l’« Histoire de la France rurale ». On comprend mieux, à sa lecture, la difficulté d’établir un dialogue entre le monde agricole, (qui plébiscite l’agriculteur comme chef d’entreprise ou les valeurs de la droite agrarienne) et la société française. J’en citerai de larges extraits dans le présent chapitre.
Ces deux visions se rejoignent, considérant l’agriculture comme une filière autonome, qui n‘a de comptes à rendre à personne puisqu’elle est là pour nourrir la France et garantir l’excédent de notre balance commerciale grâce aux exportations.
Sauf que, ce que l’on qualifie pompeusement de « souveraineté alimentaire », n’est absolument plus assurée, malgré les milliards d’euros de subventions versés chaque année.
Max Lefèvre, fils d’agriculteurs picards, a consacré sa vie professionnelle à la défense de l’intérêt général dans le secteur agricole. Il a œuvré, en tant que cadre dirigeant, au sein d’une Chambre d’agriculture et d’une SAFER, pour la gestion durable des ressources naturelles et la régulation foncière. À la retraite depuis 2023, il met à profit son expertise en publiant un ouvrage destiné à promouvoir une agriculture respectueuse des agriculteurs, des citoyens, des biens communs et pour un foncier accessible à tous.
