La protection des biens et des personnes a changé d’échelle et déborde largement la dimension strictement territoriale. La nouvelle sécurité prend en charge les flux plus que les limites.
La construction pathétique de nouveaux murs est inopérante pour arrêter les flux d’immigrés ou les pénétrations terroristes. Car les frontières ne permettent plus de distinguer l’intérieur de l’extérieur. La confusion des espaces interroge le politique sur de nouveaux enjeux beaucoup plus complexes que ceux qui se traitaient jadis dans les cénacles du droit international.
La plupart des conflits actuels ne peuvent plus être compris dans un simple cadre territorial. Dans un monde sans extérieur où la technologie permet de s’affranchir des distances et des frontières, les questions de défense, d’armement et de sécurité prennent une autre nature. La scène du monde se complexifie, les rapports entre les États changent, de nouvelles formes de régionalisation s’organisent, de nouvelles responsabilités collectives apparaissent dans le domaine humanitaire ou dans celui du droit d’ingérence.
● Le politique ne peut dès lors plus se contenter d’affirmer son monopole sur un territoire déterminé. Il lui appartient d’inventer des cohérences nouvelles dans des espaces multiples. Il doit s’attacher à rechercher des équilibres nouveaux pour surmonter les logiques territoriales antagonistes.
Cette dimension du politique des sociétés complexes est inédite ; elle contraint à adopter une autre logique de raisonnement. Le politique évolue désormais dans des espaces dont les niveaux de territorialité sont multipliés, des espaces mobiles, dynamiques, interconnectés, extrêmement sensibles et réactifs. Des espaces à réinventer, qui autorisent l’appartenance à des communautés multiples et exigent une politique suffisamment plastique pour adapter sa forme aux configurations réticulaires des réalités.
Dans cette logique du fluide, le politique aura l’immense tâche de susciter le respect. Dans le cadre de la société d’abord, en faisant reposer le ciment social sur l’écoute, le compromis et l’opinion librement consentie. Dans le cadre des relations internationales aussi en préférant mettre en œuvre un ensemble infini de micro-décisions plutôt qu’en imposant un équilibre artificiel ou abstrait.