UP’ vous propose cette analyse de François Borel-Hänni parue sur le site Youphil.com ce 16 mai 2014 sur la « responsabilité sociale » du journaliste. Un sujet que nous tous à la rédaction, depuis le début de notre aventure, avons disséqué et auquel nous tentons de correspondre à travers nos multiples propos.
Edwy Plenel, fondateur de Mediapart dit ceci : « …Loin de s’aventurer sur des chemins inexplorés sans boussole ni expérience, ce symbole d’une nouvelle presse numérique se revendique d’une ancienne tradition qu’il entend défendre, refonder et renforcer, en épousant sans préjugés la modernité que symbolise internet ».
Mais encore : « La question de l’information, avant de devenir un enjeu professionnel ou une affaire économique, est au coeur de la vitalité démocratique elle-même ».
En effet, c’est en utilisant ce nouveau vecteur internet que nous avons choisi de prendre nos responsabilités de paroles, de thèmes et de sujets, dans le respect pur et noble de nos lecteurs : une information de contenus de qualité, libres, indépendants,… Merci à Youphil de recadrer ce droit à l’information riche pour tous les citoyens.
« Les médias doivent réfléchir à leur responsabilité sociale en tant qu’entreprise, mais aussi dans leurs contenus.
« Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des Droits de l’Homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l’exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre. » Ceci est le préambule à la Charte d’éthique professionnelle du Syndicat national des journalistes (SNJ), principal syndicat de la branche en France.
Mais il y a un problème dans cette louable déclaration d’intention. Un caillou posé en signature: la responsabilité. Toute personne morale ou physique, tout organisme public ou privé, aime aujourd’hui se déclarer responsable. Ce mot démange. Si galvaudé qu’il est comme un vieux pardessus: il s’enfile sans peine et ne protège de rien.
De quoi le journaliste est-il responsable?
Or, la responsabilité, comme « l’agir responsable », n’est pas un fourre-tout. Un mot désigne toujours quelque chose, il suffit de savoir quoi. « La responsabilité naît en-dehors du sujet responsable. Elle vient sur lui, parce qu’il se trouve engagé dans des circonstances qui l’engendrent. » Nous devons ces propos à Paul Fauconnet qui, en 1928, consacra une thèse au concept.
Celui qui se déclare « responsable » s’arroge un trop grand pouvoir : on ne choisit pas d’être responsable, on le devient. Paul Ricoeur complète la définition en précisant d’où naît la responsabilité: « En son sens fort, qui est aussi son sens vrai, la notion de responsabilité est développée par (…) Hans Jonas. L’auteur y montre que la véritable responsabilité n’est autre que celle qu’on exerce à l’endroit de quelqu’un ou quelque chose de fragile, qui nous serait confié. »
Il en résulte une définition limpide, élégante : je suis responsable envers une tierce partie de ce qu’elle m’a confié. De quoi les journalistes sont responsables ? Du droit de leur public à être bien informé. Cette responsabilité ne guide pas leur mission, elle est la mission.
Depuis 1935 et la création du statut de journaliste professionnel, n’importe quel journaliste déclaré se voit confier le droit du public à l’information. Dans le même temps, les sujets de l’information confient une partie de leur image au journaliste, sans parfois l’avoir demandé. L’oubli de ce deuxième aspect de la responsabilité est aussi ravageur que celui du droit à l’information.
Passage de l’information à l’opinion, par manque de recul
» L’information est l’arme de l’égalité. Celle de l’accès de tous aux connaissances sur notre présent immédiat et aux savoirs sur le passé dont il est tissé. Celle de la collective discussion et de la libre réflexion sur tous les faits d’intérêt public. » Edwy Plenel (1)
– (1) Livre « Le droit de savoir » d’Edwy Plenel – Editions Don Quichotte – Février 2013
– Livre « La vérité guidait leurs pas » de Pierre Mendès-France – 1976 – Editions Gallimard
– Oeuvres complètes d’Albert Londres – 1992 – Editions Arléa
– Livre « Une foi commune » de John Dewey – 2011 – Edition La Découverte
– Livre « Le droit et la loi » de Victor Hugo – 2002 – Editions 10/18
– Livre « La technique ou l’enjeu du siècle » de Jacques Ellul – 2008 – Edition Economica
– Livre » La Méthode, Ethique » d’Edgar Morin – 2004 – Edition du Seuil