2002. Les médias parlent peu d’environnement. A cette époque, les Français s’intéressent distraitement aux questions de la planète, de la biodiversité, de leur alimentation et encore moins du réchauffement climatique. Et pourtant, cette année-là, il y a dix sept ans, Jacques Chirac monte à la tribune du sommet de Johannesburg et lance cette alerte « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »
Depuis, cette phrase est non seulement restée dans les mémoires, mais elle hante chaque jour notre actualité. En interpellant les chefs d’État réunis sous l’égide de l’ONU ce 2 septembre 2002, Jacques Chirac inaugure une prise de conscience sur les dangers que font peser sur la planète les activités humaines. « La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre », assène le président. « Sur tous les continents, des signaux d’alerte s’allument. »
Écoutons-le égrener les fléaux qui frappent tous les continents comme un tableau prémonitoire du monde actuel : « L’Europe est frappée par des catastrophes naturelles et des crises sanitaires. L’économie américaine, souvent boulimique en ressources naturelles, paraît atteinte d’une crise de confiance dans ses modes de régulation. L’Amérique Latine est à nouveau secouée par la crise financière et donc sociale. En Asie, la multiplication des pollutions, dont témoigne le nuage brun, s’étend et menace d’empoisonnement un continent tout entier. L’Afrique est accablée par les conflits, le sida, la désertification, la famine. Certains pays insulaires sont menacés de disparition par le réchauffement climatique. »
C’était il y a dix-sept ans. Et Chirac de poursuivre comme une mise en garde : « Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! (…) Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d’un crime de l’humanité contre la vie. »
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Le président français ne se contente pas de lancer une alerte forte. Il lance aussi des pistes concrètes, un agenda qu’il appelle les États à suivre : d’abord, ratifier le protocole de Kyoto, précurseur de l’Accord de Paris, orienté pour réduire le réchauffement climatique. Ensuite, trouver de nouvelles sources de financement en organisant « un prélèvement de solidarité sur les ressources considérables engendrées par la mondialisation ». Appelant à une prise de conscience qui ne commence à prendre ses effets que maintenant, Jacques Chirac plaide pour une limitation de l’utilisation des ressources naturelles, de la pollution et de la production de déchets. Enfin, il se bat pour la mise en place d’instruments juridiques pour préserver la biodiversité menacée.
Ces appels ne resteront pas de seules incantations. Le président français disparu aujourd’hui 26 septembre à l’âge de 86 ans lance plusieurs grands chantiers : celui de la charte de l’environnement instaurée en 2005, l’inscription dans la Constitution du principe de précaution, le lancement de la taxe sur les billets d’avion pour financer la lutte contre le sida, le paludisme ou la tuberculose.
Sans être un grand visionnaire de l’écologie, le président Chirac a senti l’émergence des risques environnementaux. Il n’a pas profité de ses deux mandats pour engager des mesures structurelles concrètes sur la transition écologique. Il s’est bien gardé de vouloir infléchir la trajectoire de l’agriculture intensive. Mais, en humaniste qu’il était, il a donné une voix forte et nécessaire à la prise de conscience écologique. Peut-être trop tard, peut-être pas assez fort. Mais ils étaient peu à le faire il y a seulement dix-sept ans. Son appel résonne encore.