Lors d’une conférence Culture Web pour les 40 ans de l’INRIA il y a quelques années, l’historien Michel Serres fait un beau pied-de-nez aux technophobes et autres résistants à tout progrès de l’ère numérique. Cet homme témoigne d’une rapide mutation technologique et affirme par une brillante démonstration scientifique que « Les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents ! »
Michel Serres s’intéresse à l’interaction entre les sciences humaines et les sciences exactes et porte un regard très optimiste sur les N T. Pour lui, les sciences technologiques sont le socle des autres sciences, et c’est elles qui permettent de comprendre la culture d’une époque.
Sa thèse poursuit l’éternelle bataille entre Socrate et Platon, l’un reniant l’écriture en scandant la perte de mémoire, et l’autre vantant l’espace exponentiel de la mémoire, procuré grâce au nouveau support de l’écriture. Le conférencier s’aligne sur cette dernière et s’enthousiasme des nouvelles capacités de l’homme grâce aux nouvelles technologies.
Tout au long de la conférence, l’historien confronte nos préjugés face à la technique, il démontre, en s’appuyant sur l’histoire des technologies, qu’en réalité beaucoup de ce que l’on pense être nouveau dans les NT, ne sont en fait que des réalités très anciennes : le stockage se trouvent dans les cellules, la rapidité des messages criés par les gaulois dépassait celle des messagers à cheval de Jules César, la masse énorme d’informations se trouve dans les grandes bibliothèques et enfin la technophobie est née avec Socrate qui s’oppose à Platon.
Mais ce qui est vraiment nouveau c’est : le nouvel espace relatif aux adresses (mail, portable), les questions en rapport au droit, et surtout, l’externalisation des fonctions cognitives qui est la grande révolution, selon le conférencier.
La tradition orale a laissé place à une société écrite qui, en perdant la mémoire, a libéré son espace et gagne cette faculté pour l’application d’autres tâches. Ce que nous avons perdu en réalité, nous sert au multiple.
Avec un brillant jeu de passe entre les pronoms personnels, il symbolise le transfert de nos fonctions cognitives, du « Je » représentant le mathématicien d’antan, puis la communauté s’est agrandie par nécessité devant la charge de travail et est devenu un « Nous ». Et enfin, aujourd’hui nous avons déplacé ce qui jusqu’à maintenant nous définissait (nos fonctions cognitives) dans la puissance des réseaux informatiques « Il/ça ».
En droit de réponse face aux technophobes, le conteur des techniques énumère plusieurs outils primaires de l’homme, qui sont avant tout des externalisations de fonctions, et qui ont permit à l’homme de faire de réelles avancées : l’habit à substitué le poil, la roue a remplacé le pied, le marteau donne plus de force aux poings, etc.
Pour lui, les techniques sont dans un cycle Darwinien qui amène l’homme a développé de nouvelles capacités, et à sortir de son carcan d’évolution naturelle liée à son environnement.
En quelque sorte, Michel Serres instaure une nouvelle pensée « neo-darwiniste » qui démontre que la technique permet à l’homme d’évoluer considérablement vers la maîtrise spatio-temporelle. Ces nouvelles et futures possibilités de la technique ramène, peu à peu, la réalité aux portes de la science fiction.
Voir la vidéo sur interstices.info
Ecouter la conférence en mp3
A propos de Michel Serres
Michel Serres est agrégé de Philosophie et Académicien, il enseigne l’histoire des sciences à la Sorbonne et à Stanford. Infatigable questionneur du monde, le philosophe nous invite à relativiser les crise que que traversons, les grands changements sociétaux, en les mettant en perspective avec d’autres bouleversements de grande ampleur.
(Sources : webdeux.info)
{jacomment on}