Des chercheurs du Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille/CHU de Lille) et leurs collègues d’INRAE révèlent pour la première fois chez la souris, que les perturbations du microbiote intestinal engendrées par le virus de la grippe favorisent les surinfections bactériennes secondaires. Publiés dans la revue américaine Cell Reports le 3 mars 2020, ces résultats offrent de nouvelles perspectives pour la prévention et le traitement des pneumonies bactériennes, une cause majeure de décès chez les personnes âgées ou vulnérables infectées par le virus de la grippe et le coronavirus.
La grippe et ses complications demeurent un problème important de santé publique et une lourde charge socio-économique. Les campagnes de vaccination et la découverte de nouveaux traitements antiviraux offrent des solutions préventives ou thérapeutiques. Cependant, l’altération des mécanismes de défense contre les infections bactériennes secondaires, qui aggravent considérablement le tableau clinique des personnes grippées, reste un problème majeur.
Spécialisée dans le domaine de l’immunité pulmonaire, l’équipe dirigée par François Trottein, chercheur du CNRS au Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille/CHU Lille), s’est intéressé au microbiote intestinal, bien connu pour son rôle clé dans de nombreux processus physiologiques, y compris les mécanismes de défenses immunitaires.
Les scientifiques ont montré, chez la souris, que la grippe modifie de façon transitoire la composition et l’activité métabolique du microbiote intestinal probablement à cause de la réduction de la consommation alimentaire durant la maladie. Lors de la grippe, la production d’acides gras à chaînes courtes par les bactéries du microbiote est également réduite. Il s’agit de petites molécules produites par des bactéries, qui sont capables de passer de l’intestin à la circulation générale et à des cellules immunitaires présentes dans les alvéoles pulmonaires. Ces acides gras à chaînes courtes (AGCC) sont produits dans l’intestin par certaines bactéries du microbiote à l’occasion de la fermentation de fibres végétales.
L’équipe de recherche dévoile que ces acides gras favorisent à distance l’activité bactéricide des macrophages présents dans les poumons. La perturbation du microbiote intestinal par la grippe compromet donc les défenses pulmonaires, notamment contre Streptococcus pneumoniae, la première cause des pneumonies bactériennes chez l’humain.
Les chercheurs et chercheuses ont par ailleurs démontré que cette sensibilité à la surinfection bactérienne peut être corrigée par un traitement à l’acétate, l’un des principaux acides gras à chaînes courtes produit par le microbiote.
Ces travaux pourraient avoir des applications concrètes pour le bien-être des patients infectés qui seraient mieux armés contre les complications liées à la grippe. Cette découverte, réalisée en collaboration avec des scientifiques de l’Institut Micalis (INRAE/AgroParistech/Université Paris Saclay), du Lille inflammation research international center (Inserm/Université de Lille/CHU Lille), du laboratoire Conception et application de molécules bioactives (CNRS/Université de Strasbourg), de l’unité Virologie et immunologie moléculaires (INRAE) et de la société GenoScreen (Lille), représente une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes conduisant aux surinfections bactériennes chez les patients grippés. Elle pourrait conduire au développement de nouvelles stratégies nutritionnelles et/ou thérapeutiques visant à mieux contrôler les infections bactériennes.
Régime alimentaire pour renforcer ses défenses contre la grippe (et le coronavirus)
Il apparaît ainsi que l’augmentation de la consommation de fibres végétales en période d’épidémie grippale pourrait contribuer à se protéger des complications infectieuses de la grippe. De même, les jeûnes et restrictions de calories devraient être évités et ne sont pas à conseiller pendant ces épisodes épidémiques.
Pour protéger son microbiote intestinal en période d’épidémie grippale, l’immunologue britannique Sheena Cruickshank propose dans The Guardian d’adopter un régime alimentaire équilibré, composé d’aliments riches en fibres. On en trouve dans les légumineuses (soja, lentille, pois chiche, haricots secs), les céréales complets (riz, pain, pâtes, avoine…), ou encore certains fruits et légumes (chou-fleur cuit, endive, framboise, potimarron…). Il serait aussi recommandé de consommer des produits fermentés, comme du yaourt, de la choucroute ou du kimchi (mets traditionnel coréen composé de piments et de légumes lacto-fermentés).
Pour aller plus loin :
- « A la découverte du ventre et de ses bactéries – Un chemin de vitalité » de Marcel Roberfroid – Edition Josette Lyon, octobre 2019