Véritable fléau dans les pays en développement, les médicaments « falsifiés », dangereux pour la santé, n’épargnent plus désormais les pays européens et commencent à toucher la France, via surtout des produits vendus sur internet, ont averti mardi des experts réunis à Paris.
Jusqu’à récemment encore, les pays développés « se croyaient à l’abri », mais « brusquement, on se rend compte que des faux médicaments circulent« , résume le Pr Marc Gentilini, coauteur d’un rapport alarmant de l’Académie nationale de médecine sur le sujet.
Au niveau mondial, toutes les classes de médicaments sont désormais concernées, note de son côté Pernette Bourdillon Estève, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Les médicaments falsifiés, qui viennent pour la plupart de Chine et d’Inde, « comprennent les médicaments contrefaits mais également les médicaments de qualité inférieure, insuffisamment dosés ou qui contiennent d’autres substances que celles attendues et qui présentent un risque pour la santé« , explique-t-elle.
Elle cite le cas de récentes alertes contre de faux vaccins contre la fièvre jaune et la méningite ou encore de faux médicaments contre l’hépatite C. Mais le problème touche également les antibiotiques, les traitements contre le paludisme, les anticancéreux, les contraceptifs et le paracétamol.
Aucun bilan fiable n’existe à ce jour sur les décès liés à la consommation de médicaments falsifiés. Selon Wilfrid Rogé, de l’Institut de recherche anti-contrefaçon des médicaments (IRCAM), les estimations vont de 700.000 à 2 millions de décès par an dans le monde.
Le rapport du Pr Gentilini a conduit six organisations professionnelles de santé françaises à signer mardi à Paris un manifeste pour réclamer une politique de prévention et de répression à l’échelle internationale. « De simples opérations coups de poing dans les marchés des pays vulnérables ou des +coups de filet+ spectaculaires s’avèrent insuffisants« , soulignent les trois Ordres des médecins, pharmaciens et vétérinaires et les trois Académies de santé, dans ce document destiné à alerter l’opinion et les pouvoirs publics.
« La menace évolue, elle est désormais globale« , relève pour sa part le Lieutenant-Colonel Christian Tournié, de la Direction générale de la gendarmerie nationale, tandis que Pr Gentilini souligne l’intérêt des mafias pour ce commerce illicite « plus rentable et moins pénalisant que le trafic de drogue« .
En Europe, où la libre circulation des médicaments est à l’origine d’un commerce parallèle lié aux différences de prix entre les pays membres, des produits falsifiés ont déjà été découverts à plusieurs reprises : c’est notamment le cas d’un médicament anti-cancéreux onéreux l’Herceptin dont des versions contrefaites ont été retrouvées en 2014 dans plusieurs pays (Allemagne, Royaume Uni, Finlande). L’implication de la Camorra, un syndicat du crime organisé italien, avait alors été évoquée.
La France reste relativement épargnée, aucun médicament falsifié n’ayant à ce jour été découvert dans le circuit des officines pharmaceutiques, selon les experts réunis à Paris.
Mais les pharmaciens et les médecins s’inquiètent des dangers de la vente des médicaments sur internet où coexistent quelque 300 sites légaux et des sites sauvages qu’il n’est pas toujours facile de distinguer. Selon le directeur de l’inspection de l’agence du médicament (ANSM) Gaëtan Rudant, près des deux tiers des médicaments vendus sur des sites non légaux n’ont pas « la qualité requise ». Mais il reconnaît que fermer un site reste compliqué et que le « seul levier » est d’informer « les patients pour qu’ils soient au courant du risque ».
Quant aux produits majoritairement achetés sur internet, ils concernent notamment des produits illégaux comme les produits dopants, les hormones ou les coupe-faim ou des médicaments contre les troubles de l’érection que les patients préfèrent acheter en toute discrétion. Ces produits sont également majoritaires dans les médicaments illicites saisis par les douanes chaque année, selon Frédéric Laforêt, le chef de l’Observatoire des médicaments auprès des douanes.
C’est ainsi que sur les 1,5 million d’unités de médicaments saisis en France en 2015, seulement 200.000 étaient des contrefaçons, le reste étant essentiellement des produits dopants ou facilitant l’érection.
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