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génome humain

Des chercheurs se lancent dans la fabrication d’un génome humain artificiel

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Va-t-on insidieusement vers la création artificielle d’un humain ? George Church, dont on connaît les coups médiatiques récurrents – annonçant la résurrection des mammouths par exemple – a publié ce 2 juin 2016 un article (cosignés par 24 autres chercheurs américains) dans la revue Science annonçant la mobilisation pour synthétiser in extenso, les 6 milliards de nucléotides du génome humain. Le projet va être porté par une organisation non commerciale, le Centre d’excellence pour l’ingénierie biologique, qui va lever 100 millions cette année auprès de sources tant privées que publiques. Il faut donc convaincre que cela peut servir à quelque chose… Mais à quoi donc ?
 
Dans son livre publié en 2012 intitulé « Regenesis : How Synthetic Biology Will Reinvent Nature and Ourselves » (Comment la biologie de synthèse va réinventer la nature et nous-mêmes), le biologiste George Church décrit le point d’aboutissement de l’ingénierie génétique comme la production d’humains aux génomes fabriqués sur mesure et devenus résistants à tous les virus notamment le sida ou l’herpès…
Le rêve est attrayant et anime le Genome-Project Write, qui arrive vingt cinq ans après la mobilisation internationale pour le séquençage du génome humain. Après la lecture, passons à l’écriture donc !
 
Après deux réunions confidentielles qui se sont tenues à New York (au Langone Medical Center) le 31 Octobre 2015 puis à Harvard le 10 mai dernier, les 25 chercheurs-promoteurs cosignent un article intitulé Le projet d’écriture du génome dans la revue Science du 2 juin 2016. Parmi eux, Rob Carlson qui a inventé la courbe de « simplification des outils de la biologie de synthèse » qui, à la manière de la loi de Moore, prévoit une décroissance exponentielle des coûts. Le prospectiviste Andrew Hessel, membre du groupe de recherche Bio/Nano d’Autodesk, figure aussi parmi les signataires, ainsi que Jef Boeke qui dirige l’Institut des systèmes génétiques au Langone Medical Center à New York et qui pilote le projet de synthèse du génome de levure (200 fois plus petit que le génome humain) qui devrait être achevé en 2017.
 

Réactions mitigées

Assurant que trop peu de personnes s’intéressent à la biologie de synthèse et à son incroyable potentiel, Hessel appelle à une forme de réveil, que le défi d’« écrire » un génome humain de synthèse pourrait déclencher. Un défi technique, disait-il, dont l’objectif serait de montrer que ce génome peut être fonctionnel si on l’injecte dans une cellule de culture. « Ce que je ne veux certainement pas proposer, c’est de faire pousser un bébé à partir d’un génome de synthèse. Avant de pouvoir voler, nous devons savoir marcher », disait-il.
 
Ce plan (HGP-ecriture) pour synthétiser le génome humain suscite des réactions mitigées. Certains reconnaissent que l’on peut apprendre beaucoup car, pour l’instant, seuls de petits génomes et des portions bactériennes ont été faites à partir de zéro. Mais d’autres chercheurs regardent cette initiative comme une centralisation inutile du travail qui est déjà en place dans les entreprises travaillant pour abaisser le prix de la synthèse des chaînes d’ADN. De plus, certains des promoteurs de l’écriture du génome humain ont des intérêts financiers notamment chez Gen9 à Cambridge (Massachusetts).
 
Il est certain que des enjeux importants concernent la propriété intellectuelle des résultats. Boeke indique qu’il préférerait qu’il n’y ait pas de restrictions de propriété intellectuelle sur les produits de HGP-écriture, comme dans le cas de son projet sur le génome synthétique de la levure synthétique. « Nous ne cherchons pas à faire une armée de clones ou à commencer une nouvelle ère de l’eugénisme,a indiqué le chercheur. « 
« Le projet pourrait encourager un large accès de la propriété intellectuelle par l’intermédiaire de la mise en commun des brevets, prétendent les auteurs. La réduction des coûts est possible, comme le montre le programme de subvention de 1000 $ par ainsi que le partage d’outils CRISPR entre plus de 80 laboratoires à travers addgene.org ».
 
Pour les auteurs qui insistent d’emblée sur la volonté de s’inscrire dans une démarche « d’innovation responsable », le projet peut répondre à un certain nombre de défis pour la santé humaine. On pense à la thérapie génique avec des lignées cellulaires thérapeutiques ou résistantes aux cancers ou la création d’organes humains transplantables.

La justification du projet reste peu claire

La proposition recueille aussi de fortes critiques. Drew Endy, très impliqué dans le concours internationale de l’IGEM ( à Boston) consacré à la biologie de synthèse, considère que la démarche aurait dû faire l’objet d’un examen éthique indépendant.  « Est-ce que nous voulons fonctionner dans un monde où les gens sont capables de s’organiser pour faire des génomes humains ? Faut-il faire une pause et réfléchir sur cette question avant de nous lancer dans le projet ? » interroge Drew Endy dans The WashingtonPost. « Ils parlent de mettre en œuvre cette chose qui est le génome et qui définit l’humanité. C’est une tentative éhontée de préempter un avis éthique préalable. »
 
Le 13 mai, à la suite de la réunion « secrète » à Harvard, le Center for Genetics and Society, une ONG qui milite pour des débats éthiques sur les nouvelles biotechnologies, a dénoncé « une réunion qui ressemble à une volonté de privatiser la discussion sur les modifications de l’héritage génétique ».
 
Le médecin généticien Francis Collins a déclaré dans un communiqué que l’Institut fédéral de la santé (NIH) qu’il dirige était intéressé à encourager les progrès de la synthèse de l’ADN, mais qu’il ne considère pas que le temps est venu pour financer une production à grande échelle. Il a ajouté que « l’ensemble du génome, des projets de synthèse des organismes entiers vont bien au-delà des capacités scientifiques actuelles, et font immédiatement surgir de nombreux drapeaux rouges éthiques et philosophiques. »
 
Afin d’assurer la participation du public et de la transparence, le projet de fabrication du génome humain prévoit d’encourager le débat public avec le soutien du Centre Woodrow Wilson. Une affaire à suivre…
 

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