Qui peut résister à la chair crémeuse d’un avocat bien mûr ? Écrasé en guacamole, coupé en lamelles ou étalé sur une tartine, c’est un fruit que le monde entier adore en ce moment. Mais l’avocat est moins « vert » qu’il n’en a l’air. Et son statut d’aliment à la mode n’est peut-être pas compatible avec les préceptes du développement durable. Si la popularité actuelle de l’avocat génère des opportunités très profitables pour les agriculteurs, elle cause aussi de gros dégâts sur l’environnement, comme au Mexique où la déforestation s’aggrave : on y produit 30 % des 4,7 millions de tonnes d’avocats récoltées annuellement sur la planète.
L’avocat à toutes les sauces
Ce qui fut jadis un ingrédient exotique est devenu un aliment de tous les jours. L’Union européenne importe ainsi quelque 440 000 tonnes d’avocats par an. Et tandis que la demande ne cesse d’augmenter, nous pensons peu à l’impact environnemental de ce genre d’aliments « tendance », distraits que nous sommes par les nouvelles expériences gustatives et les bénéfices santé qu’ils nous offrent.
La montée en puissance de l’avocat provoque sa production intensive, qui entraîne la déforestation des zones où il est cultivé, tandis la perspective de profits juteux encourage les agriculteurs à poursuivre dans cette voie. On observe le même type de phénomène avec le soja et le maïs, dont la production et le commerce dépendent exclusivement de certaines régions du monde.
Ail et piment
Au-delà de l’avocat, la demande constante en produits provenant de régions semi-tropicales met l’environnement à rude épreuve.
L’impact environnemental de nos appétits démesurés concerne aussi des produits plus luxueux comme le chocolat et le café, pour lesquels les circuits équitables ont changé peu à peu notre mode consommation. Le besoin de créer de nouveaux goûts et de nouvelles expériences alimentaires peut causer de véritables désastres écologiques.
L’ail, par exemple – autre ingrédient essentiel au guacamole ! – a vu sa production mondiale passer de 4 à 24 millions par an depuis les années 1960, et près de 80 % de l’ail produit dans le monde vient de Chine.
La forte demande pour des produits à haute valeur ajoutée et aux goûts bien spécifiques comme l’ail et le piment (qui a lui aussi connu un boom de sa production) a favorisé l’apparition de contrebandiers agricoles qui sont désormais à la tête d’une industrie multimillionnaire – et illégale – en Europe. Il devient donc de plus en plus compliqué de manger sain et responsable en succombant à la nouveauté.
Tandis que des certifications qui garantissent la durabilité et le respect de la biodiversité sont mises en place pour le poisson, le café et le chocolat, elles n’existent pas encore (ou sont très rares) pour les herbes, les épices et tous les ingrédients que nous utilisons à petites doses et qui ajoutent beaucoup de goût et de personnalité à nos plats.
De la nécessité des certifications
La plupart des cultures à gros volumes – céréales, sucre, et de nombreux fruits – sont désormais dotées de garanties de traçabilité où la durabilité est évaluée tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Mais il est étonnant que ces certifications ne concernent que le poisson, la viande et d’autres produits alimentaires de base, et pas les ingrédients à haute valeur ajoutée que nous utilisons en petite quantité.
Comment y remédier ?
Il s’agit d’abord d’éveiller la conscience des consommateurs et de les guider sur la voie de la consommation durable. L’agriculture urbaine et verticale, dans laquelle les plantes poussent dans des environnements contrôlés, a également un rôle important à jouer. Elle permet aux restaurateurs comme aux consommateurs de se procurer des herbes, de l’ail et des légumes à feuilles cultivés par des producteurs locaux capables de fournir de petites quantités de ces précieux produits et cela à des prix compétitifs.
Bien sûr, la production locale a ses limites, et, à ma connaissance, on ne sait pas encore faire pousser des avocats à l’échelle commerciale au Royaume-Uni ou dans le reste de l’Europe ! Et si c’était le cas, ce ne serait sûrement pas des produits durables. Mais en renforçant le développement solidaire des produits alimentaires à la mode, siglés « commerce équitable », nous pourrions peut-être continuer à les consommer sans courir le risque de détériorer davantage l’environnement.
Au XVIIIe siècle, les collectionneurs en botanique faisaient pousser des fruits tropicaux dans leurs serres chauffées partout en Angleterre. Notre système actuel, qui nous donne accès à l’avocat et à d’autres aliments semi-tropicaux en toute saison, ne pourra réduire son empreinte énergétique que si une production responsable est rendue possible. Les fournisseurs doivent donc prouver leur engagement en faveur du développement durable, afin que les consommateurs puissent s’approvisionner en toute transparence.
Wayne Martindale, Senior Research Fellow, Corporate Social Responsibility, Sheffield Hallam University
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.