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Parler politique dans l’entreprise : Et si on « manageait autrement » ?

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A l’heure de la « pause dej’ », que vous soyez plutôt panini au parc ou choucroute garnie à la cantine deux sujets vous paraitront toujours délicats à évoquer avec vos collègues : la religion et la politique.
La sphère professionnelle reste, pour bon nombre d’entre nous, un lieu où nos convictions politiques ne peuvent être étalées sans une certaine mesure. Mesure sans laquelle cette période électorale se transformerait en véritable cauchemar pour le patron si le débat venait à s’installer autour de la machine à café, dans les ateliers et les bureaux, entraînant des débats houleux voire des débordements. Alors que faire ?
 
En ces temps d’élections présidentielles, tous les Français sont des « Présidents en puissance » et portent un vif intérêt pour la campagne en cours et pour les candidats qui s’alignent sur la grille de départ, malgré  l’inconnue qui bouscule toutes les équations électorales qu’est le taux d’abstention.  Ainsi jusqu’en juin, le planning électoral (élections présidentielles puis législatives) fera de la France une démocratie « connectée » en permanence à son environnement politique. Et ce ne sont ni le récent Penelope Gate, ni la Macronite aïgue qui s’empare de l’actualité qui vont calmer les ardeurs de nos concitoyens, et reléguer les questions de vie politique au second plan.
Mais que faire alors quand on est dirigeant ? Interdire strictement le sujet ? Eluder la question ? Prier pour que nos réflexes conditionnés de recherche du consensus et des bonnes manières fassent le reste ? 
 
Une chose est sûre : si vous interdisez le débat, en bons Français qu’ils sont, vos collaborateurs se feront un devoir de braver l’interdit. De toute façon, depuis 1946, la Convention Européenne des Droits de l’Homme et le Code du Travail protègent le droit des salariés à pouvoir parler de tout sur leur lieu de travail, à la condition de ne faire part que de leurs opinions personnelles. Le salarié peut donc parler de politique au sein de l’entreprise, mais en aucun cas il n’a le droit de militer pour tel ou tel candidat.
 
D’une part, le Droit s’applique. Et de l’autre, l’intérêt des Français pour les débats, en général, est viscéral.
Il est donc du ressort du dirigeant, du manager de l’entreprise, de fixer le cadre des échanges. Et pourquoi pas même, de lancer certains débats d’idées ? C’est d’autant plus vrai dans les sociétés françaises où l’organisation est un des principes régisseur du rapport à l’autre et de la vie en collectivité.
Le plus simple, pour débuter sereinement et sans prendre trop de risques, serait de se lancer sur des sujets en rapport avec l’activité de l’entreprise comme l’analyse des propositions politiques sur le susceptible d’impacter le business. L’exemple le plus pragmatique sera celui du secteur automobile et du débat autour de l’impact, réel ou non, des politiques vertes.
 
En clair, il est presque du devoir du cadre dirigeant de donner l’exemple par sa pratique. En abordant lui-même un sujet, il oriente et autorise le débat, tout en invitant ses collaborateurs à prendre la parole et à exprimer leur point de vue. Et tout cela dans un climat d’échange, de confiance et de respect qu’il aura su instaurer.
Rapprocher les idées au contexte de l’entreprise doit permettre, le cas échéant de mieux gérer la largeur du débat. Il faudra s’armer de courage et ne pas hésiter à creuser et à comparer les programmes en compétition, plutôt que de n’évoquer que tel ou tel candidat. Un vrai débat de fond, voilà ce que le chef d’entreprise doit pouvoir proposer.
Peu importe que Pierre se laisse séduire par le revenu universel de Benoît Hamon, que Paul ne jure que par Jean-Luc Mélenchon ou que Jacques affirme son intention de voter Marine Le Pen ! La démarche imposée est avant tout intellectuelle : mieux comprendre ensemble les sujets, pour mieux anticiper les réformes attendues et leurs incidences. 
Le manager est responsable du cadre des échanges et doit ramener chaque sujet dans son état de réflexion pour l’entreprise, dans ce nouvel espace partagé avec ses équipes.
 
Prudence doit être mère de sûreté quand le débat s’attarde sur les candidats car mathématiquement, une grande partie des salariés a déjà fait son choix entre François Fillon, Emmanuel Macron… Nous ne sommes certes pas aux Etats-Unis, et ce n’est pas demain la veille que la DRH fera irruption dans la salle de réunion, avec un tee-shirt flanqué du portrait de Philippe Poutou.
 
Néanmoins, les thèmes phares de la campagne doivent être abordés avec précaution  car certains approchent de la sphère privée. Et les Français aiment à cultiver une certaine discrétion quant à leurs orientations religieuses, sexuelles… Il sera toujours plus judicieux de mener une analyse comparative à un déroulé d’opinion car le rôle de dirigeant n’est pas le dogmatisme partisan mais la réflexion et l’anticipation du cadre de travail.                                                                                                                                   
De quelle manière aborder le sujet politique tout en le maitrisant ?
S’il faut savoir agir avec précaution, il faut néanmoins trouver la forme qui vous conviendra, à votre équipe et à vous, pour engager la conversation sur ce thème.  Le dirigeant, selon sa personnalité, aura plus ou moins de facilité à rendre le débat informel. A l’inverse, s’il n’est pas à l’aise avec la question, il existe des alternatives comme l’organisation d’un déjeuner ou encore d’un afterwork sur les thématiques politiques en lien avec le secteur d’activité. Cette initiative doit permettre de rassembler autour de l’actualité, tout en ouvrant implicitement la voie de l’échange.
 
Parler politique en entreprise, c’est échanger sur le vécu de la cité et non débattre des grands principes sociétaux. Que faire alors en cas de « dérapage » ? Si le cadre a été posé, fut-il tacitement plutôt que de manière annoncée, le dirigeant se doit de ramener ses « brebis égarées dans le droit chemin ». Par le regard croisé qu’il pose sur la discussion, en présentant les différents programmes sous l’angle de l’impact plutôt que de la simple opinion. Il doit oublier son avis propre et se mettre au service de l’échange, faisant, à la manière d’un chef d’orchestre, intervenir les uns et les autres. Et si cela ne suffisait pas, si la conversation venait à s’envenimer davantage, une opposition ferme aux mises en causes et invectives personnelles, ainsi qu’un rappel clair des règles seraient de bon aloi.
Diriger une entreprise est parfois aussi simple que voter : dans les deux cas, il faut faire appel à son instinct et à son bon sens !
 
François Enius, Conseiller Stratégique Enius
 

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