Dans son avis sur les huiles minérales, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) confirme que des substances toxiques qui migrent des emballages – souvent en papier ou carton recyclés – vers les aliments représentent bel et bien un risque pour notre santé.
Deux ans après sa saisine, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a rendu public son rapport sur la migration des huiles minérales dans les denrées alimentaires. Publié ce 9 mai, celui-ci est sans appel : il faut prendre des mesures sans tarder. Les nouveaux ministres devront s’y atteler de toute urgence.
L’Anses estime nécessaire de protéger les consommateurs contre les dangers que représentent ces dérivés d’hydrocarbures, invisibles à l’œil nu mais bien présents dans nos aliments. L’Agence confirme le caractère mutagène, cancérogène et perturbateur endocrinien des huiles minérales qui migrent des emballages papier et carton vers les denrées alimentaires. De nombreux aliments sont contaminés par des huiles minérales aromatiques, potentiellement cancérogènes et mutagènes. Ces huiles, des dérivés du pétrole, proviennent en grande partie des encres d’impression présentes dans les emballages à base de papier recyclé. Elles peuvent donc altérer notre patrimoine génétique.
En octobre 2015, l’ONG foodwatch publiait les résultats d’une étude alarmante : 60% des aliments testés en France (riz, céréales de petit-déjeuner, lentilles, couscous, pâtes…) étaient contaminés par des huiles minérales aromatiques. Selon l’ONG, ces huiles « peuvent migrer dans les aliments par l’intermédiaire de plusieurs sources, tout au long du processus de production ». Entre autres facteurs de contamination, Foodwatch cite l’environnement de production, les résidus des produits utilisés par les machines lors de la fabrication des emballages, mais aussi la pollution environnementale (lors du transport) ou les sacs en toile de jute dans lesquels sont, par exemple, transportées les fèves de cacao.
Aussi appelées MOAH, ces substances volatiles, qui migrent notamment des emballages carton vers les aliments, sont bien connues des fabricants et distributeurs. Les scientifiques dénoncent depuis des années les risques qu’elles présentent : potentiellement cancérogènes et mutagènes.
En Europe, foodwatch avait testé plus d’une centaine d’aliments de grande consommation en Europe en octobre 2015 et révélé que plus de 60% des denrées achetées en France contenaient ces MOAH, catégorie la plus dangereuse.
Les experts de l’Anses considèrent comme une priorité la nécessaire réduction de la contamination des denrées alimentaires par ces huiles minérales. Ils appellent dès à présent à « limiter l’exposition du consommateur ».
L’Agence française de sécurité des aliments recommande sans attendre l’utilisation de barrières permettant de limiter la migration des huiles minérales de l’emballage vers les aliments : « Il conviendrait d’utiliser des barrières dont l’efficacité a été reconnue et préalablement testée selon une méthodologie suffisamment robuste comme celle proposée par Biedermann-Brem et Grob », deux experts mondiaux en la matière. Ces barrières consistent en une couche intégrée à l’emballage.
Dans une pétition adressée à la Commission européenne signée par plus de 122.000 personnes, foodwatch appelle à rendre ces barrières obligatoires partout en Europe. Le nouveau gouvernement français va donc devoir se saisir du sujet : « L’avis de l’Anses confirme qu’il ne faut plus tergiverser. Les autorités publiques doivent protéger la santé des consommateurs par des mesures urgentes », précise Karine Jacquemart, directrice de foodwatch France.
Pour André Cicolella, toxicologue et président du Réseau Environnement Santé : « Nous disposons de suffisamment de données toxicologiques pour légiférer, alors qu’attend-on ? De plus, il faut être cohérent avec la stratégie nationale pour réduire l’exposition de la population aux perturbateurs endocriniens. » car » Les risques cancérogènes sont aujourd’hui multiples, et les causes s’influencent les unes les autres ».
« Cette étude n’est qu’une énième confirmation que nous assistons aujourd’hui à une crise sanitaire globale, qu’il s’agit de traiter par une stratégie nationale, et non substance par substance », déclarait encore le président de RES lors d’une interview à We demain en octobre 2015, qui appelle les citoyens à réagir afin de forcer le gouvernement à « une politique plus rigoureuse et ambitieuse qu’actuellement ».
Depuis novembre 2016, six grands noms de la distribution – E.Leclerc, Carrefour, Lidl, Intermarché, Casino et Système U – avaient pris les devants, sans attendre une décision politique qui tardait à venir, et s’étaient engagés contre la contamination dans les produits de leur marque distributeur. Les six distributeurs posent une limite claire à la contamination, en déterminant des seuils maximum pour la présence d’huiles minérales dans les aliments : pas de présence détectable pour la catégorie la plus dangereuse, les MOAH, et un maximum de 2mg/kg pour l’autre catégorie, les MOSH. Plusieurs d’entre eux font déjà usage de barrières fonctionnelles dans les emballages carton, ce qui permet d’empêcher les huiles minérales de migrer dans les aliments. C’est une des solutions techniques réputées les plus efficaces.
Pour garantir la protection de tous, le gouvernement peut et doit lui aussi fixer des limites strictes à la quantité d’huiles minérales présentes dans les aliments, et rendre obligatoire l’utilisation de barrières pour les emballages en papier et carton. L’association Que choisir éditait déjà en 2011 un article sur le sujet …
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