Avec l’ouverture ce lundi 29 mai de la semaine européenne du développement durable (SEDD), le Ministre Nicolas Hulot martèle l’exigence de solidarité qu’insuffle l’écologie. Solidarité avec le futur, solidarité pour la justice, afin de « préserver les conditions de vie quasi miraculeuses ». Consacrée aux 17 objectifs de l’ONU, cette SEDD doit renforcer les « coalitions d’actions » entre entreprises (Global Compact Plus) ONG et collectivités. « Nous portons un enjeu humaniste » insiste le nouveau Ministre de la transition écologique et solidaire. « Il s’agit de faire société « .
Insoutenable. Le mot est puissant. Mais qu’évoque-t-il pour chacun de nous ? Les migrants qui échouent sur les rives nord de la Méditerranée ? La destruction des ours polaires ou des derniers singes ? Les conflits pour des mannes pétrolières ? Quelle que soit la réponse, on pense à la vie menacée. Presque toujours, c’est la rupture des solidarités qui hypothèquent la survie.
C’est dans cette cohérence que Nicolas Hulot a nommé son « ministère de la transition écologique et solidaire ». Pour le pionnier de la défense de la nature, vivre c’est simplement s’inscrire dans les interdépendances. Son intervention devant la presse ce lundi 29 mai pour lancer la semaine européenne du développement durable (SEDD) a montré que l’homme de conviction entend bien continuer à forger des « guides pour nous projeter ». « Le développement durable c’est un contrat de société pour préserver, protéger les diversités culturelles comme naturelles. Trois mots guideront mon action : sobriété pour éviter des prélèvements indus, humilité pour sortir d’un siècle de vanité, dignité car la crise écologique ajoute toujours souffrance et injustice ».
Une vision qui tombe à pic, alors que cette semaine du développement durable est consacrée aux 17 objectifs du DD ( ou ODD) adoptés par 193 pays il y a deux ans, dans le cadre de l’ONU et son Agenda 2030. Ce dernier définit les axes prioritaires pour transformer nos modèles de développement. Il s’organise autour des peuples, de la planète, de la prospérité, de la paix, et des partenariats (5P). Et il nous reste juste 13 ans pour résoudre ces 17 défis que sont la pauvreté, la faim, la santé, l’éducation, l’égalité des sexes, l’accès à une eau saine… mais aussi les consommations et productions responsables, ou la Paix, la justice et les institutions efficaces ! Les actions sont conçues comme systémiques avec une forte conscience d’un monde d’interdépendances. « Nous vivons un paradoxe, a souligné Nicolas Hulot. Notre monde s’est connecté mais il ne s’est pas relié ».
Invitée à témoigner pour le lancement de la SEDD, Hélène Valade, directrice du développement durable de Suez, estime que « ces ODD constituent un langage commun essentiel car il fonctionne aussi bien pour les grands groupes, les PME, les collectivités locales ou les ONG. Ils inspirent et guident les feuilles de route. Chez nous, au sein de Suez par exemple, ils interrogent notre fonction d’entreprise comme contributrice du bien commun. Ils font prendre conscience de ce dont nous sommes redevables… ».
Dans un exemple, la vice-présidente du C3D (Collège des directeurs du développement durable) illustre la vision globale à laquelle éduquent les ODD : « Au Maroc, nous avons transformé des décharges en centres de valorisation des déchets mais il a fallu traiter la question des gens qui vivaient de la récupération des détritus. Nous avons créé des coopératives de trieurs afin d’enclencher progressivement des statuts de salariés ».
Ces ODD – issus des anciens Objectifs du Millénaire (OMD) et des objectifs des Sommets de la Terre initiés en 1992 à Rio – sont assortis de 229 indicateurs conçus pour mesurer la progression ainsi que de 169 cibles. Un dispositif de suivi a été mis en place et les pays examinent chaque année 6 ODD parmi les 17. La France publiera en juillet son analyse des six ODD numérotés suivants : 1 (pauvreté), 2 (faim zéro), 3 (bonne santé et bien-être, 5 (égalité entre les sexes), 9 (industrie, innovation, infrastructures) et 14 (vie aquatique).
« Il nous faut réaliser un gros travail d’acculturation « explique Laurence Monnoyer-Smith, Commissaire générale au développement durable et déléguée interministérielle au développement durable (DIDD). Si la démarche peut sembler lourde et technique, elle montre un nouveau chemin, développe une narration de solidarité où personne n’est laissé de côté ». Chaque année, les pays sont invités à rendre compte de leurs progrès devant le Forum politique de haut niveau des Nations Unies, dont le prochain se tiendra en juillet.
L’an dernier la SEDD avait permis la réalisation de plus de 4000 actions dans une trentaine de pays d’Europe (dont 1600 en France) mobilisant plus de 300 000 citoyens. L’initiative contribue à connecter des réseaux mobilisés pour les transitions. Le Réseau des étudiants français pour l’éducation au développement durable (REFEDD) comme la Fédération des assemblées générales étudiantes (FAGE) en sont des ambassadeurs. Bien sur, la démarche Global Compact portée par les entreprises joue un rôle clé. Nicolas Matos, président du Club PME du Global Compact constate les effets d’entrainement. « Nous travaillons sur les achats responsables, les empreintes carbone, les déchets et échangeons les meilleures pratiques », témoigne le dirigeant de l’entreprise Hervé Thermique.
Bien sûr certains resteront sceptiques face à ces efforts mêmes coopératifs. Surtout à l’heure où Donald Trump éreinte les nerfs de ses homologues en envisageant de quitter l’accord de la Cop21. Comment croire en effet que ces instruments internationaux vont pouvoir infléchir la tendance lourde de notre monde où les inégalités s’accroissent dramatiquement ? Comment penser que cet aiguillon des ODD peut être capable de réinventer nos modèles économiques ?
L’encouragement pourrait venir de la convergence des efforts et de leur cohérence. Le rapport sur « l’Etat de la France » adopté par le CESE la semaine dernière propose aussi dix indicateurs et des pistes pour limiter les inégalités de revenus, les empreintes carbone ou l’artificialisation des sols (deux préconisations sur le modèle de l’Allemagne). De même, la chaire Energie et prospérité créée par Gaël Giraud, économiste à l’Agence française de développement (AFD) et Jean-Pierre Ponssard trace aussi les nouveaux repères de la transition énergétique.
Pour Nicolas Hulot, « il faut bien s’entendre sur ce que l’on veut faire durer : soit on continue à donner licence pour détruire la nature, soit on adopte l’impératif d’un développement solidaire ». Et de citer Henri Bergson : « L’avenir de l’humanité est indéterminé parce qu’il dépend d’elle ».
Nicolas Hulot nous invite à la modestie : «Quel que soit notre génie, nous ne pourrons jamais nous substituer à la nature. Notre siècle sera solidaire ou ne sera pas ».
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