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Réjouissons-nous ! Le « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (PACTE) lancé par le ministère de l’Economie ouvre enfin le débat sur l’engagement sociétal de l’entreprise et la nécessité de lui définir un « objet social » élargi : soit via une réforme du code civil, soit via l’adoption d’un nouveau statut « d’entreprises à mission ».
Tribune libre
Inspirées du modèle anglo-saxon des « B.CORP », ces entreprises « à mission » seraient ainsi plus citoyennes, plus modernes, plus engagées… plus humaines !
En effet, une entreprise peut être régie par autre chose que la rentabilité véloce du capital et le profit court-terme de ses actionnaires ; les personnes qui la composent peuvent être respectées, leur participation peut être valorisée ; le long terme peut être protégé au nom des intérêts collectifs des femmes et des hommes d’aujourd’hui et de leurs enfants, et des enfants de leurs enfants.
Tout cela peut paraître extrêmement innovant, mais pour nous, c’est notre quotidien alors que nous sommes parfois … de très vieilles entreprises ! Notre organisation 2.0 est née bien avant que Tim Berners-Lee ne mette au point son projet « vague mais prometteur » du web mondial. Nous sommes des entreprises coopératives agricoles. Nous sommes 2500 en France, rassemblant près d’un demi-million de personnes, agriculteurs et salariés, qui travaillent dans, avec et pour nos coopératives, uniques par leur modèle.
Le mode de Gouvernance est démocratique, réellement. Le pouvoir n’est pas lié à l’apport en capital ou à la taille des exploitations des agriculteurs-coopérateurs, qui en sont à la fois « adhérents/sociétaires » et fournisseurs en produits agricoles. C’est en effet le principe « une personne = une voix » qui rythme chaque année le vote des résolutions en Assemblée Générale.
Dans nos entreprises, la déconnexion des élites, les dirigeants « hors sol », c’est impossible puisque le conseil d’administration est l’émanation des agriculteurs qui en sont les sociétaires : des agriculteurs qui s’investissent et se forment pour déployer, en responsabilité, leurs compétences de dirigeants tout en restant, au quotidien, ancrés dans leur exploitation et leur territoire. Les décisions sont prises « à hauteur d’Homme » quand bien même elles concernent la conquête de marchés internationaux. C’est ainsi, dans le collectif, que nous partageons le pouvoir, l’avoir et aussi le savoir.
Société de personnes et non de capitaux, le partage de la valeur est inscrit dans nos statuts. Nos entreprises ont un devoir de transparence absolue vis-à-vis des agriculteurs coopérateurs sur les comptes de l’entreprise, expliqués puis votés en Assemblée Générale. Les fonds propres des coopératives, protégés par des réserves impartageables, sont abondés ainsi chaque année pour servir le long terme et investir en innovation comme en compétitivité.
Mais surtout, le rayonnement économique de nos activités irrigue d’abord les terroirs français, l’emploi local, avec 165 000 salariés, et les services de proximité que le tissurural peut encore offrir.
Dans cette époque traversée par tant de mutations profondes et qui nous incite à nous réinventer, nous sommes fiers d’être une « source d’inspiration » au débat sur la mission des entreprises ouvert par le gouvernement dans le cadre du PACTE.
Les questions sur les modalités opératoires sous-tendent de véritables questions de fonds : Quelles sont les responsabilités de l’entreprise vis-à-vis de son environnement extérieur ? Doit-on inscrire des « valeurs » dans un statut juridique pour les faire vivre et contrôler leur respect ?
Chaque modèle doit trouver son propre point d’équilibre, mais comme la coopération est notre nature, nous sommes prêts à « coopérer pour le bien commun » en partageant nos engagements exigeants inscrits dans notre statut coopératif, nos bonnes pratiques, nos années d’expérience, et nos valeurs.
Michel Prugue, Président de Coop de France (1)
(1) COOP DE FRANCE, c’est la fédération de 2600 entreprises-coopératives agricoles et agroalimentaires, principalement des TPE et PME, qui représentent une marque alimentaire sur 3, rassemblent 3 agriculteurs sur 4 et emploient 165 000 salariés.
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