S’ils constituent une part importante de la population, les enfants sont toutefois moins exposés aux cas graves de la maladie, tout en la transmettant moins pour les plus jeunes d’entre eux. Leur vaccination n’a donc jusqu’ici pas été une priorité. Pourtant, l’entreprise américaine Moderna a annoncé ce 16 mars avoir commencé des essais de son vaccin contre le Covid-19 sur des milliers d’enfants âgés de 6 mois à 11 ans, une nouvelle étape considérée comme nécessaire pour arriver à mettre un terme à la pandémie.
Actuellement, le vaccin anti-Covid de Pfizer est autorisé pour les personnes âgées de 16 ans et plus, et ceux de Moderna et de Johnson & Johnson pour les 18 ans et plus. Mais les trois entreprises américaines ont déjà commencé, parfois depuis plusieurs mois, des essais cliniques pour tester leur vaccin sur les adolescents (à partir de 12 ans). AstraZeneca étudie de son côté l’effet de son vaccin dès 6 ans.
La société de biotechnologie Moderna prévoit elle désormais que 6.750 enfants et bébés participent à des essais aux Etats-Unis et au Canada. Ils seront suivis sur 12 mois après la seconde injection. Leur nombre est inférieur aux dizaines de milliers de recrues pour les essais sur les adultes, car il s’agit ici surtout de déterminer quel dosage est le mieux adapté pour eux, expliquent des experts. Le mécanisme du vaccin en lui-même, ainsi que sa sûreté, ont déjà été étudiés.
Selon le célèbre immunologue Anthony Fauci, les enfants américains de moins de 12 ans pourront « très probablement » être vaccinés début 2022, avait-il déclaré le mois dernier.
« Haute priorité » ?
« Je considère qu’il s’agit bien d’une haute priorité », a estimé auprès de l’AFP la Dr. Lee Savio Beers, présidente de l’American Academy of Pediatrics. « Les enfants de moins de 10 ans transmettent moins le virus, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne le transmettent pas du tout », y compris à des personnes à risque, a-t-elle argué. Et « même s’ils ont moins de chance de tomber terriblement malades, ils peuvent aussi l’être », y compris parfois sur plusieurs mois, a-t-elle dit, rappelant que plusieurs centaines de décès d’enfants ont été enregistrés.
De plus, ils sont « touchés disproportionnellement » par certaines conséquences de la pandémie, comme les fermetures d’écoles. « Le plus de personnes nous pouvons vacciner, le mieux ce sera », abonde Henry Bernstein, professeur de pédiatrie.
En France, environ un cinquième de la population a moins de 18 ans. Et cette proportion peut-être plus élevée dans d’autres pays. Il semble donc en outre peu probable que ce que l’on appelle l’immunité collective, nécessaire pour stopper l’épidémie, puisse être atteinte sans inclure les plus jeunes. On ne sait pas encore exactement quel pourcentage de population vaccinée sera nécessaire pour arriver à cette immunité collective : peut-être entre 70%… ou 85%, selon le Dr. Fauci.
L’objectif d’une immunité collective
« Une immunité collective efficace nécessitera la vaccination des enfants », ont écrit en février dans la prestigieuse revue scientifique NEJM les spécialistes en pédiatrie Perri Klass et Adam J. Ratner. Selon eux, il s’agit d’une « obligation éthique et d’une nécessité pratique ». Les bénéfices seront à la fois « directs » (les enfants tomberont moins malades), et « indirects » (ils ne transmettront pas la maladie), soulignent-ils.
Toutefois, « le calcul du rapport risques/bénéfices sera différent lorsque vous vaccinerez un enfant de 9 ans ou quelqu’un de 90 ans », nuance auprès de l’AFP Amesh Adalja, du Centre Johns Hopkins pour la sécurité sanitaire. En effet, ce contre quoi les vaccins sont très efficaces, à savoir les cas graves de Covid-19, les hospitalisations et les décès, « sont très rares lorsque vous considérez la population plus jeune ».
Dans ce contexte, « quel niveau d’effets secondaires est tolérable ? », demande-t-il, avançant l’idée d’une répartition par groupes d’âge, qui prioriserait les adolescents plus âgés sur les petits enfants.
Parce qu’ils n’ont pas fini leur développement, les essais cliniques sur les enfants visent à comprendre comment leur système immunitaire réagit à différents stades de croissance. Procéder par étape en descendant progressivement les classes d’âge est une démarche standard dans le développement de traitements. Mais selon Amesh Adalja, il est aussi possible que la pandémie soit sous contrôle avant même que la distribution des vaccins pour les enfants n’aboutisse.
Avec AFP