Majeur/Mineur – Vers une déhiérarchisation de la culture – Ouvrage collectif sous la direction de Camille Saint-Jacques et Eric Suchère – Coédité par la FRAC Auvergne, collection « Beautés », et l’Atelier contemporain, 19 mars 2021 – 224 pages
Qu’en est-il aujourd’hui de la distinction entre arts majeurs et arts mineurs ? Une telle hiérarchisation des pratiques artistiques entre high and low a-t-elle encore un sens ou bien doit-on désormais considérer que le temps d’une création libre, sans bornes ni entraves est venu, que l’art est un tout au sein duquel chacun est libre d’aller et de venir comme bon lui semble ?
Reste à essayer de comprendre quelles sont les raisons de cette déhiérarchisation et ce qu’elle révèle de nos sociétés actuelles.
Et si la relation entre le majeur et le mineur n’était pas de l’ordre de l’opposition ou de l’ignorance, mais, plutôt, de l’ordre du ruissellement. Les pratiques majeures influençant les pratiques mineures et leur permettant une plus grande diffusion et les pratiques mineures revivifiant des pratiques majeures, leur fournissant un renouvellement salutaire ?
Un simple coup d’œil dans l’histoire de la culture semble suffire pour constater que son évolution découle d’échanges continus entre ce qu’on appelle le « majeur » et le « mineur », le « haut » et le « bas », l’ « élevé » et le « vil », le « noble » et l’ « ignoble ». Ces catégories – par conséquent poreuses – et les clivages – fluctuants – qu’elles entretiennent seraient donc, sinon superflus, du moins en partie étrangers aux phénomènes culturels ; ils témoigneraient de l’insertion de ces derniers dans des logiques qu’on préfèrerait imaginer sans rapport avec eux, et en particulier dans des logiques de profit marchand et de distinction sociale.
C’est le mérite de cette nouvelle livraison de la collection Beautés, dirigée par l’écrivain Eric Suchère et le peintre Camille Saint-Jacques, que d’élargir ainsi le champ pour rappeler que la valeur prêtée aux œuvres de la culture a souvent peu à voir avec de purs critères esthétiques. En ce sens, son titre Majeur / Mineur. Vers une hiérarchisation de la culture ne doit pas tant être compris comme un appel que comme le diagnostic d’une tendance dont il importe d’éclairer les ressorts, ne serait-ce que pour ne pas perpétuer les discours, au fond hypocrites, sur une prétendue lutte culturelle entre grandeur et décadence.
De quelle façon le dessin de presse et la photographie se sont-ils substitués aux arts dits majeurs pour donner une mémoire à la Commune de Paris ? Par quel revirement des graffeurs pratiquant autrefois dans des friches inaccessibles se voient-ils conviés à investir les sous-sols du Palais de Tokyo ? En quoi un certain « esprit rock » a-t-il ensemencé le cinéma et les arts plastiques ? Comment la pornographie s’est-elle érigée en objet culturel majeur ? La distinction entre musiques savantes et musiques populaires a-t-elle encore un sens ?
Par approches croisées, les contributeurs de ce livre analysent des phénomènes qui, aujourd’hui ou dans un passé récent, illustrent les enjeux et les opportunités d’une rupture des hiérarchies.
Avec les contributions de : Gullaume Kosmicki, Arnaud Labelle-Rojoux, Jack Lang, Fabrice Lauterjung, Camille Saint-Jacques, Eric Schère, Bertrand Tillier, Jean-Charles Vergne, Hugo Vitrani.