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ancrage dans herbier de posidonie
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Ces yachts de milliardaires commettent un écocide caractérisé en Méditerranée

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Au fond de l’eau, dans un nuage de particules grises, une ancre laboure des dizaines de mètres de Posidonie, une plante marine vieille de cent mille ans, refuge de dizaines d’espèces aquatiques. En une trentaine de secondes, des centaines d’années de vie sous-marine partent en fumée. Le coupable de ce massacre est connu ; il s’exhibe dans toute sa rutilance dans les eaux bleues, aux yeux de tous : le super-yacht de milliardaire.
 
Le Festival de Cannes, c’est la montée des marches dans le crépitement des flashes, les déjà stars ou presque starlettes s’arborant sur la Croisette, les palaces intemporels, le soleil, la Méditerranée. Mais c’est aussi, dans le paysage ensoleillé de la Côte d’Azur, des centaines de yachts s’exhibant, au mouillage, aux yeux des passants esbaudis. Pas des petits bateaux, pas des pointus colorés ou des voiliers du dimanche. Non, nous parlons ici de yachts, voire de super-yachts de plusieurs dizaines de mètres de longueur. Des bateaux de milliardaires qui se livrent dans les eaux bleues une furieuse bataille d’égo. Le plus grand, le plus haut, le plus rutilant, avec hélicoptère sur le pont et armada de jet skis dans les cales. Des bateaux ancrés à quelques dizaines de mètres de la plage, pour la baignade et la séance de bronzage d’une poignée d’oligarques.
 
Ce paysage, on le retrouve partout sur les côtes méditerranéennes : dans le golfe de Gascogne, en Corse, à Capri, en Toscane, aux Baléares, en Grèce… Les paysages les plus beaux sont les plus convoités et attirent l’essentiel de ce que le monde de la plaisance produit de plus grand et de plus cher. Un marché en croissance folle qui ne connaît pas la crise. On dénombrait 2 919 bateaux de plus de 30 mètres en 2004. Il y en a près de 6 000 aujourd’hui. Plus de 280 yachts sont livrés chaque année et augmentent la flottille de bateaux de plus en plus grands et de plus en plus nombreux dont 78 % se concentrent, en été, en Méditerranée, et se livrent à un véritable massacre de ses fonds sous-marins.
 
 

Écocide caractérisé

Nous ne parlons pas ici de pollution, de rejets d’hydrocarbures ou de déchets. Ce sont d’autres sujets, non moins graves. Nous parlons ici d’une extermination sauvage qui se livre sous la mer, dans les prairies de Posidonies, labourées, déchirées, lacérées, assassinées par les ancres de ces navires d’apparat.
Car, en jetant l’ancre dans les herbiers de Posidonies, les yachts ravagent impunément ce milieu naturel unique qui tapisse les fonds de Méditerranée, entre la surface et 40 mètres de profondeur.
 
La Posidonie forme de vastes herbiers sous-marins visibles depuis l’espace et est l’une des rares plantes à fleur à avoir colonisé le monde marin. Ces formations végétales sont âgées de plus de cent mille ans faisant d’elles l’un des organismes vivants les plus vieux de notre planète. Elle est inscrite au patrimoine des espèces protégées depuis une trentaine d’années.
 
Abritant une pléiade d’espèces animales, ces plantes endémiques aux longues feuilles vertes sont un trésor écologique, comparable selon les scientifiques aux récifs coralliens ou aux forêts tropicales. « Une fois détruit, l’herbier ne se reconstitue pas », explique à l’AFP Pierre Boissery, chargé du dossier à l’Agence de l’eau à Marseille. Cette plante aquatique, espèce des plus fragiles, ne pousse que de quelques centimètres par an et ne fleurit que quelques fois par décennies. La « natte » qu’elle forme sur plusieurs mètres de profondeur offre un abri aux bébés poissons, capture le carbone, produit de l’oxygène, ses feuilles limitent l’érosion due aux vagues… Sans elle, c’est tout l’écosystème marin de la Méditerranée qui est bouleversé.
 
La Posidonie, « c’est la forêt de la Méditerranée, et le mouillage des yachts, c’est comme passer des bulldozers au milieu », s’insurge Marc Verlaque, chercheur à l’Institut méditerranéen d’océanologie d’Aix-Marseille Université. Les plaisanciers « veulent mouiller dans les plus beaux coins du monde. C’est très joli à la surface », mais en-dessous, c’est « une catastrophe », dénonce-t-il.
Outre l’impact de l’ancre, la chaîne d’un yacht, qui peut faire 200 mètres de long, laboure les fonds en fonction des vents et des mouvements du navire. « C’est une catastrophe écologique honteuse en Méditerranée », s’alarme Florian Houlon, d’Andromède Océanologie, citant par exemple une régression de 30 % en cinq ans des herbiers de Posidonies dans le golfe d’Antibes.
 

Que fait la police ?

Les autorités ont décidé de se saisir du sujet, et s’apprêtent à encadrer le mouillage des bateaux de plus de 24 mètres. « Tous les mouillages ont un impact sur la Posidonie, mais il y a un vrai seuil déterminant » pour ces derniers, précise à l’AFP Stanislas Gentien, porte-parole de la préfecture maritime de la Méditerranée.
 
Après une « phase de pédagogie », des zones d’interdiction de mouillage vont être déterminées département par département, et devraient entrer en vigueur à l’été 2020. Pour faire respecter l’interdiction par les skippeurs, et leurs donneurs d’ordre souvent très fortunés, une peine pouvant aller jusqu’à un maximum d’un an de prison et 150.000 euros d’amende est prévue.
 
« Dans la majorité des cas, les embarcations peuvent mouiller à côté de l’herbier », sans réduire la fréquentation des sites, précise Pierre Boissery. Davantage de points d’ancrage fixe pourraient voir le jour, avec à la clé de l’activité économique. Pour aboutir à « l’une des règlementations les plus protectrices du littoral méditerranéen », il appelle toutefois à la vigilance sur la mise en œuvre locale des nouvelles règles.
 
Une vidéo saisissante pour preuve de cet écocide caractérisé :

 
 
Source : AFP
 

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