L’exposition à la chaleur urbaine extrême a considérablement augmenté depuis le début des années 1980, l’exposition totale ayant triplé au cours des 35 dernières années. Aujourd’hui, environ 1,7 milliard de personnes, soit près d’un quart de la population mondiale, vivent dans des zones urbaines où l’exposition à la chaleur extrême a augmenté. Cette situation, provoquée par la densité des villes et le réchauffement climatique, risque de priver les populations pauvres d’une vie meilleure dans ces villes.
« En Afrique et en Asie du Sud, où vivent déjà des centaines de millions de pauvres en milieu urbain (…) sans investissements suffisants, sans intervention humanitaire et sans soutien des gouvernements, la chaleur extrême peut limiter de manière décisive la capacité des populations pauvres à réaliser les gains économiques associés à l’urbanisation », écrivent les auteurs de l’étude, parue dans la revue « Proceedings of the National Academy of Sciences ». En cause, les « îlots de chaleur » dus à la densité des villes, où le béton, l’asphalte et la moindre végétation tendent à enfermer la chaleur.
Pour parvenir à leurs résultats, les chercheurs ont étudié plus de 13.000 villes, en fixant un seuil de chaleur extrême à 30°C en température au thermomètre-globe mouillé (« Wet Bulb Globe Temperature »), un indice qui prend en compte la chaleur et l’humidité.
À partir de ce seuil, « même les personnes les plus saines ont du mal à rester longtemps à l’extérieur, et les personnes en mauvaise santé peuvent tomber très malades ou même mourir », explique l’Institut de la Terre de l’université de Columbia (New York), associé à l’étude.
Sur 13.115 villes étudiées, le nombre de personnes/jours (le nombre de personnes concernées multiplié par le nombre de jours) est passé de 40 milliards en 1983 à 119 milliards en 2016, calculent les scientifiques des universités de Californie Santa Barbara, Minnesota Twin Cities, Arizona et Columbia.
Parmi les villes les plus touchées figure Dacca, la capitale du Bangladesh, qui a connu une augmentation de 575 millions de personnes-jours de chaleur extrême pendant la période étudiée (1983-2016), une exposition accrue due à 80% à l’explosion de sa population (de quatre à 22 millions), selon l’Institut de la Terre. « Cela ne signifie pas que Dacca n’a pas connu un réchauffement substantiel, mais que la croissance démographique a été encore plus rapide », écrit l’Institut.
D’autres villes présentent des tendances similaires, comme Shanghai, Guangzhou (Chine), Rangoun (Birmanie), Bangkok (Thaïlande), Dubaï (Emirats arabes unis), Hanoï (Vietnam), Khartoum (Soudan) ou encore plusieurs villes du Pakistan, d’Inde et de la péninsule arabique.
D’un autre côté, certaines autres grandes villes ont vu près de la moitié ou plus de leur exposition causée par le seul réchauffement climatique par rapport à la croissance démographique. Il s’agit de Bagdad (Irak), Le Caire (Egypte), Koweït City, Lagos (Nigeria), Calcutta, Bombay (Inde) et d’autres grandes villes d’Inde et du Bangladesh.
Les auteurs soulignent, dans un article publié par The Conversation, l’importance de parvenir à différencier les facteurs démographiques et climatiques pour mieux définir des politiques locales. Ce qui nous inquiète, écrivent les auteurs de l’étude, c’est que, parce que l’exposition à la chaleur extrême en milieu urbain a été largement écartée du radar des politiques de développement, les habitants pauvres des villes auront plus de mal à échapper à la pauvreté.
De nombreuses études ont montré que la chaleur extrême réduit la productivité du travail et la production économique. Les travailleurs à faible revenu bénéficient généralement de moins de protections. Ils doivent également faire face à des coûts élevés pour se nourrir et se loger, et sont souvent privés de climatisation.
Les mesures que les villes peuvent prendre
La pandémie de coronavirus et le mouvement Black Lives Matter ont amplifié les demandes d’une plus grande attention politique et scientifique aux inégalités et aux injustices. De meilleures données qui aident à saisir les véritables expériences vécues des individus sont une caractéristique essentielle d’une science climat-santé plus intégrée et socialement pertinente.
Les collaborations entre disciplines scientifiques peuvent aider les gouvernements et les entreprises à s’adapter aux nouveaux résidents urbains et à réduire les dommages causés par la chaleur.
La mise en œuvre de systèmes d’alerte précoce, par exemple, peut réduire les risques si elle s’accompagne d’actions telles que l’ouverture de centres de rafraîchissement. Les gouvernements peuvent également mettre en œuvre des normes de chaleur professionnelle afin de réduire les risques de chaleur pour les personnes marginalisées et leur donner les moyens d’éviter l’exposition. Mais ces interventions doivent atteindre les personnes qui en ont le plus besoin.
La grande majorité des personnes touchées vivront en Asie du Sud et en Afrique, dans des vallées fluviales comme le Gange, l’Indus, le Nil et le Niger. Ces berceaux de civilisation chauds, humides, peuplés et pauvres sont en train de devenir des épicentres du risque thermique.
Avec AFP, The Conversation
Première publication dans UP’ Magazine : 5/10/21
« Les mesures que les villes peuvent prendre », cela reste pour le moins vague et ne résulte d’aucun programme précis. Il serait plus intelligent de consacrer l’énergie et l’argent de la guerre en Ukraine à aider les zones touchées en y dépêchant des urbanistes et des agronomes.