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Thoreau : Walden, suivi de La Désobéissance civile

Aux sources de la désobéissance civile

Thoreau : Walden, suivi de La Désobéissance civile – Présentation par Sandra Laugier – Editions Le Pommier, 12 avril 2023 – 466 pages

Walden. Nom mythique qui charrie tout un imaginaire : le Nouveau Monde et sa vie sauvage, régénérante. Concord, Massachusetts, une cabane, des pins au bord d’un étang, le Transcendental Club, Emerson et le Rousseau américain : Henry David Thoreau. Un texte qui sonne comme une rupture, celle d’avec la société telle qu’elle va (ou plutôt ne va pas).

Ce livre, qui retrace les deux ans et deux mois que Thoreau passa dans une cabane dans les bois, au bord de l’étang de Walden, n’est pourtant pas le livre d’un ermite. Ni tout à fait journal ni simplement rêveries d’un solitaire, il relève aussi du pamphlet : le contact avec la vie sauvage s’y dévoile comme une ressource politique privilégiée de subversion, de progressisme et de libération. Walden exalte le retrait du monde comme geste politique : se retirer pour mettre à distance la loi commune, les valeurs en vigueur dans une société donnée, le conformisme ; se retirer pour renouer avec sa voix intérieure et oser dénoncer, désobéir.

À l’heure de l’urgence écologique, alors que se multiplient les actes de désobéissance, cette édition propose, avec l’éclairage de la philosophe Sandra Laugier, de penser en miroir Walden avec l’autre texte majeur de Thoreau : La Désobéissance civile.

Dans l’esprit de Walden, la désobéissance civile est le refus volontaire et ostensible d’appliquer un texte réglementaire ; c’est une forme d’action qui répond à une définition précise : refuser, de façon non violente, collective et publique, de remplir une obligation légale ou réglementaire au motif qu’elle viole un « principe supérieur ». […] C’est parce que sa société nie l’égalité des droits que prône sa propre Constitution que Thoreau revendique le droit de s’en retirer. Son installation provisoire à Walden est une protestation contre la vie que mènent les autres hommes (« a life of quiet desperation« , de « tranquille désespoir », contre sa société telle qu’elle existe. C’est le refus de l’allégeance à un ordre injuste.

« Pourquoi aurait-on le droit de se séparer d’une société insatisfaisante ? » Dans son grand livre sur la comédie hollywoodienne intitulé A la recherche du bonheur, Stanley-Cavell établit un parallèle intéressant entre la question de la communauté politique et celle du divorce. Selon lui, les comédies du remariage des années 1930 et 1940 mettent en scène la possibilité de rompre, aussi, la conversation politique, comme de la reconstituer. D’où l’identification, dans la lignée de la défense politique du divorce par John Milton, du mariage et de l’union politique : « Le texte révolutionnaire de Milton qui justifie le divorce, et fait de la volonté de conversation le fondement du mariage. »

Comme l’explique Sandra Laugier, « Sur la désobéissance civile, la relecture de Thoreau nous permet de comprendre son sens. On ne se reconnaît pas dans l’Etat et sa parole. Pourquoi désobéir en démocratie ? Mais justement : on ne désobéit qu’en démocratie – quand on a plus dans la vie publique les conditions de la conversation où l’on pourrait raisonnablement exprimer son différend. Une manière de reprendre possession est la désobéissance, comme revendication personnalisée et publique, au nom de ce que la collectivité des citoyens réclame. L’idéal d’une conversation politique – de la démocratie – serait celui d’une circulation de la parole où personne ne serait sans voix. Et c’est là que l’on retrouve l’égalité comme exigence politique, sa revendication comme forme de désobéissance, et la démocratie. La désobéissance exprime là encore l’essence de la démocratie, la reconnaissance de la capacité politique de chacun. »

« La lutte est inégale dans l’espace public, si bien que la désobéissance civile doit parfois emprunter des méthodes plus radicales, moins morales et moins respectables, et trouver de nouvelles tactiques pour contourner ou retourner la déconsidération qui est l’arme première de l’autoritarisme […] Toutefois, la désobéissance de Thoreau et celles d’aujourd’hui s’inscrivent dans un même horizon : celui d’un élargissement constant de la démocratie et de la multiplication des voix qui pourront décider du sort de la planète. »

Philosophe, naturaliste et poète américain, Henry David Thoreau (1817-1862), le « Rousseau américain », est l’un des chefs de file du mouvement transcendantaliste. En cédant à l’appel de la forêt, il a renouvelé le regard porté sur la nature et forgé la notion de « désobéissance civile ».

Sandra Laugier, philosophe et universitaire, est professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Grand prix Moron de l’Académie française en 2022 pour l’ensemble de son œuvre, elle a publié de nombreux ouvrages, dont Pourquoi désobéir en démocratie ? (La Découverte, 2010).

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