Déjà inscrit ou abonné ?
Je me connecte

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

Il vous reste 2 articles gratuits

abonnez-vous pour profiter de UP’ sans limite

Zem

Zem, de Laurent Gaudé – Éditions Actes sud, 20 août 2025 – 288 pages

Dans Zem, Laurent Gaudé prolonge l’univers dystopique de Chien 51, projetant à nouveau Zem Sparak et Salia Malberg dans la dystopie de Magnapole, mégapole privatisée où le consortium GoldTex régente la ville par zones — clivage social, surveillance, pouvoir absolu — et où les vestiges d’une Grèce mythique s’effacent sous le joug du cynisme postmoderne.

Trois ans après les événements du précédent tome, Zem, ancien flic désabusé devenu garde du corps de Barsok — politicien qui promet d’abolir les classes sociales par d’immenses Grands Travaux, et d’unifier Magnapole — voit apparaître un container sur le port, renfermant cinq cadavres, et l’enquête reprend.
Organisé en 32 chapitres percutants alternant les points de vue de Zem et de Salia, le récit gagne en profondeur et suspense, entre machinations qui vont jusqu’au sommet du pouvoir et plongée dans les traumatismes intimes du héros qui, de l’exilé résigné, devient peu à peu rebelle.

« Je savais en me lançant dans l’écriture de Chien 51 qu’il y aurait une suite. Écrire Zem, c’était écrire un nouveau roman et parfaire un diptyque. L’enjeu a donc été double : faire de Zem une histoire indépendante, autonome, mais qui peut aussi se lire comme l’aboutissement d’une trajectoire. Les deux livres sont liés par la question de l’identité : dans le premier volet, Sparak était un matricule. C’était le Grec arraché à sa terre, un chien errant dans une ville honnie. Dans Zem, il se réapproprie son histoire, ses combats et son nom.
J’aime placer de diptyque sous la figure tutélaire d’Ulysse. C’est l’histoire d’un long retour. De la Grèce à la Grèce. Et si après trente année d’errance Sparak retrouve sa dignité, il mesure aussi l’immensité de ce qu’il a perdu. Zem et Chien 51 ont en commun la même méthode de travail : partir à la rencontre de ce qui, dans notre monde, est d’ores et déjà dystopique. Ce ne sont pas des livres de science-fiction. Ils sont nourris de la lecture des journaux. Les dômes climatiques existent, les chasseurs d’icebergs aussi, ainsi que les crabes bleus et l’ensemencement des nuages. Les endroits du monde où des esclaves creusent la terre pour nous procurer de l’énergie sont bien réels. Zem ne fait que tout réunir, tout concentrer pour nous tendre un miroir déformant et — je l’espère — nous alerter.
Il fallait que Chien 51 soit un libre sombre pour que Zem puisse revenir à une forme de lumière. Il fallait que GoldTex règne avec toute-puissance pour que naisse le désir de rébellion. La littérature a peut-être cette force-là : alerter, à travers des histoires, et qui — ce faisant — ne cessent de nous dire qu’il est toujours temps de dire non. »
Laurent Gaudé

Le roman fait rebondir les motifs chers à Gaudé — exil, dérèglement climatique, capitalisme destructeur, promesses de rédemption — et s’inscrit dans la lignée d’une littérature engagée, où l’espoir renaît malgré la noirceur. Le décor dystopique, sombre et claustrophobique, ne cède jamais à l’excès technologique : implants, assistants numériques ou manipulations psychologiques s’intègrent avec justesse pour incarner un monde où la violence est banalisée. Certains retours trouvent toutefois la portée politique du discours trop appuyée, reprochant un slogan simpliste — “Une seule zone pour une seule ville” — et une intrigue parfois bavarde, privilégiant l’intériorité mélancolique de Zem au détriment du rythme.
Mais c’est précisément dans la solitude, le désespoir et la reconstruction lente que Gaudé forge un personnage complexe, aux contradictions vibrantes, un homme forgé par la douleur qui retrouve progressivement le sens de la lutte. À l’image d’un diptyque qui, après la noirceur abrasive de Chien 51, offre dans Zem une “forme de lumière salutaire”, la trajectoire de Sparak devient une reconquête mythologique de l’identité ; un retour vers soi évoquant Ulysse, avec l’idée qu’au-delà de la dystopie s’esquisse une possible terre refuge, une espérance fragile, mais nécessaire.

 Zem déploie un récit haletant dans un monde désenchanté, où la politique dystopique se conjugue à l’intime, et où la quête de sens devient acte de révolte. Gaudé tisse un roman à la fois sombre et nécessaire, où affleure, au cœur du désastre, un éclat d’espérance.
Ce nouveau roman est un miroir tendu à nos sociétés consuméristes en proie à l’effondrement. Mais il abrite aussi l’idée d’un ailleurs, d’un refuge face au désastre, nommé résistance.

Né en 1972, Laurent Gaudé a fait des études de Lettres Modernes et d’Études Théâtrales à Paris. En 1997, il publie sa première pièce, Onysos le furieux, à Théâtre Ouvert. Ce texte sera monté en 2000 au Théâtre National de Strasbourg dans une mise en scène de Yannis Kokkos. Suivront alors des années consacrées à l’écriture théâtrale et à la création de ses pièces sur les plus grandes scènes, en France (Pluie de cendres jouée au Studio de la Comédie-Française, Nous, l’Europe, banquet des peuples et La dernière nuit au monde au Festival d’Avignon, Terrasses au Théâtre de la Colline) et à l’étranger (Combat de Possédés, en Allemagne, Danse, Morob à Dublin, Le Tigre bleu de l’Euphrate à Montréal).

Son premier roman, Cris, sur les atrocités de la Première Guerre mondiale, est publié en 2001. Avec La mort du roi Tsongor, il obtient, en 2002, le prix Goncourt des Lycéens et le Prix des Libraires. En 2004, il est lauréat du prix Goncourt pour Le soleil des Scorta, un roman qui se déroule dans les Pouilles en Italie, sa terre d’adoption.

Engagé dans son temps, les voyages sont pour lui une nécessité, l’occasion de se “frotter au monde”. Écrire est peut-être une façon de faire retentir le cri des disparus ou des plus démunis. Port-au-Prince, le Kurdistan irakien, le Bangladesh ou la jungle de Calais donnent lieu à des reportages journalistiques et à des romans comme Eldorado sur le sort des migrants ou Danser les ombres sur le séisme qui a frappé Haïti en 2010.

Reconnu pour son écriture au souffle épique, son style lyrique et sa capacité à explorer des thèmes universels avec empathie et humanité, ses œuvres interrogent notre rapport à l’amour, la fidélité, le deuil, l’exil, la mémoire et la vengeance tout en laissant place à l’espoir et à la beauté de la vie.

Au fil des années, Laurent Gaudé ne cesse de se renouveler et démontre sa capacité à absorber de nouveaux genres littéraires. La poésie avec De sang et de lumière ou Nous l’Europe, banquet des peuples qui obtient le Prix du livre Européen en 2019.
Dans son roman Chien 51 ou ses pièces de théâtre La Dernière nuit du monde et Même si le monde meurt, il explore les territoires de l’anticipation et de la dystopie pour mieux donner à entendre les tourments de notre monde.

Avec Terrasses, publié en 2024, il renoue avec la tragédie contemporaine dans un récit choral sur les attentats parisiens de novembre 2015.

Laurent Gaudé fait aujourd’hui partie intégrante du panorama littéraire français du XXIe.
Ses œuvres sont régulièrement prescrites dans les classes de collège et de lycée et rencontrent un grand succès auprès des enseignants.

S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
Default thumbnail
Article précédent

Le futur

Derniers articles de Roman d'anticipation

Default thumbnail

Le futur

Le futur, de Naomi Alderman – Traduit de l’anglais par Jessica Shapiro

Default thumbnail

Germinata

Germinata, d’ Olivier Fournout – C&F éditions / Collection Fiction, juin 2023

Default thumbnail

Chimera

Chimera, de Gert Nygärdshaug – Edition Gaïa, 1er mars 2023 – Traduit

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS. ET AGIR.
logo-UP-menu150

Déjà inscrit ? Je me connecte

Inscrivez-vous et lisez trois articles gratuitement. Recevez aussi notre newsletter pour être informé des dernières infos publiées.

→ Inscrivez-vous gratuitement pour poursuivre votre lecture.

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS ET AGIR

Vous avez bénéficié de 3 articles gratuits pour découvrir UP’.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de 1.70 € par semaine seulement.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de $1.99 par semaine seulement.