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Candida auris

Candida auris : cette infection se propage dans le plus grand secret sans que l’on sache la combattre

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Les pesticides et fongicides abondamment utilisés dans l’agriculture ont engendré des mutants résistants qui menacent l’homme. Ce serait le cas de Candida auris. Ce champignon résiste à tous les traitements et médicaments fongicides. Il prolifère aux quatre coins du monde et commence à devenir un véritable serial killer puisque la moitié des personnes atteintes en meurent. Face à cette menace, c’est la discrétion, voire le silence qui prédominent dans les hôpitaux où il se répand sous forme vite épidémique, et chez les responsables de santé publique.
 
On pensait que la résistance aux traitement antibiotiques et anti-infectieux était réservée aux bactéries. Les médias ont souvent alerté sur l’émergence de « superbactéries » résistantes aux antibiotiques. Or on observe aussi une nette augmentation de la proportion d’espèces résistantes chez des champignons de la famille des Candida. C’est le cas notamment de Candida auris, une levure qui s’avère être devenue multi-résistante aux traitements antifongiques communément utilisés. Ce champignon résistant serait à l’origine d’épidémies très difficiles à contrôler mettant en jeu le pronostic vital chez les personnes atteintes. On le retrouve d’abord dans les sols cultivés mais aussi les immeubles, les logements et surtout les hôpitaux où il se retranche dans les moindres interstices. L’infection, qui peut toucher les conduits auditifs, les voies urinaires ainsi que le réseau sanguin, vise les personnes immunodéprimées et peut tuer près de la moitié de ceux qui la contractent en 90 jours. Et quand elle est repérée, il est très difficile de s’en débarrasser.
 
Le projecteur a été braqué sur ce champignon par un long reportage mis en une de l’édition électronique du New York Times ce 6 avril. Ce journal publie plusieurs témoignages de chercheurs expliquant comment l’utilisation généralisée de fongicides, dans l’agriculture notamment, a contribué à l’apparition de champignons résistants à tous les traitements et médicaments disponibles pour soigner les humains. Il fallait s’y attendre car il s’agit d’un phénomène classiquement darwinien : les organismes attaqués se défendent en évoluant constamment afin d’échapper aux traitements destinés à les éradiquer. Plus on utilise d’antibiotiques, de fongicides, de pesticides, plus on favorise la naissance d’organismes qui se modifient pour mieux y résister. Ces nouveaux organismes, bactéries, germes ou champignons deviennent polyrésistants et rendent notre arsenal chimique et pharmaceutique actuel parfaitement inopérant.
 

Menace mondiale

Le New York Times donne une idée de l’ampleur des conséquences de ce phénomène. En 2010, aux États-Unis seulement, on dénombrait 23 000 morts dus aux infections résistantes. Aujourd’hui, des études de l’Université de Washington font état d’un nombre de décès sept fois plus élevé.
 
Le cas du Candida Auris est le plus récent, mais ce champignon semble vouloir devenir une star dans son domaine. Il est apparu il y a quelques années déjà, en 2009 au Japon. Candida Auris semble aimer voyager. Il se propage tranquillement dans le monde entier. Au cours des cinq dernières années, il a frappé une unité néonatale au Venezuela, balayé un hôpital en Espagne, forcé un prestigieux centre médical britannique à fermer son unité de soins intensifs et s’est installé en Inde, au Pakistan et en Afrique du Sud. Récemment, C. auris a atteint New York, le New Jersey et l’Illinois, ce qui a conduit les Centers for Disease Control and Prevention fédéraux à l’ajouter à une liste de germes considérés comme des « menaces urgentes ».
 
 
Mais ce que l’on savait moins et qui est bien mis en lumière par les journalistes du NYT, c’est l’extrême résistance de ce champignon. Pour preuve, l’histoire de cet homme, admis à l’hôpital du Mont Sinaï à New York. Il succomba 90 jours après son admission dans le service des soins intensifs. Pendant cette période d’hospitalisation, C. auris a tout colonisé dans l’espace qu’avait fréquenté le malade :  les murs, le lit, les portes, les rideaux, les téléphones, le lavabo, les barreaux du lit, le matelas, le moindre trou, la moindre fissure, le moindre interstice, du sol au plafond, était devenu « positif ». L’hôpital a dû détruire une partie du sol, du plafond et des carrelages de la chambre pour venir à bout de ce champignon particulièrement coriace.
 

Top Secret

Pourtant, à mesure que le problème prend de l’ampleur, il est mal compris par le public – en partie parce que l’existence même des infections résistantes est souvent occultée.
Avec les bactéries et les champignons, les hôpitaux et les gouvernements sont réticents à divulguer les épidémies de peur d’être considérés comme des foyers d’infection. Même le C.D.C., en vertu de son entente avec les États, n’est pas autorisé à rendre public l’emplacement ou le nom des hôpitaux impliqués dans les infections. Dans de nombreux cas, aux États-Unis, les gouvernements fédéraux ont refusé de partager publiquement l’information sans reconnaître qu’ils avaient eu des cas.
 
En France, c’est au Centre national de référence (CNR) Mycoses invasives et antifongiques (Institut Pasteur) que revient le signalement des infections. Cet organisme affirme qu’il n’y a pas de situation épidémique en France et que, depuis 2013, seuls deux cas sporadiques ont été identifiés.
Pourtant, pas très loin de notre pays, en Grande-Bretagne, plusieurs cas ont été signalés et un hôpital a dû fermer son unité de soins intensifs pendant plusieurs jours à cause de cette infection. En Espagne, à Valence, 372 personnes ont été atteintes par l’infection et 41 % des patients infectés sont morts dans les trente jours. La France serait protégée, syndrome du nuage de Tchernobyl ?
 

Caché dans le sol

L’émergence de ce pathogène semble due à la pression de sélection des antifongiques. Le séquençage complet du génome de 47 souches isolées de différents points du monde a révélé qu’elles variaient considérablement d’une région à l’autre, suggérant que C. auris était apparu simultanément et de façon indépendante dans au moins quatre endroits de la planète avant de diffuser autour de son point d’émergence. Les différences entre les quatre souches sont si profondes qu’elles suggèrent que celles-ci auraient divergé il y a des milliers d’années. Elles seraient devenues des agents pathogènes résistants issus de souches environnementales inoffensives à quatre endroits différents en même temps. « D’une manière ou d’une autre, il a apparemment fait un bond presque simultanément, et a semblé se propager et il résiste aux médicaments, ce qui est vraiment ahurissant », a déclaré au NYT le Dr Snigdha Vallabhaneni, experte en champignons et épidémiologiste au CDC.
 
Les chercheurs pensent que ce champignon résistant se serait développé du fait de l’utilisation intensive des fongicides sur les cultures agricoles et horticoles. En effet, C. auris apparait dans des échantillons de sols, des plates-bandes, du compost, des feuilles, des graines de plantes, des sols de plantations de thé, des rizières, etc. L’utilisation intensive de fongicides azolés a créé un environnement si hostile que les champignons ont dû évoluer pour développer des souches résistantes et survivre. C. auris existerait depuis des milliers d’années caché dans les sols, et serait resté longtemps inoffensif. Mais alors que les fongicides azoles commençaient à le détruire, le champignon résistant a émergé.
 

Chronique d’une guerre annoncée

Aujourd’hui, les organismes mondiaux de santé publique sont, en toute discrétion, sur le pied de guerre. Inutile d’affoler la population pensent-ils, et d’effrayer les patients sur une situation sur laquelle les médecins ne peuvent rien. Pour l’instant, ces champignons super-résistants sont mortels pour les personnes dont le système immunitaire est immature ou affaibli ; c’est le cas des nourrissons, des personnes âgées, des diabétiques, des fumeurs, ou des patients souffrant d’une maladie auto-immune.
 
Toutefois, comme le germe se propage avec une grande facilité, il est à craindre que des personnes en bonne santé puissent aussi le contracter. Pour assombrir le tableau, ce phénomène de super-résistance ne devrait pas se limiter à C. auris. En plus des bactéries, d’autres germes et champignons pourraient acquérir une résistance contre laquelle nous ne pourrons rien.
 
Une raison de plus de réduire l’utilisation irraisonnée des produits phytosanitaires dans l’agriculture et de consommer les antibiotiques avec une extrême réserve.  Un changement dans nos comportements qui se heurte, encore une fois au mur de l’argent et des intérêts industriels : le marché des antibiotiques pesant à lui seul 40 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Avec C. auris, on assiste, d’une certaine façon, à la mutation darwiniste d’un organisme vivant, une sorte de réaction naturelle face à un capitalisme globalisé débridé.
 
 

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