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Quand les maths se transmettent aussi dans le cerveau, de parent à enfant

Une étude parue dans PNAS révèle que parents et enfants partagent des « codes neuronaux » similaires lorsqu’ils effectuent des calculs arithmétiques. Cette découverte apporte un éclairage inédit sur la transmission familiale des troubles d’apprentissage, tels que la dyscalculie ou la dyslexie, et ouvre la voie à de futurs outils de dépistage précoce.

Faire des maths active des « codes neuronaux » similaires chez les parents et enfants d’une même famille. C’est ce que révèle un article publié dans la revue PNAS : des scientifiques montrent pour la première fois que parents et enfants d’une même famille partagent des « codes neuronaux » similaires dans certaines régions cérébrales lors du calcul arithmétique. Étant donné que les troubles d’apprentissage touchant des domaines comme la lecture ou les mathématiques ont tendance à se transmettre dans les familles, cette découverte pourrait contribuer à identifier de futurs marqueurs cérébraux de cette transmission.

Cette asymétrie cérébrale pourrait expliquer pourquoi certains de ces troubles d’apprentissage, comme la dyslexie (trouble du langage écrit) et la dyscalculie (trouble du calcul), se transmettent fréquemment au sein des familles. En effet, la dyslexie affecterait entre 5 et 17 % de la population, voire jusqu’à 20 % selon les définitions et les contextes, et est influencée à la fois par des facteurs génétiques et environnementaux (1). 
De son côté, la dyscalculie concernerait environ 3 à 6 % des individus et impliquerait des dysfonctionnements cérébraux spécifiques, notamment autour du sillon intrapariétal et du lobe frontal. D’ailleurs, les études familiales montrent qu’un enfant dont un parent est dyslexique court un risque nettement accru de développer à son tour la dyslexie, avec des taux estimés entre 34 % et 66 % selon les critères et les études.
Pour la dyscalculie, les antécédents familiaux semblent également jouer un rôle majeur : la prévalence parmi les frères et sœurs est estimée entre 40 % et 64 %.

Chaque parent sait à quel point il est frappant de retrouver chez son enfant des traits qui lui ressemblent. Cela concerne les ressemblances physiques bien sûr, mais aussi le caractère, les attitudes, et même les facilités ou difficultés d’apprentissage. Ainsi, il est bien établi que les troubles d’apprentissage qui touchent la lecture ou les mathématiques ont tendance à se transmettre dans les familles. La recherche a montré que cette transmission familiale résulte d’une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux, les deux s’influençant mutuellement. Cependant, on ne connaît pas encore bien les mécanismes cérébraux qui pourraient expliquer ces ressemblances familiales dans les apprentissages.

Ces troubles cognitifs coexistent souvent — entre un tiers et jusqu’à 75 % des personnes dyscalculiques présentent également une dyslexie, une dysgraphie ou un trouble de l’attention (TDAH) (2). Des modèles récents évoquent une transmission familiale multifactorielle, où des facteurs génétiques partagés (parmi lesquels certains sont communs à plusieurs troubles comme la dyslexie, la dyscalculie et le TDAH) se combinent à des influences environnementales (3).

Des zones cérébrales communes pour le calcul mental chez les enfants et les mères

C’est dans ce contexte que des scientifiques ont mené une étude, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, visant à identifier les réseaux cérébraux impliqués dans le calcul arithmétique simple auprès d’un échantillon de 37 familles composées d’enfants de huit ans et de leur mère. Dans un scanner d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), les enfants et leur mère devaient résoudre des additions et des soustractions à un chiffre.

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Dans un premier temps, les scientifiques ont cherché à voir si les régions cérébrales activées lors du calcul arithmétique étaient organisées de façon similaire entre le groupe des mères et le groupe des enfants, indépendamment du lien familial. Ces analyses ont permis de montrer une importante similarité d’activité cérébrale entre les deux groupes dans plusieurs régions du cortex pariétal, du cortex frontal, et de l’insula. Cela suggère que le calcul arithmétique mobilise des réseaux neuronaux relativement similaires d’une génération à l’autre.

Un « code neuronal » similaire entre mère et enfant d’une même famille

Mais l’objectif principal de l’étude était de voir si la façon dont les régions du cerveau traitaient l’information lors du calcul mental, en quelque sorte le « code neuronal » de chaque individu, pouvait être davantage semblable entre mères et enfants d’une même famille qu’entre mères et enfants de familles différentes. Pour cela, les chercheurs ont comparé les vraies familles à des « familles artificielles » créées en associant aléatoirement des mères et des enfants de familles différentes. De façon tout à fait remarquable, cette similarité de « code neuronal » familial a été retrouvée dans trois zones du cerveau : l’insula antérieure gauche et droite ainsi que le gyrus précentral gauche. Ces régions sont particulièrement importantes pour le calcul arithmétique, car elles gèrent des fonctions comme l’attention ou la mémoire de travail, c’est-à-dire notre capacité à retenir et à utiliser des informations pendant que nous réfléchissons.

Vers un dépistage précoce des troubles de l’apprentissage ?

Ces résultats suggèrent donc que l’organisation de certaines régions cérébrales en lien avec le calcul arithmétique pourrait se transmettre de parent à enfant. Ils pourraient ouvrir des perspectives pour repérer si un enfant ayant un parent atteint d’un trouble de l’apprentissage présenterait aussi un risque de développer ce même trouble, sur la base d’une similarité entre « codes » neuronaux familiaux. Même s’il est encore trop tôt pour affirmer que cela puisse être le cas, il y a des raisons d’être optimistes. Ainsi, les scientifiques montrent que plus le « code neuronal » d’une région spécifique (l’insula droite) est similaire entre mère et enfant, plus leurs compétences en arithmétique se ressemblent. Cet effet est particulièrement marqué lorsque les mères ont le plus de difficultés dans la tâche.

Cette étude pourrait donc contribuer au développement futur d’outils de dépistage précoce de troubles d’apprentissage se transmettant dans les familles, comme la dyscalculie ou la dyslexie.

Mères et enfants devaient résoudre des problèmes arithmétiques simples alors que leurs activités cérébrales étaient mesurées grâce à l’IRMf (à gauche). La correspondance entre les « codes neuronaux » des mères et des enfants d’une même famille était ensuite recherchée dans toutes les régions du cerveau (au milieu). Cette correspondance a été retrouvée dans l’insula antérieure et le gyrus précentral (à droite).

En révélant que parents et enfants partagent des « codes neuronaux » similaires lors de la résolution de calculs, cette étude met en lumière un mécanisme cérébral inédit de la transmission familiale des compétences – et des difficultés – en mathématiques. Si ces résultats restent préliminaires, ils ouvrent des perspectives prometteuses : mieux comprendre les bases neurobiologiques de troubles comme la dyslexie ou la dyscalculie, anticiper leur apparition et, à terme, développer des outils de dépistage et de prise en charge plus précoces. Un pas important vers une approche plus personnalisée de l’apprentissage et de la prévention des troubles scolaires.

Source : CNRS, 11 août 2025

(1) https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC8156942/?utm
(2) https://www.edweek.org/teaching-learning/dyscalculia-and-dyslexia-reading-disabilities-offer-insights-for-math-support/2023/05?utm
(3) https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/09567976241293999?

Image d’en-tête : Tetra images

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