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Faut-il se préparer au pire ?

Faut-il se préparer au pire ?

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Selon un rapport, nous devons commencer à nous préparer dès maintenant à la façon dont le changement climatique pourrait mettre fin à la civilisation. L’éventualité d’un enchaînement de catastrophes à cause du réchauffement de la planète est « dangereusement sous-exploré » par la communauté internationale, alertent des scientifiques dans une étude publiée ce mardi 2 août, appelant le monde à envisager le pire pour mieux s’y préparer.

Dans un article publié dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), des chercheurs de notoriété internationale affirment que trop peu de travaux ont été consacrés aux mécanismes susceptibles d’entraîner des risques « catastrophiques » et « irréversibles » pour l’humanité : par exemple, si les hausses de température sont pires que prévues ou si elles provoquent des cascades d’événements non-encore envisagés, voire les deux. « C’est sur les scénarios qui comptent le plus que nous en savons le moins », écrit Luke Kemp, du Centre d’étude du risque existentiel de Cambridge.

Spéculer sur la fin de l’humanité est un sport que les humains apprécient depuis toujours. Nous construisons des religions sur nos espoirs eschatologiques, nous tissons des fictions à partir de nos peurs dystopiques et regardons des films sur la fin du monde. Il est donc surprenant qu’au milieu d’une crise climatique mondiale de plus en plus grave, qui a des répercussions sur tout, de la santé des individus à la durabilité d’écosystèmes entiers et de leurs ressources, l’idée même de catastrophe existentielle pour la civilisation voire l’humanité soit si peu prise en considération. Il est pourtant grand temps de prendre au sérieux les scénarios les plus pessimistes et d’élaborer un plan d’action solide pour faire face à l’effondrement possible de notre mode de vie actuel. « Le changement climatique a joué un rôle dans tous les événements d’extinction massive. Il a contribué à la chute d’empires et a façonné l’histoire. Même le monde moderne semble adapté à une niche climatique particulière« , explique l’auteur principal du rapport publié mardi, Luke Kemp.

C’est déjà arrivé

Longtemps l’on crut que la chute de Rome fut l’effet inévitable des excès de sa grandeur. Ce que laisse apparaître le livre d’un professeur de Harvard, Kyle Harper, c’est que « la chute de l’Empire a aussi été le triomphe de la nature sur les ambitions humaines ». L’auteur affirme : « Le destin de Rome a eu pour acteurs les empereurs et les Barbares, les sénateurs et les généraux, les soldats et les esclaves. Mais il a été également décidé par les bactéries et les virus, les volcans et les cycles solaires ».

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Les Romains ont bâti leur Empire en voulant asservir la Nature. Celle-ci s’est retournée contre eux. Les Voies romaines qui ont innervé l’Empire et dont on s’extasiait dans nos livres d’histoire ont permis à la culture romaine et au commerce de croître et conquérir des contrées jusqu’alors inaccessibles. Au cours de la période romaine, il y a eu un bond quantique en avant en matière de connectivité globale. Les Romains recherchaient de la soie et des épices, des esclaves et de l’ivoire, alimentant ainsi un mouvement frénétique à travers les frontières. Les marchands franchissaient le Sahara, traversaient l’océan Indien, remontaient vers les contrées du Nord… Les chemins de l’Empire partaient tous de Rome, pour toujours y revenir.

Mais la « mondialisation » romaine a, dans le même temps, permis aux maladies de circuler et de prospérer. En conquérant l’Égypte pour en faire son grenier et alimenter l’Empire en blé, les Romains ont aussi laissé entrer les rats dans Rome et la peste s’étendre. En construisant palais, forums et autres temples qui ont fait la splendeur de l’Empire et encore celle, à bien des égards, de la Ville éternelle, les Romains ont déforesté des collines entières, transformé en marais ce qui étaient des bois, multiplié les fontaines et canaux permettant ainsi aux moustiques de s’installer et à la malaria de proliférer.  « De multiples manières, une conséquence inattendue et paradoxale de l’ambitieux développement social romain a été de favoriser un environnement microbien létal ».  L’auteur poursuit : « Sans le vouloir, les Romains ont été complices de la mise en place des écologies des maladies qui ont hanté leur régime démographique ». 

Les Romains ont voulu construire un monde global dans lequel la maîtrise de la nature ne fut finalement qu’une illusion. Une histoire qui nous est aujourd’hui singulièrement familière.

Les 4 cavaliers de l’Apocalypse

« Les voies de la catastrophe ne se limitent pas aux impacts directs des températures élevées, tels que les événements météorologiques extrêmes. Les effets d’entraînement tels que les crises financières, les conflits et les nouvelles épidémies pourraient déclencher d’autres calamités, et entraver le rétablissement après des catastrophes potentielles telles que la guerre nucléaire. » La vieille cavalerie apocalyptique de la pestilence, de la guerre et de la famine devrait inclure un nouvel acolyte, selon les auteurs de l’essai : les conditions climatiques extrêmes.

L’histoire récente a déjà donné à l’humanité un avant-goût de ce à quoi pourraient ressembler les pandémies, l’instabilité économique et les pénuries alimentaires mondiales lorsqu’elles se combinent. Si les résultats ne sont pas beaux à voir, les structures de la civilisation mondiale restent relativement intactes. Toutefois, à un moment donné, les structures qui nous permettent de résister à de telles tempêtes ont de fortes probabilités de s’effondrer.

Des pandémies successives, les pénuries alimentaires rapprochant les humains des réservoirs de zoonoses ; des famines s’ajoutant aux guerres qui limitent la distribution de nourriture pendant des années, puis des décennies ; une inflation galopante, les économies luttant pour trouver de nouvelles façons de faire des affaires dans un monde plus chaud et ravagé par les catastrophes.

« Des températures annuelles moyennes de 29 degrés affectent actuellement environ 30 millions de personnes au Sahara et sur la côte du Golfe« , explique Chi Xu, chercheur en complexité sociale à l’université de Nanjing. « D’ici 2070, ces températures et les conséquences sociales et politiques affecteront directement deux puissances nucléaires, et sept laboratoires de confinement maximal abritant les agents pathogènes les plus dangereux. Il existe un potentiel sérieux d’effets dominos désastreux. »

L’analyse suggère que les superpuissances pourraient un jour se disputer les plans de géo-ingénierie pour réfléchir la lumière du soleil ou le droit d’émettre du carbone. « Il existe un chevauchement frappant entre les États actuellement vulnérables et les futures zones de réchauffement extrême« , ont déclaré les scientifiques. « Si la fragilité politique actuelle ne s’améliore pas de manière significative au cours des prochaines décennies, alors une ceinture d’instabilité aux ramifications potentiellement graves pourrait se produire. »

« Plus nous en apprenons sur le fonctionnement de notre planète, plus nous avons de raisons de nous inquiéter »

Le problème n’est pas tant que nous ne pouvons pas imaginer de telles conséquences. Les avertissements ne sont pas nouveaux. « Plus nous en apprenons sur le fonctionnement de notre planète, plus nous avons de raisons de nous inquiéter« , affirme le directeur de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact climatique, Johan Rockström, co-auteur du rapport : « Nous comprenons de plus en plus que notre planète est un organisme plus sophistiqué et plus fragile. Nous devons faire le calcul de la catastrophe afin de l’éviter« . Plus les recherches sur les points de basculement du climat de la Terre – comme la fonte irréversible des calottes glaciaires ou la perte de la forêt amazonienne – se multiplient, plus il devient nécessaire de prendre en compte les scénarios à haut risque dans la modélisation du climat. Or c’est là, selon les scientifiques, où se situe le problème. Une bonne gestion des risques ne consiste pas seulement à prédire les scénarios probables, mais aussi à se prémunir contre ceux qui pourraient avoir les conséquences les plus graves.

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Avec un peu d’optimisme, nous pourrions renverser la situation et repousser cette hausse un peu plus longtemps. La combinaison parfaite d’un changement de comportement, d’une action politique et d’une innovation pourrait même permettre de stabiliser la hausse des températures à des niveaux qui ne nous bombarderont pas d’une nouvelle catastrophe tous les six mois.

Si les choses continuent comme aujourd’hui – ce que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est persuadé qu’elles feront – nous pouvons presque certainement nous attendre à ce que la température moyenne soit supérieure de 1,5 degré entre 2030 et 2052, par rapport aux niveaux préindustriels.

Il y a toutefois un risque sur cinq, environ, qu’avec une atmosphère contenant environ 560 parties par million (ppm) de dioxyde de carbone, les températures soient encore plus élevées de plusieurs degrés. En mai de cette année, nous avons atteint 420 ppm. Avec des taux qui augmentent régulièrement de quelques parties par million chaque année environ, c’est un pari que certains de nos enfants pourraient avoir à faire.

Gestion naïve du risque ou folie fatale

Selon une étude sur les évaluations du GIEC publiée par Kemp et ses collègues au début de l’année, les recherches de l’organisme intergouvernemental ne traitent pas suffisamment de ces cas extrêmes. Dans le contexte de recherches antérieures indiquant que nous sommes terriblement mal informés sur ce à quoi ressemble un réchauffement bien au-delà de 2 degrés Celsius, nous pourrions manquer une occasion en or d’être mieux informés si les plans plus optimistes échouent. « Même ces hypothèses optimistes conduisent à des trajectoires dangereuses pour le système terrestre », ont déclaré les scientifiques. Les températures supérieures à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels n’ont pas été maintenues sur Terre depuis plus de 2,6 millions d’années, ont-ils ajouté, bien avant l’apparition de la civilisation humaine, qui s’est développée dans une « enveloppe climatique étroite » au cours des 10 000 dernières années.

« Faire face à un avenir marqué par l’accélération du changement climatique tout en restant aveugle aux pires scénarios est, au mieux, une gestion naïve du risque et, au pire, une folie fatale« , déclare M. Kemp.

Avec AFP, ScienceAlert

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frederic.guariento@gmail.com
2 années

Le mal de terre de Hubert Reeves et Frédéric Lenoir, Paris, Éditions du seuil, Coll. Science Ouverte, 261 p., 2003

Jean-Paul K
2 années

Merci, Charles-Elie Guzman, pour cette analyse claire et serrée que je partage totalement! Je prolongerai à peine. Les choses se passent comme si tous les acteurs importants de la planète – financiers, entrepreneurs, Etats – envisageaient, peu ou prou et de concert, une gestion du risque écologique inspirée par une logique puissante, celle des comportements psychologiques contemporains des financiers en situation de crise: « Plutôt prendre le risque de perdre, mais ensemble, que celui de gagner, même tout seul! ». L’exploration des pratiques récentes de ces acteurs-là pourrait donc montrer qu’une telle gestion du risque n’étant pas, ou plus, naïve, puisque documentable… Lire la suite »

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