La méthode de la Méthode – Le manuscrit perdu, d’Edgar Morin – Editions Actes sud, 24 avril 2024 – 208 pages
En 1977, Edgar Morin publie le premier volume d’une série qui allait devenir l’œuvre maîtresse de sa vie de chercheur, La Méthode, dont la parution en 6 tomes va s’étaler sur une trentaine d’années. Ce que personne ne sait, c’est qu’en 1983, Edgar Morin perd le manuscrit de ce qui devait alors constituer le 3ème et dernier tome de la série. Ses multiples expériences existentielles et intellectuelles ont entre-temps créé de nouvelles arborescences, des ramifications éducatives, sociologiques et politiques qui permettent à la pensée complexe, dont il est l’instigateur, de se concrétiser et de s’épanouir.
Malgré la perte de ce manuscrit, l’aventure de La Méthode se poursuit donc jusqu’au début du XXIème siècle. Défiant les classements disciplinaire, La Méthode est une œuvre-monde. Afin d’affronter nos problèmes fondamentaux et globaux, elle élabore une méthode qui relie les connaissances et elle opère dans le même mouvement une réforme de la pensée et une refondation de l’humanisme.
C’est lorsqu’il pense mettre un point final à la série en 2006 avec la parution du tome 6 (Ethique) qu’Edgar Morin retrouve le manuscrit perdu qu’il va mettre vingt ans à reprendre et à aboutir. Le présent texte ne remplace donc pas les volumes 3 à 6 qui ont suivi mais les annonce et, en quelque sorte, les mûrit.
- Tome 1 : La Nature de la Nature, aux éditions du Seuil, 1977
- Tome 2 : La Vie de la Vie, aux éditions du Seuil, 1980
- Tome 3 : La Connaissance de la Connaissance, aux éditions du Seuil, 1986
- Tome 4 : Les Idées, aux éditions du Seuil, 1991
- Tome 5 : L’Humanité de l’Humanité, aux éditions du Seuil, 2001
- Tome 6 : Ethique, aux éditions du Seuil, 2006
- Tome 7 : La méthode de la Méthode, aux éditions Actes sud, 2024
« J’accorde une place prépondérante au paradigme de la complexité qui relie ordre et désordre, interaction et organisation, d façon antagoniste et complémentaire. J’ai à l’esprit de relativiser, de provoquer des interrelations et interactions entre les savoirs, de faire éclater les points de vue disciplinaires du biologisme, du physicisme, de l’anthropologisme étroit qui voient l’homme comme être séparé de la vie et oublient que son émergence est le fuit d’une éco-ré-organisation permanente«
“Le cosmos s’organise en se désorganisant, ses formes sont issues de la déstructuration, du chaos, des cataclysmes, des interactions désordonnées et aléatoires. Destruction et création s’entremêlent, se combattent et s’entre-fécondent pour produire le devenir du cosmos, mais la vie demeure fragile, précaire, jamais confirmée dans son propre avenir.”
“Je suis arrivé à la conviction qu’en dehors de la complexité, il n’y a qu’automutilation, mutilation d’autrui, mutilation du réel. L’incapacité à accepter la complexité de la réalité conduit non pas à l’irréalité, mais à la simplification forcée de la réalité.
La complexité est aujourd’hui la vertu révolutionnaire.
La révolution qui simplifie la lutte, qui simplifie le modèle, qui simplifie la solution, et qui manichéise tout ce qu’elle touche est réactionnaire.”
“J’ai écrit ce texte dans les années 1983-1984, dans un petit port de la Côte d’Azur dont j’ai oublié le nom. Mon idée était de faire le troisième et dernier volume de La Méthode. Mais les choses ont pris un autre tournant, ce projet est tombé dans l’oubli et j’ai fini par perdre le manuscrit…”
Edgar Morin
Edgar Morin est sociologue et philosophe, directeur de recherches émérite au CNRS, président de l’Association pour la pensée complexe. Conscience de l’époque, lanceur d’alerte planétaire, il n’a de cesse d’attirer l’attention du siècle sur les dérives de la mondialisation et les perversions d’un système soumis au diktat de la croissance. Edgar Morin est l’auteur d’une œuvre transdisciplinaire, traduite en vingt-sept langues et dans quarante-deux pays. Penseur de la complexité, Edgar Morin définit ainsi le projet de La méthode de la Méthode, publié chez Actes Sud : “Nous avons besoin d’une méthode de connaissance qui traduise la complexité du réel, reconnaisse l’existence des êtres, approche le mystère des choses.”