Chomo – 1907-1999, sous la direction d’Aymeric Rouillac – Editions Lelivredart, 15 octobre 2024 – 168 pages
Les éditions Lelivredart publient la première monographie de CHOMO, de son vrai nom Roger Chomeaux (1907-1999). L’ouvrage nourri de plus de 100 photographies et archives inédites, rend hommage à un artiste visionnaire et multiple qui traverse le XXe siècle comme un météore. Peintre, poète, sculpteur, architecte, musicien, il est aussi dessinateur et cinéaste. Il laisse derrière lui une œuvre expérimentale et futuriste, marquée par un refus radical de collaborer aux conventions artistiques de son époque et peu étudiée à ce jour par les historiens de l’art. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce diplômé des Beaux-Arts de Paris tourne le dos au monde de l’art et à la société de consommation pour en transformer ses déchets grâce à sa créativité sans cesse renouvelée. Il allie la sagesse de l’ermite à la lucidité hypersensible d’un pionnier de l’écologie.
Mon œuvre n’a pas qu’une raison de peinture, de sculptures, etc. Elle a une raison future, une raison de mise en garde. » Chomo
L’art de Chomo, artiste énigmatique et marginal, défie toute catégorisation simple. En 1960, après une première et unique exposition à la Galerie Camion conclue par un échec commercial malgré 15 000 visiteurs – parmi lesquels André Breton, Dali, Picasso, Iris Clert, Anaïs Nin ou encore Atlan, l’artiste rompt le dialogue avec le milieu artistique de son temps. Reconnu pour son retrait loin des conventions artistiques et commerciales, il élut domicile dans la forêt de Fontainebleau où il construit son « Village d’Art Préludien » qui conserve encore aujourd’hui son grand œuvre, réalisé au cours des quatre décennies où il y vécut retiré du monde.
A 53 ans, il change de nom pour devenir Chomo, faisant tabula rasa de ce qu’a été sa carrière d’artiste contemporain. Il fuit le monde et s’isole dans la forêt sur un terrain acquis par sa femme 20 ans plus tôt à Achères-la-Forêt, s’installant dans une maison préfabriquée dénuée de sanitaires, chauffage et eau courante, pour se consacrer uniquement à ses « expériences ».
C’est dans cet espace, loin du tumulte du monde de l’art traditionnel, que Chomo donna libre cours à sa créativité débordante, explorant des médiums et des matériaux divers, et créant un monde peuplé de sculptures, de peintures, d’installations et d’architectures fantasques.
Il faut recréer une religion propre, une religion de pureté. Il faut recommencer à zéro. Chomo«
Les éditions Lelivredart nous offrent avec cet ouvrage une monographie exhaustive dédiée à ce créateur hors normes. Ce livre richement illustré ne se contente pas de parcourir la vie de l’artiste ; il plonge profondément dans son œuvre, dévoilant les couches de complexité d’un homme qui se voyait non seulement comme un artiste mais aussi comme un prophète de l’esthétique.
La monographie, à travers une multitude de reproductions de ses œuvres et des essais critiques, éclaire les différents aspects de son art, du recyclage créatif à l’architecture organique. Chomo a toujours cherché à repousser les limites de l’art, utilisant des matériaux trouvés et des objets rejetés pour construire son univers artistique unique, marqué par un engagement profond envers une forme d’expression pure et désintéressée.
Sa vision du monde était apocalyptique, mais son approche de l’art était empreinte d’un optimisme radical, voyant dans la décomposition des structures sociales et matérielles une chance pour un renouveau spirituel et artistique. Les textes de la monographie examinent comment cette philosophie se reflète dans ses œuvres, souvent vues comme des totems d’un nouveau monde, à la fois brut et incroyablement délicat.
L’ouvrage fait également justice à l’influence souvent sous-estimée de Chomo sur l’art contemporain. Malgré son isolement, son œuvre a touché un public varié, des passants occasionnels aux aficionados d’art brut. Les auteurs de la monographie débattent de son héritage, posant la question de la pérennité de son « Village d’Art Préludien » et de la place de ses idéaux dans l’art moderne.
Cette monographie est essentielle non seulement pour les admirateurs de longue date de Chomo mais aussi pour ceux qui découvrent son travail pour la première fois. Elle offre une fenêtre fascinante sur l’esprit d’un artiste qui a vécu en marge, mais dont l’œuvre continue de résonner avec les questions écologiques et esthétiques contemporaines. En redécouvrant Chomo, les lecteurs sont invités à réfléchir sur ce que signifie être un artiste à l’ère de la consommation et du spectacle, et sur les possibilités de résistance créative.
Dirigé par Aymeric Rouillac, commissaire-priseur et expert près La cour d’appel, le livre réunit les contributions d’historiens de l’art et de critiques, dont Michel Thévoz (fondateur de la collection de l’Art brut à Lausanne), Harry Bellet (historien de l’art et journaliste culturel au Monde), Martine Lusardy (directrice au centre d’art La Halle Saint-Pierre à Paris, et commissaire d’expositions), Françoise Monnin (historienne de l’art et rédactrice en chef du magazine d’art Artension)…
L’ouvrage donne également la parole à ceux qui ont côtoyé l’artiste, notamment Jean-Hubert Martin (commissaire d’expositions, ex-directeur du Centre Pompidou), Josette Rispal (artiste et mécène de Chomo), Clovis Prévost (réalisateur de films sur Chomo), offrant ainsi une perspective unique et intime sur la vie et l’œuvre de Chomo.
Pour aller plus loin :
- Livre « CHOMO. Un pavé dans la vase intellectuelle« , de Laurent Danchin – Editions Lelivredart
- Livre « CHOMO, l’ange du dernier cri – Pensées, aphorismes et poèmes« , de Laurent Danchin – Editions Les bonbons de Mycelium