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L’urgence d’un changement radical pour la protection de nos eaux contre les pesticides

Les inspections générales dénoncent un ‘échec global’ face aux pesticides

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Un rapport explosif dévoilé ce 15 novembre 2024 révèle une réalité alarmante : la qualité des ressources en eau est gravement compromise par les pesticides. Cette conclusion, émanant de trois corps d’inspection générale (santé, écologie, agriculture) dresse un constat accablant : « l’échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides. » Des  inspections qui proposent des mesures préventives urgentes et contraignantes. Il ne s’agit plus d’un simple avertissement, mais d’un cri d’alarme face à l’inaction et à la lenteur des réponses.
 
La pollution de l’eau potable par les métabolites de pesticides est une question de santé publique, faisant l’objet d’une attention de plus en plus importante. En 2022, 10.26 millions de Français ont bu au moins une fois une eau de qualité non conforme liée à la présence de métabolites dans l’eau potable (1). 
En France près de deux tiers des volumes prélevés pour la production de l’eau potable sont issus de captages souterrains, c’est pourquoi la qualité des eaux souterraines mérite une attention particulière. En mai 2024, le journal Le Monde révélait que les pesticides et leurs métabolites sont présents dans 97% des stations de contrôle des eaux souterraines et dépassent les normes dans près de 20% d’entre elles.
Ces chiffres de l’ampleur de la contamination des eaux brutes et de l’eau potable par les métabolites de pesticides, bien que déjà très importants, sont cependant très largement sous-estimés. Dans un nouveau rapport réalisé par les inspections générales des ministères de la Santé, de l’Agriculture et de la Transition écologique, daté de juin 2024 mais resté confidentiel (non public), publié ce 15 novembre dans le média Contexte, on découvre qu’un nombre élevé de métabolites ayant de forts risques de contaminer les captages et l’eau potable ne sont pas encore surveillés.

Une contamination généralisée : les faits accablants

Les inspections générales ne mâchent pas leur mot pour décrire la préservation de la qualité des ressources en eau est en échec pour ce qui concerne les pesticides. « C’est à notre connaissance la première fois qu’un tel constat sans détours est posé. Le rapport rappelle que la surveillance des eaux brutes et distribuées révèlent des concentrations élevées de pesticides et de métabolites. » explique l’ONG Générations futures.


Data Pesticides-Data visualisation sur les pesticides dans les eaux souterraines créée par Vincent Brouté dans le cadre d’un concours organisé par le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer 11-16-2024

La pollution des eaux par les métabolites des pesticides, notamment dans les départements du nord de la France, dépasse largement les seuils réglementaires.
Concernant les eaux distribuées, le dernier bilan annuel disponible du ministère de la Santé a montré des dépassements des limites de qualité pendant plus d’un mois pour cinq métabolites concernant un nombre significatif de personnes : la chloridazone desphényl et le métolachlore ESA (environ quatre millions de personnes chacune), la chloridazone méthyl-desphényl (1,8 million), l’atrazine déséthyl déisopropyl (240 000) et l’atrazine déséthyl (200 000).
Pour compléter cette analyse, la mission a analysé les données de SISE-Eaux pour les années 2023-2024. Les résultats sont dans la lignée de ceux des années précédentes : pour la chloridazone desphényl, un quart des départements, situés dans la partie nord de la France, connaissent, à de divers degrés, des dépassements de la limite réglementaire de 0,1 µg/l.
Pour le chlorothalonil R471811, 40 départements situés majoritairement dans la moitié Nord de la France présentent des concentrations supérieures au seuil de 0,9 µg/l sur au moins une installation de production d’EDCH. Des concentrations supérieures à 3 µg/l ont été relevées dans 9 départements : l’Aisne, le Calvados, le Seine-Maritime, l’Oise, la Marne, la Seine-et-Marne, l’Orne, l’Eure-et-Loir et la Vienne.

Ces substances, souvent issues de produits interdits depuis des décennies comme l’atrazine ou le flufénacet, continuent de contaminer nos ressources vitales. Plus de quatre millions de personnes sont exposées à des niveaux supérieurs aux normes pour des métabolites tels que la chloridazone desphényl ou le métolachlore ESA.

Ces chiffres ne sont pas qu’une statistique : ils sont le reflet d’un système de surveillance déficient et de décisions politiques qui tardent à protéger la santé publique.

Une surveillance qui doit être améliorée

Alors que la situation est déjà critique, la mission estime que la surveillance pourrait encore être améliorée. Les inspections générales constatent “une grande hétérogénéité du suivi des pesticides et métabolites” et estiment donc nécessaire de fixer “un socle minimum d’exigences pour la surveillance réalisée par les personnes responsables de la production et distribution de l’eau (PRPDE)” et une liste socle de substances à inclure dans le contrôle sanitaire réalisé par les Agences Régionales de Santé (ARS), à compléter au niveau régional en fonction des spécificités de chaque territoire.

Afin de pallier le manque d’analyse dû au manque d’étalon analytique, les inspections préconisent la mise à disposition des étalons d’analyse par les industriels dès le dépôt d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Une mesure demandée depuis plusieurs années déjà.

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Générations Futures rappelle que les mesures proposées par les inspections pour améliorer sont absolument nécessaires mais doivent être complétées par l’inclusion de nouveaux métabolites, non encore suivis et pourtant ayant de forte probabilité d’être présents dans les eaux brutes et potables. 

Des mesures préventives, un impératif vital

Le rapport préconise des actions immédiates et contraignantes pour enrayer cette catastrophe écologique et sanitaire :

  • Créer des zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE), assorties de programmes d’action ciblés sur les captages les plus touchés.
  • Accélérer la transition vers des pratiques agricoles durables. En cas de non atteinte des objectifs de qualité à l’issue du premier plan, un programme de mesures obligatoires de restriction, voire d’interdiction d’usage des produits phytopharmaceutiques sur ces aires doit être mis en place, accompagné d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés.
  • Imposer des interdictions d’usage des produits phytopharmaceutiques dans les aires d’alimentation des captages critiques. Des mesures sont proposées : conversion à l’agriculture biologique, cultures à bas niveau d’intrant, paiements pour services environnementaux spécifiques eau en systèmes de grandes cultures, infrastructures agroécologiques pour limiter les transferts, actions foncières dans les périmètres de protection rapprochée des captages, actions d’animation et de conseil aux agriculteurs (avec un financement lié à des objectifs de résultats).

Ces recommandations soulignent une réalité : sans prévention ambitieuse, les solutions curatives coûteront des milliards d’euros et alourdiront encore le prix de l’eau pour les consommateurs.

L’insuffisance criante des études sur les métabolites

Le manque de données toxicologiques sur de nombreux métabolites entrave les actions correctives et empêche une gestion efficace des non-conformités. Une méthodologie harmonisée et plus protectrice est indispensable pour évaluer ces substances à risque.
Le rapport met en avant le coût très important des mesures curatives devant être mises en place lorsque les métabolites sont quantifiés dans l’eau. Le coût de ces mesures a un impact sur le prix de l’eau pour le consommateur variable selon les secteurs géographiques et les contaminations observées. Ainsi, “les départements de l’Aisne (2,55 €/m 3) et du Calvados (2,49 €/m 3), particulièrement affectés par les métabolites de pesticides, présentent d’ores et déjà des prix moyens plus élevés que la moyenne nationale (2,13 €/m 3)”. Pour faciliter la mise en œuvre des mesures curatives, les inspections proposent d’apporter un financement public aux investissements de traitement jusqu’à concurrence de 80 % de subvention, assuré par l’État, l’agence de l’eau et le conseil départemental.

Une mobilisation citoyenne et politique indispensable

Le rapport insiste également sur le droit à l’information : les citoyens doivent savoir quelles substances contaminent leur eau et dans quelle mesure. Les omissions actuelles de la part des autorités ne sont plus acceptables.

L’ONG Générations futures demande l’interdiction immédiate du dangereux pesticide retrouvé dans les eaux, le flufénacet, substance à la fois pesticide (9ᵉ herbicide le plus utilisé en France – 900 tonnes/an) et PFAS (« polluant éternel »), principalement utilisé dans le traitement des cultures de céréales : lorsqu’il se dégrade dans la nature, le flufénacet libère une molécule, l’acide trifluoroacétique (TFA), un « polluant éternel » non réglementé et donc non surveillé par les autorités sanitaires, qui contamine les ressources d’eau en France et en Europe

Dans un nouveau rapport publié en octobre 2024, Générations Futures dénonce le fait que cette substance extrêmement persistante dans l’environnement soit toujours utilisée, alors que son autorisation a expiré depuis 2013. La raison ? La lenteur du système d’évaluation des pesticides en Europe. L’ONG a notamment analysé la procédure de renouvellement du Flufénacet et dévoile que, depuis l’expiration de son autorisation dans l’UE, il a bénéficié de neuf procédures de prolongation en attendant que son évaluation soit finalisée. Onze années ont passé et cet herbicide « polluant éternel » est toujours largement épandu dans notre environnement.

En outre, Générations Futures alerte sur le fait que, depuis plus de sept ans, l’agence sanitaire française (l’ANSES) sait que le Flufénacet se dégrade (après épandage) en TFA. Pour rappel, le TFA est un PFAS extrêmement persistant et responsable d’une pollution majeure de l’eau. Depuis toutes ces années donc, l’ANSES a connaissance de ce risque de contamination inacceptable des eaux, mais ne fait rien !
Finalement, l’ONG révèle que, depuis le 24 septembre 2024, le Flufénacet est classé « perturbateur endocrinien » par l’Agence européenne de sécurité des aliments (l’EFSA). Un fait inquiétant de plus pour cet herbicide encore largement épandu.

Qu’attendent les autorités pour agir ? Dans ce contexte, à l’appui de son nouveau rapport, Générations Futures a saisi l’ANSES, écrit aux ministères concernés, a été évoqué lors d’une question au gouvernement à l’Assemblée nationale, etc. Ce qu’ils exigent : le retrait immédiat de cet herbicide qui menace le vivant en France et en Europe. 

L’ONG appelle à une mobilisation massive : nous ne pouvons pas attendre 2025 pour agir. Le temps presse, et chaque jour de retard aggrave les dommages. Nos eaux, notre santé, et notre avenir exigent des mesures immédiates et audacieuses.
L’heure n’est plus aux demi-mesures ni aux promesses vides. La préservation des ressources en eau est une bataille essentielle, et elle commence ici et maintenant.

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Fabienne  Marion, Rédactrice en chef UP’

(1) Selon la directive européenne 2020/2184, « un métabolite de pesticide est jugé pertinent pour les EDCH s’il y a lieu de considérer qu’il possède des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance mère en ce qui concerne son activité cible pesticide ou qu’il fait peser (par lui-même ou par ses produits de transformation) un risque sanitaire pour les consommateurs ». L’Anses a proposé en janvier 2019 une méthode pour identifier, parmi les métabolites de pesticides, ceux jugés pertinents et devant faire l’objet d’une attention prioritaire au regard des enjeux sanitaires pour les consommateurs.
Par précaution, en application de cette méthode, l’Anses classe un métabolite comme pertinent dans l’eau du robinet dans deux cas de figure : quand cette pertinence peut être établie au regard des connaissances scientifiques disponibles, et quand des données scientifiques essentielles manquent au regard des critères retenus par l’Anses.

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