La pollution plastique s’est hissée parmi les crises environnementales les plus alarmantes de notre époque. Ce fléau mondial, issu d’un symbole de modernité devenu poison durable, continue de croître à un rythme effréné. Les chiffres glaçants relatifs à sa production et à son impact sur la planète ne laissent aucun doute : une action globale, ambitieuse et immédiate est nécessaire. Entre projections alarmantes et efforts internationaux pour endiguer cette menace, cet article fait le point sur l’état des lieux et les perspectives d’action.
Un constat accablant : des chiffres qui donnent le vertige
La production de plastique devrait atteindre 736 millions de tonnes par an d’ici à 2040, contre 435 millions en 2020. Simultanément, les déchets plastiques augmenteront de 617 millions de tonnes annuelles. Une part effarante de ces déchets se retrouve dans la nature : 15 tonnes de plastique rejoignent les océans chaque minute, où ils représentent 85 % des matériaux polluants.
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Cette invasion affecte également la biodiversité : d’ici à 2050, toutes les espèces d’oiseaux marins devraient consommer régulièrement du plastique. À l’échelle humaine, les effets sont tout aussi dévastateurs : un individu ingère en moyenne cinq grammes de plastique par semaine, l’équivalent d’une carte de crédit. À cela s’ajoutent les dangers des substances chimiques associées, dont un quart sont identifiées comme toxiques, tandis que pour 66 %, les données de toxicité restent insuffisantes car il n’existe pas de données de toxicité associées (Coalition des scientifiques pour un traité sur les plastiques efficace).
Aujourd’hui, 81% des produits fabriqués en plastique finissent en déchets en moins d’un an. Parmi ces déchets, seuls 9 % sont recyclés aujourd’hui dans le monde, 20 % incinérés, près de la moitié terminent dans des décharges tandis que plus de 20 % sont abandonnés dans la nature (source : CESE).
Plus de 40 % du plastique n’est utilisé qu’une fois avant d’être jeté (source : National geographic).
En parallèle, avant même de finir en déchet, le plastique est susceptible d’avoir des impacts négatifs sur la santé humaine. L’utilisation de produits en matière plastique (contenants alimentaires notamment) peut entrainer l’exposition à des substances toxiques, comme les bisphénols ou les phtalates qui sont des perturbateurs endocriniens.
Une réponse internationale face à une urgence mondiale
Face à cette crise, la cinquième Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement (ANUE-5) a entrepris un effort historique en 2022 en instaurant un Comité intergouvernemental de négociation (CIN). Son objectif : élaborer un traité juridiquement contraignant pour traiter la pollution plastique sur tout son cycle de vie, de la production au recyclage. Ainsi, depuis fin 2022, 193 États se sont mobilisés dans la négociation d’un texte qui, une fois adopté, fera l’objet d’une signature puis d’une ratification.
Les négociations, bien qu’émaillées de défis procéduraux et politiques, ont franchi des étapes cruciales au fil des sessions. La cinquième et dernière session, commencée le 25 novembre jusqu’au 1er décembre 2024 à Busan (Corée du Sud), sera décisive. Elle visera à finaliser un texte intégrant des obligations contraignantes pour réduire la pollution dès l’amont, tout en renforçant les engagements internationaux et les mécanismes financiers pour soutenir les pays les plus vulnérables.
La France et l’Union européenne, fers de lance de la lutte
La France, appuyée par une législation ambitieuse telle que la loi anti-gaspillage de 2020, joue un rôle moteur dans ces discussions. Membre actif de la Coalition de la Haute Ambition pour mettre fin à la pollution plastique (HACEPP), elle milite pour un traité exigeant des objectifs clairs de réduction de la production plastique et une gestion efficace des déchets. Cette coalition, initiée en septembre 2022, a pour objectif d’accompagner les négociations du futur traité en poussant pour un objectif ambitieux de fin de la pollution plastique d’ici à 2040.
La coalition a publié en amont du CIN-5 une déclaration ministérielle commune appelant à conclure les négociations d’ici à la fin de l’année sur un traité ambitieux incluant des actions immédiates à tous les niveaux et sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques. Cette déclaration, adoptée en septembre 2024, défend en particulier des objectifs fondés sur la science, comprenant des cibles de limitation et de réduction de la production et de la consommation de matières plastiques, un mécanisme de mise en œuvre robuste et efficace, ainsi que la mobilisation de ressources financières de toutes les sources pour soutenir en particulier les pays les moins avancés et les petits états insulaires en développement.
À l’échelle européenne, des initiatives variées ont permis d’interdire certains plastiques à usage unique, d’accroître les taux de recyclage et de développer des normes d’éco-conception. En parallèle, des financements conséquents, comme les 300 millions d’euros de France 2030, visent à soutenir des projets innovants dans le recyclage et la réduction des plastiques.
Les engagements de la France et de l’Europe pour réduire la pollution plastique
Jusqu’en 2015, l’Union européenne s’est principalement concentrée sur la réglementation de la gestion aval des déchets de plastiques. Depuis, son champ d’action s’est progressivement étendu à la prévention des déchets, incluant la réduction de la consommation de plastiques, la limitation de la production de déchets, l’écoconception, la durabilité et le réemploi. L’Union européenne a multiplié les initiatives pour diminuer l’impact du plastique sur l’environnement. Elle a débuté avec la directive visant à réduire la consommation de sacs en plastique à usage unique, suivie de la stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire en 2018, qui appelle à accroître la recyclabilité et à limiter les plastiques oxodégradables.
En 2019, la directive sur les plastiques à usage unique (SUP) a interdit certains produits de la sorte et introduit des obligations de collecte et de recyclage accrues.
En 2021, une ressource propre sur le recyclage des emballages en plastique pour le budget européen a été créée, basée sur le volume de déchets plastiques non recyclés. En 2022, une communication de la Commission a fixé des critères pour les plastiques biosourcés, biodégradables et compostables, afin d’encadrer leur usage et d’informer les consommateurs. La même année, un règlement sur les emballages et les déchets d’emballages, a été proposé par la Commission. Le texte a fait l’objet d’un accord en 2024 entre le Parlement et le Conseil de l’Union européenne et devrait être publié début 2025.
Cet accord comprend des mesures significatives telles que la restriction de mise sur le marché des emballages alimentaires contenant des PFAS, des objectifs minimums de contenu recyclé dans les emballages plastiques, des restrictions sur certains formats d’emballages pour réduire le suremballage plastique. Il impose en outre que tous les emballages soient recyclables à compter de 2030 et fixe des obligations en matière d’emballages réemployables.
La Commission a par ailleurs adopté en septembre 2023 des mesures qui restreignent, au titre du règlement REACH, la mise sur le marché de plusieurs types de produits (cosmétiques, dispositifs médicaux, granulés des terrains de sport synthétiques, détergents, engrais, produits phytopharmaceutiques et biocides) auxquels des microplastiques ont été ajoutés intentionnellement.
En parallèle, le règlement qui encadre les transferts transfrontaliers de déchets plastiques (TTD) a été adopté au niveau européen. Il vise à durcir les conditions de transfert des déchets de plastiques hors UE d’ici à 2026 avec une interdiction vers les pays tiers non OCDE. Vers les pays de l’OCDE, les transferts des déchets seront soumis à une procédure de consentement préalable.
En outre, le règlement écoconception a été adopté pour fixer des normes d’écoconception sur les produits, et en particulier les produits textiles.
D’autres textes sont en cours de négociations, notamment : la directive cadre déchets qui prévoit notamment la mise en place d’une filière REP sur les textiles ; le règlement sur les granulés plastiques industriels (GPI, les matières premières de la plasturgie) qui vise à prévenir la dispersion des granulés de plastique dans l’environnement (depuis les sites industriels les manipulant ou lors de leur transport).
En France, diverses mesures ont été prises pour lutter contre la pollution plastique (loi de transition énergétique pour la croissante verte, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, loi climat et résilience).
Zoom sur l’action française pour lutter contre la pollution plastique :
2015
• Adoption de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle prévoit notamment d’interdire les sacs de caisse en plastique à usage unique destinés à l’emballage de marchandises au point de vente en 2016.
• Interdiction des emballages et sacs fabriqués pour tout ou partie à partie de plastique oxodégradable.
2016
• Interdiction des sacs de caisse en plastique à usage unique.
2017
• L’interdiction des sacs en plastique à usage unique est étendue à tous les sacs pour l’emballage de denrées alimentaires, sauf pour les sacs biosourcés compostables.
2018
• La loi agriculture et alimentation, ou loi Égalim, du 30 octobre 2018 est promulguée. Elle prévoit notamment qu’au 1er janvier 2020, l’utilisation de bouteilles d’eau plate en plastique soit interdite dans les cantines scolaires.
2020
• Adoption de la loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire), qui prévoit notamment la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040.
• Les vendeurs de boissons à emporter sont tenus d’adopter une tarification plus basse lorsque le consommateur présente un récipient réemployable.
• Interdiction de la vaisselle plastique jetable en lot (gobelets, verres, assiettes) et des cotons-tiges en plastique.
2021
• Publication du premier décret 3R quinquennal fixant les objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage des emballages en plastiques à usage unique pour la période 2021-2025. Prévue par la loi antigaspillage, cette stratégie nationale 3R définit les mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage. Ce décret vise notamment la réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique et la suppression des emballages plastiques à usage unique inutiles d’ici fin 2025. La stratégie doit permettre de fédérer l’ensemble des acteurs sur le sujet plastique à usage unique, et de doter l’Etat d’outils de pilotage et suivi sur ce sujet.
• La loi climat et résilience est promulguée le 24 août 2021. Elle introduit notamment plus de vente en vrac avec 20% de surfaces consacrées dans les grandes et moyennes surfaces à la vente de produits sans emballages à usage unique d’ici 2030 afin de diminuer les déchets de plastiques et de modifier en profondeur les habitudes des Français. Une expérimentation est également prévue pour explorer le potentiel de déploiement de ce type de vente dans les petits commerces.
• L’Ademe publie un Panorama et évaluation environnementale du vrac en France dans lequel elle évalue les avantages environnementaux de cette pratique.
• Les pailles, les piques à steak, les couverts jetables, les mélangeurs pour boisson, les couvercles des gobelets à emporter, les boîtes en polystyrène expansé (type boîte à kebab), les confettis, etc,sont interdits.
• La fabrication et l’importation de sacs en plastique à usage unique est interdite.
• La distribution gratuite de bouteilles en plastique dans les établissements recevant du public ou dans les locaux professionnels est interdite.
• Lors d’évènements festifs, culturels ou sportifs, les sponsors ne peuvent plus imposer l’utilisation de bouteilles en plastique.
• Obligation pour les vendeurs d’accepter les contenants apportés par le consommateur lorsque l’état du contenant est conforme au respect des règles d’hygiène et de nettoyage imposées par l’établissement.
• Les établissements de restauration commerciale et les entreprises qui distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de vente à emporter utilisent à cet effet des contenants réutilisables ou recyclables.
• Interdiction des plastiques oxodégradables.
• Interdiction des gobelets composés partiellement de plastique, avec une teneur supérieure à la teneur maximale en plastique suivante : 15% à compter du 1er janvier 2022, 8% à compter du 1er janvier 2024, à l’état de traces à compter du 1er janvier 2026.
2022
• Les établissements recevant du public sont tenus d’être équipés d’au moins une fontaine d’eau potable accessible et gratuite pour le public, et d’une signalétique claire et visible.
• Les publications de presse et les publicités sont expédiées sans emballage plastique.
• Les jouets en plastique, proposés gratuitement aux enfants dans le cadre de menus en restauration sont interdits.
• L’État n’achète plus de plastiques à usage unique, que cela soit pour une utilisation sur les lieux de travail ou dans les évènements qu’il organise. Cela se traduit par l’intégration de ces exigences dans le cadre des marchés publics.
• Le suremballage en plastique des fruits et légumes frais de moins de 1,5 kilogramme est interdit.
• Obligation d’utiliser de la vaisselle, des couverts ainsi que des récipients de transport des aliments et des boissons réemployables pour les services de restauration à domicile qui proposent un abonnement à des prestations de repas préparés qui sont livrés au moins 4 fois par semaine.
• La mise sur le marché de sachets de thé et de tisane en plastique non biodégradable est interdite.
2023
• Les établissements de restauration disposant d’au moins 20 places sont tenus de servir les repas sur place dans de la vaisselle réemployable.
• Obligation pour les producteurs de mettre sur le marché des emballages réemployés, 5% en 2023 et 10% en 2027.
• Tous les citoyens de métropole peuvent désormais trier les emballages en plastique dans le bac jaune afin qu’ils soient recyclés.
• Tous les sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels (GPI) se dotent d’équipements et de procédures pour éviter leur fuite dans la nature.
2024
• Obligation de bouchons solidaires : les récipients pour boissons disposant d’un bouchon ou d’un couvercle en plastique doivent être conçus pour que le bouchon reste attaché au récipient lors de son utilisation.
ET POUR LE FUTUR ?
2025
• Les services de restauration collective ayant de la vente à emporter devront proposer de servir les consommateurs dans un contenant réutilisable ou composé de matières recyclables.
• Interdiction des contenants alimentaires en plastique pour la restauration dans les services
d’établissements scolaires et universitaires, ainsi que dans les établissements d’accueil des enfants de moins de 6 ans (2028 pour les collectivités territoriales).
• Interdiction des emballages constitués pour tout ou partie de polymères ou de copolymères styréniques, non recyclables et dans l’incapacité d’intégrer une filière de recyclage.
• Intégration d’un taux d’incorporation minimum de plastique recyclé dans les bouteilles pour boisson d’au moins 25% pour les bouteilles en plastique de type PET.
2030
• Obligation d’intégrer une filière de recyclage : les producteurs responsables de la mise sur le marché d’au moins 10 000 unités de produits par an et déclarant un chiffre d’affaires supérieur à 10 millions d’euros devront justifier que les déchets engendrés par les produits qu’ils fabriquent, mettent sur le marché ou importent, sont de nature à intégrer une filière de recyclage.
• Intégration d’un taux d’incorporation minimum de plastique recyclé dans les bouteilles pour boisson d’au moins 30% pour toutes les bouteilles en plastique.
• Obligation de collecter au moins 90% des bouteilles pour boisson en plastique à usage unique.
• La loi climat et résilience rendra obligatoire la présence de 20% de vrac dans les grandes surfaces.
2040
• Fin de la mise sur le marché des emballages en plastiques à usage unique.
Focus sur les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP)
Le principe de la REP découle du concept de pollueur-payeur, qui impose que le metteur sur le marché d’un produit soit responsable de sa fin de vie. Ainsi, les fabricants, distributeurs et importateurs de produits mis sur le marché national doivent prendre en charge la prévention ainsi que la gestion des déchets issus de leurs produits soumis à ce dispositif.
La loi AGEC a prévu de créer, de 2021 à 2025, onze filières supplémentaires REP portant ainsi le nombre de filières REP en France à une vingtaine. Plusieurs filières REP mises en place suite à cette loi participent à réduire la pollution plastique. On peut notamment citer :
- les produits du tabac (2021) ;
- les jouets, les articles de sport et de loisirs et les articles de bricolage et de jardinage (2022) ;
- les produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment (2023) ;
- les emballages professionnels (2025), y compris ceux utilisés par les professionnels de la restauration (2024) ;
- les lingettes à usage unique (2025) ;
- les engins de pêche contenant du plastique (2025).
Un défi global, une action collective
Depuis 2023, l’AAP recyclage des plastiques, composites et élastomères, lancé dans le cadre de France 2030, a permis de soutenir une trentaine de projets de recyclage pour un montant de près de 300 millions d’euros. Ces projets contribuent à augmenter de plus de 30 % les capacités industrielles françaises en matière de recyclage des plastiques. Ces aides favorisent l’industrialisation de solutions de recyclage des plastiques innovantes (chimique ou mécanique) et permettent à la France de réduire sa dépendance aux énergies fossiles.
D’autres projets sont encore attendus. Enfin, l’AAP Ormat, lancé dans le cadre du fonds économie circulaire de l’Ademe a soutenu, en 2023, près de 70 projets de recyclage des plastiques pour près de 8 M€ et continue de soutenir des projets en 2024. Ainsi, d’importants moyens ont été mobilisés pour soutenir le recyclage des plastiques.
Malgré ces avancées, la route reste longue. La pollution plastique est un problème systémique, impliquant des changements profonds dans les modes de production et de consommation. Alors que les négociations internationales approchent de leur conclusion, il est impératif que les États traduisent leurs engagements en actions concrètes.
Le futur traité sera bien plus qu’un simple accord. Il pourrait représenter un tournant dans la lutte contre cette menace, rappelant que la sauvegarde de notre planète exige une mobilisation sans précédent.
Source : ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques
Pour aller plus loin :