Déjà inscrit ou abonné ?
Je me connecte

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

Il vous reste 2 articles gratuits

abonnez-vous pour profiter de UP’ sans limite

Les classes moyennes ont-elles (enfin) accès à la transition ?

« La transition écologique est un luxe réservé aux richesses », « elle n’est pas accessible à la majorité des Français ». Qui n’a pas pensé ou entendu cela lors d’une discussion sur les politiques climatiques ? Acheter un véhicule électrique ? C’est 10 000 € de plus qu’une voiture thermique. Remplacer son chauffage au gaz par une pompe à chaleur ? 15 000 €. Rénover en profondeur son logement ? 50 000 € … Mais la transition écologique est-elle vraiment inaccessible économiquement pour les classes moyennes ? Pour répondre à ces questions et éclairer le débat sur les aides publiques pour les ménages, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) publie sa deuxième édition de l’Observatoire des conditions d’accès à la transition écologique.

Dans cette édition 2025, l’I4CE analyse l’évolution de l’accessibilité des investissements dans la rénovation énergétique et la mobilité électrique pour deux ménages issus des classes moyennes. Leurs travaux mettent d’abord en avant une bonne nouvelle : l’accès aux investissements pour la rénovation performante d’une maison ou l’installation d’une pompe à chaleur s’est améliorée sur les dix dernières années. Par exemple, alors que la rénovation performante augmentait le budget logement d’un ménage de la classe moyenne Inférieure il y a dix ans, elle lui permet aujourd’hui de réaliser des économies nettes mensuelles de 130 €. Pour la mobilité électrique, les évolutions sur les cinq dernières années sont toutefois plus mitigées. Le passage à l’électrique permet bien de faire des économies mensuelles par rapport à un équivalent thermique, de l’ordre de 30 € pour le ménage de la classe moyenne supérieure pour une voiture neuve par exemple, mais ces économies ont diminué dans les dernières années.

Les progrès des dernières années, résultant surtout de l’augmentation des aides, ont à l’inverse été freinés par la hausse du coût des rénovations et des véhicules électriques. Alors que certains investissements ne sont toujours pas accessibles aux ménages modestes et aux classes moyennes, il y a un risque que le budget 2026, qui s’annonce de nouveau très contraint, ne détricote les améliorations récentes. L’enjeu sera de prioriser le soutien de ces ménages via des subventions et des dispositifs comme le leasing social, tandis que des leviers réglementaires et fiscaux pourront être mobilisés pour inciter les acteurs qui en ont les moyens à investir. Enfin, dans ce contexte budgétaire difficile, il y aura un enjeu d’autant plus important à ce que les filières industrielles se structurent pour diminuer le coût de ces investissements.

Dans cette nouvelle étude, l’I4CE  a évalué les indicateurs de manière rétrospective — sur dix ans dans le cas de la rénovation et cinq pour la mobilité électrique-, afin d’identifier les facteurs qui ont amélioré – ou détérioré — l’accessibilité économique des solutions de transition sur les dernières années. L’Institut présente ces indicateurs pour deux types de ménages : la famille Deschamps et la famille Villeneuve, toutes deux dans les classes moyennes, propriétaires de leur logement et dépendantes de la voiture au quotidien sur qui repose la question de l’accessibilité de la transition.

Les grands enseignements de l’étude I4CE

La rénovation du logement est globalement plus accessible aux ménages des classes moyennes qu’il y a dix ans

  • En 2025, le ménage Deschamps, qui habite dans une maison rurale chauffée au fioul, peut financer des travaux de rénovation performante de sa maison et dégage même des économies nettes, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans.

Il y a dix ans, le reste à charge pour la rénovation performante de la maison du ménage Deschamps s’élevait à 36 000€, ce qui représentait quasi un an de ses revenus. Le ménage Deschamps avait une capacité d’emprunt suffisante pour financer ce reste à charge via un prêt, mais les économies d’énergie ne permettaient pas de rembourser les mensualités de financement. Dix ans plus tard, le reste à charge a baissé de 15 000€ et correspond à un peu moins de 6 mois de revenus. Sa marge d’endettement s’est améliorée et à présent les économies d’énergie permettent de couvrir les mensualités du prêt, et même de faire des économies nettes de 130€ par mois.

Pourquoi ne pas profiter d’une lecture illimitée de UP’ ? Abonnez-vous à partir de 1.90 € par semaine.

  • La famille Villeneuve, qui vit dans une maison chauffée au gaz en zone périurbaine, peut également financer des travaux de rénovation performante, mais les économies d’énergie ne couvrent pas totalement les mensualités du prêt.

Pour le ménage Villeneuve, il y a également eu une amélioration depuis 2015, mais sa situation en 2025 est moins favorable que celle du ménage Deschamps. Les aides qu’il peut toucher pour la rénovation de sa maison sont moins importantes, du fait de sa catégorie de revenus différente pour les aides Anah, et des caractéristiques de son logement. Il a une capacité d’emprunt suffisante pour financer le reste à charge via un prêt, mais le remboursement de ce prêt n’est pas couvert par les économies d’énergie, même en 2025 et en mobilisant son épargne pour diminuer le montant emprunté. L’augmentation nette de son budget reste toutefois modérée (de l’ordre de 20 € par mois), ce qui semble soutenable, d’autant plus que la rénovation performante permet de gagner en confort et protège le ménage d’éventuelles augmentations futures des prix de l’énergie.

  • L’installation d’une pompe à chaleur permet aux ménages de faire des économies d’énergie suffisantes pour couvrir les mensualités de financement

Pour l’installation d’une pompe à chaleur, le reste à charge a augmenté sur les dix dernières années, que ce soit pour le ménage Deschamps ou le ménage Villeneuve. Malgré cette augmentation, alors que les économies d’énergie ne permettaient pas de couvrir les mensualités de prêt il y a dix ans, c’est largement le cas aujourd’hui.

D’autres évolutions sont également à suivre pour évaluer l’accessibilité des rénovations performantes : en particulier le nombre d’artisans certifiés RGE – qui augmente légèrement pour atteindre 63 000 en 2024– et la possibilité pour les ménages de souscrire à un prêt aidé – de plus en plus d’éco-PTZ sont distribués (113 000 en 2024).

Pour la mobilité, les évolutions sont plus mitigées

  • Pour le ménage Deschamps, le reste à charge a augmenté et les économies de carburant ne couvrent toujours pas le financement d’une voiture électrique

Pour un ménage qui n’a pas spécifiquement besoin de changer de voiture (ici le ménage Deschamps), nous comparons l’achat d’une voiture électrique au fait de garder sa voiture essence. Ce scénario peut également donner un ordre de grandeur de la comparaison avec l’achat d’un modèle ancien, de 3ème main par exemple, peu cher à l’achat mais avec des frais d’entretien élevés.

Nous évaluons dans cette situation l’ensemble du reste à charge pour une voiture électrique : il a augmenté sur les cinq dernières années, une augmentation comprise entre 5 000 à 10 000 € suivant les modèles considérés. Les économies de carburant (de l’ordre de 110 € par mois en 2020, 120 € en 2025) ne sont pas suffisantes pour couvrir les mensualités de crédit. Seul le dispositif de leasing social aurait permis en 2024 de donner accès au ménage Deschamps à une voiture électrique tout en baissant son budget mobilité. A noter que ce dispositif n’a mis la voiture à disposition des ménages que pendant 3 ans, ce qui pose la question de l’accès à la mobilité électrique dans la durée si le dispositif n’est pas reconduit et que le prix de rachat – pour les contrats avec option d’achat– est rédhibitoire pour les ménages.

À noter que pour le ménage Deschamps, nous développons également un scénario alternatif de comparaison entre l’achat d’une voiture électrique et l’achat d’un équivalent thermique (cf infographie en bas de page et annexes méthodologiques).

  • Pour le ménage Villeneuve, le surcoût d’une voiture électrique par rapport à son équivalent thermique a augmenté sur les cinq dernières années, mais les économies de carburant lui permettent toujours de couvrir le financement du surcoût.

Pour un ménage des classes moyennes supérieures (ici le ménage Villeneuve), qui doit remplacer sa voiture, nous comparons l’achat d’une voiture électrique à une voiture thermique équivalente. Alors qu’il y a cinq ans, une voiture électrique neuve entrée de gamme était moins chère à l’achat de presque 5 000 € par rapport à son équivalent thermique, le reste à charge pour une voiture électrique dépasse aujourd’hui le prix de son équivalent thermique, de quelques milliers d’euros. L’achat d’une voiture électrique par rapport à son équivalent thermique reste toutefois avantageux pour le ménage Villeneuve. En effet, les économies de carburant générées par le passage à l’électrique permettent de couvrir l’augmentation des mensualités du crédit par rapport à une alternative thermique. En 2025, le ménage Villeneuve peut voir baisser son budget mobilité – incluant l’ensemble des frais liés à sa voiture y compris l’achat par un crédit – de quelques dizaines d’euros. Ces économies nettes ont baissé depuis cinq ans, elles étaient plutôt de l’ordre de 140 € par mois en 2020.

Pour lutter contre la désinformation et privilégier les analyses qui décryptent l’actualité, rejoignez le cercle des lecteurs abonnés de UP’

D’autres évolutions sur les dernières années sont plutôt favorables au développement de la mobilité électrique : de plus en plus de voitures électriques sont vendues sur le marché d’occasion, et le nombre de bornes de recharge accessibles au public continue d’augmenter, à la même vitesse que le déploiement des voitures électriques.

Les différents facteurs permettant d’expliquer ces évolutions

Le premier facteur explicatif est l’impact des aides à destination des ménages

Côté rénovation performante, la mise en place de MaPrimeRénov’ Parcours Accompagné a entraîné une hausse très conséquente des montants d’aides à la rénovation pour les ménages des classes moyennes (et modestes). Les évolutions de l’éco-PTZ – hausse du plafond et augmentation de la durée du prêt – ont également rendu les investissements plus accessibles aux ménages.

Côté mobilité électrique, les aides à l’achat ont plutôt baissé sur les dernières années : suppression de la prime à la conversion, baisse du bonus et critères d’éligibilité plus stricts (suppression des aides pour les voitures d’occasion et introduction du score environnemental), ce qui a eu pour effet de faire augmenter le reste à charge pour une voiture électrique. En revanche, le dispositif de leasing social a permis à des ménages des classes moyennes inférieures (et modestes) d’acquérir une voiture électrique sans augmenter leur budget mobilité.

Un deuxième facteur explicatif des évolutions est le coût des investissements

Côté rénovation, il s’agit plutôt d’un facteur à la hausse : le coût des travaux a augmenté, de même que les prix des pompes à chaleur (de plus de 30% sur 2015-2025, pour le coût des travaux comme pour celui des pompes à chaleur). Côté mobilité, le prix des voitures électriques a également plutôt augmenté de manière générale. Mais la mise sur le marché de nouveaux modèles entrée de gamme et la plus grande disponibilité de voitures électriques sur le marché de l’occasion ont permis de contrebalancer cet effet.

Un dernier facteur qui a un impact fort sur l’accessibilité des investissements pour les ménages est le prix des énergies

Les prix du gaz, du fioul, de l’essence ont beaucoup augmenté sur les dernières années, surtout en 2022-2023, ce qui augmente de manière très conséquente les économies d’énergie potentielles – le prix du gaz a doublé entre 2015 et 2025, celui du fioul a doublé entre 2015 et 2023 avant de légèrement diminuer, celui de l’essence a augmenté de plus de 20% entre 2015 et 2023, avant de légèrement diminuer.

Leçons pour l’avenir

La situation s’est améliorée sur un certain nombre d’indicateurs : le reste à charge pour la rénovation performante a fortement baissé pour les classes moyennes, les économies d’énergie potentielles ont augmenté, les modalités de financement se sont améliorées.

Alors que certains investissements ne sont toujours pas accessibles économiquement aux ménages, notamment des classes moyennes, et que les améliorations passées sont dues en grande partie aux aides publiques, une attention particulière devra être donnée au budget de l’Etat pour 2026, dans un contexte budgétaire difficile.

Le budget 2026 devra prioriser l’accès aux solutions de transition de celles et ceux qui en ont besoin – via des subventions, des dispositifs comme le leasing social, etc. D’autres leviers (règlementaires, fiscaux) peuvent être mobilisés pour inciter les acteurs en ayant les moyens à investir. Ces derniers leviers peuvent par ricochet rendre les investissements plus accessibles aux ménages : par exemple, la règlementation européenne sur les émissions des véhicules peut inciter les constructeurs à baisser le prix de vente de leurs modèles électriques. De même, la règlementation sur le verdissement des flottes d’entreprises peut permettre d’alimenter le marché de l’occasion électrique.

N’oublions pas non plus que d’autres évolutions sont nécessaires pour rendre la transition écologique réellement accessible aux ménages – le développement des transports en commun, la formation des artisans de la rénovation, etc. Certaines de ces évolutions nécessiteront également d’être soutenues par de la dépense publique.

Charlotte VAILLES, Chercheuse – Financement de la transition juste I4CE
et Sirine OUSACI, Chargée de recherche – Financement de la transition juste I4CE

Lire la deuxième édition de l’Observatoire des conditions d’accès à la transition écologique

Illustration d’en-tête : UP’ Magazine

Nous avons un message pour vous…

Dès sa création, il y a plus de dix ans,  nous avons pris l’engagement que UP’ Magazine accordera au dérèglement climatique, à l’extinction des espèces sauvages, à la pollution, à la qualité de notre alimentation et à la transition écologique l’attention et l’importance urgentes que ces défis exigent. Cet engagement s’est traduit, en 2020, par le partenariat de UP’ Magazine avec Covering Climate Now, une collaboration mondiale de 300 médias sélectionnés pour renforcer la couverture journalistique des enjeux climatiques. En septembre 2022, UP’ Magazine a adhéré à la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique.

Nous promettons de vous tenir informés des mesures que nous prenons pour nous responsabiliser à ce moment décisif de notre vie. La désinformation sur le climat étant monnaie courante, et jamais plus dangereuse qu’aujourd’hui, il est essentiel que UP’ Magazine publie des rapports précis et relaye des informations faisant autorité – et nous ne resterons pas silencieux.

Notre indépendance éditoriale signifie que nous sommes libres d’enquêter et de contester l’inaction de ceux qui sont au pouvoir. Nous informerons nos lecteurs des menaces qui pèsent sur l’environnement en nous fondant sur des faits scientifiques et non sur des intérêts commerciaux ou politiques. Et nous avons apporté plusieurs modifications importantes à notre expression éditoriale pour que le langage que nous utilisons reflète fidèlement, mais sans catastrophisme, l’urgence écologique.

UP’ Magazine estime que les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de la crise climatique sont systémiques et qu’un changement sociétal fondamental est nécessaire. Nous continuerons à rendre compte des efforts des individus et des communautés du monde entier qui prennent courageusement position pour les générations futures et la préservation de la vie humaine sur terre. Nous voulons que leurs histoires inspirent l’espoir.

Nous espérons que vous envisagerez de nous soutenir aujourd’hui. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à offrir un journalisme de qualité, ouvert et indépendant. Chaque abonnement des lecteurs, quelle que soit sa taille, est précieux. Soutenez UP’ Magazine à partir d’1.90 € par semaine seulement – et cela ne prend qu’une minute. Merci de votre soutien.

Je m’abonne →

S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
Washington fustige les politiques "dangereuses" contre les fossiles
Article précédent

Washington fustige les politiques "dangereuses" contre les fossiles

Prochain article

Transition écologique : la Cour des comptes alerte sur les retards de la France

Derniers articles de Transition écologique et énergétique

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS. ET AGIR.
logo-UP-menu150

Déjà inscrit ? Je me connecte

Inscrivez-vous et lisez trois articles gratuitement. Recevez aussi notre newsletter pour être informé des dernières infos publiées.

→ Inscrivez-vous gratuitement pour poursuivre votre lecture.

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS ET AGIR

Vous avez bénéficié de 3 articles gratuits pour découvrir UP’.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de 1.70 € par semaine seulement.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de $1.99 par semaine seulement.