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Tous centaures – Eloge de l’hybridation

Tous centaures – Éloge de l’hybridation, de Gabrielle Halpern – Éditions Le Pommier/Nouvelle édition, 2025 – 176 pages (Première date de publication : 12 février 2020)

À tous les bâtards, tous les Métis, tous les centaures, toutes les sirènes, à tous les êtres panachés, hétéroclites, bigarrés, croisés et mélangés, qui se sont toujours entendu dire qu’ils n’avaient pas ou qu’ils avaient trop d’identité (s), il est grand temps de vous assurer que vous avez le droit d’exister… »

Gabrielle Halpern, docteure en philosophie, propose une réflexion sur l’hybridation comme principe majeur du XXIᵉ siècle. En s’appuyant sur la figure mythologique du centaure – mi-homme, mi-cheval – elle développe une métaphore puissante : nous serions tous, désormais, des « centaures » dans un monde qui n’est plus fait de catégories étanches, mais de mélanges féconds.

Le livre explore comment les hybridations – entre secteurs, métiers, cultures, technologies, disciplines – transforment nos sociétés, nos organisations et nos identités. Plutôt que d’y voir une menace ou une confusion, l’autrice en fait l’éloge et défend la nécessité de cultiver cet esprit centaurique pour inventer l’avenir.
Pour l’autrice, nous vivons aujourd’hui dans une époque où tout se mélange : les métiers, les cultures, les technologies, les modes de vie. L’hybridation n’est plus une exception, mais la règle. Pourtant, nous continuons souvent à vouloir ranger les choses dans des cases bien ordonnées. Halpern nous propose au contraire d’apprendre à accepter – et même à cultiver – ces zones de frottement et de métissage.

L’image du centaure illustre concrètement ce que Morin appelle la dialectique complexe : la coexistence d’éléments hétérogènes qui ne se fondent pas l’un dans l’autre, mais créent une unité vivante. Le centaure n’est ni seulement un cheval ni seulement un homme : il est les deux, dans une relation dynamique. De la même façon, la complexité ne supprime pas les différences, mais les articule. C’est pourquoi Halpern valorise l’hybridation : elle oblige à penser la relation, la tension, l’inachèvement. Elle fait de l’incertitude une ressource créative. 

Son livre est un éloge du « désordre créateur », un plaidoyer pour embrasser la complexité et inventer de nouvelles manières de penser, de travailler et de vivre ensemble.

L’auteure développe une réflexion qui mêle philosophie, économie et sociologie, sans jamais perdre de vue des exemples très concrets. Voici quelques points essentiels à retenir :

La puissance de la métaphore du centaure
Le centaure symbolise la dualité, la cohabitation de deux réalités que tout oppose en apparence. Il nous rappelle que la pureté est un mythe et que la richesse naît du croisement. Cette figure devient le fil rouge qui éclaire la transformation de nos sociétés.

L’hybridation comme moteur du XXIᵉ siècle
L’autrice montre que l’hybridation touche tous les domaines  : les lieux de travail se transforment en tiers-lieux qui mêlent bureaux, espaces culturels et commerces, les parcours professionnels deviennent multiples et non linéaires, les technologies se combinent à nos gestes les plus quotidiens. Dans ce contexte, s’accrocher à des catégories fixes revient à nier la réalité.

La complexité comme condition du réel
Edgar Morin a consacré l’essentiel de sa recherche à montrer que la réalité est multiple, tissée d’interactions et de contradictions. Il oppose la complexité à la simplification, c’est-à-dire à la tendance de la pensée occidentale à isoler, découper et réduire les phénomènes à un seul facteur explicatif. Dans La Méthode, il écrit :
« Il faut apprendre à relier ce qui est disjoint et à distinguer ce qui est confondu. »
Gabrielle Halpern se situe dans cette même lignée. Son centaure est précisément une figure complexe, qui refuse l’évidence, le binaire et la pureté. L’hybridation qu’elle défend est une forme de complexité assumée  : accepter que les choses et les êtres soient en tension, en mouvement, et jamais parfaitement rangés dans des catégories claires.

La complexité contre la tentation du simplisme
Halpern dénonce une « tentation de la pureté » : le besoin de classer les réalités selon des cases fermées et rassurantes. Cette tentation rejoint ce qu’Edgar Morin appelle la pensée simplifiante, celle qui élimine l’ambiguïté et la contradiction pour se rassurer. Dans la perspective de Morin comme dans celle d’Halpern, ce simplisme est dangereux : il empêche de saisir les interconnexions (par exemple, entre innovation technologique et enjeux sociaux), il produit des décisions inadaptées à un monde mouvant, il crée des conflits là où il faudrait des passerelles.
Halpern propose d’y opposer une pensée de la reliance, qui accepte la complexité comme horizon.

Un plaidoyer contre les cases et les cloisonnements
Halpern critique la tendance à vouloir tout séparer : le privé du professionnel, l’analogique du numérique, l’ancien du nouveau. Selon elle, c’est une vision appauvrissante. Elle invite chacun à accepter l’incertitude, à se confronter à l’inconfort que provoque l’hybridation, car c’est là que naissent les idées neuves.

Une philosophie de la plasticité et de l’invention
Ce qui rend le propos vivant, c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’un constat. L’autrice propose une véritable philosophie de la transformation : être centaure, c’est se montrer curieux, capable de se réinventer, de créer des passerelles entre des univers que l’on croyait inconciliables.

Des pistes concrètes pour demain
Enfin, le livre ouvre des perspectives : Comment concevoir des organisations plus flexibles ? Comment former des individus qui sauront naviguer dans la complexité ? Comment éviter que la technique ne se substitue à l’humain, mais au contraire l’enrichisse ?

En quoi l’éloge de l’hybridation complète la pensée de Morin ?
On pourrait dire que Tous centaures prolonge la pensée complexe en la rendant plus accessible et en la dotant d’une image forte. Le centaure devient un symbole moderne de ce que Morin appelle la dialogique  : « Deux logiques opposées qui non seulement s’affrontent, mais s’associent pour produire une réalité nouvelle. »

En approfondissant le thème de la complexité, on voit combien le livre de Gabrielle Halpern dialogue avec Edgar Morin : tous deux refusent la simplification et la séparation artificielle des savoirs. Tous deux invitent à penser la réalité comme un tissu d’interactions et de contradictions. Tous deux encouragent à cultiver la souplesse intellectuelle et l’inventivité. Si Morin propose une méthode pour « penser la complexité », Halpern offre une métaphore vivante et inspirante pour la vivre : celle du centaure en chacun de nous.

Tous centaures est à la fois un essai philosophique et un guide pour mieux comprendre et habiter le monde qui vient. Gabrielle Halpern y défend une idée simple, mais profonde : l’hybridation n’est pas une faiblesse, c’est une force. Elle est la clé pour inventer des solutions nouvelles et bâtir des sociétés plus ouvertes et plus créatives.

C’est un livre qui encourage à sortir des sentiers battus et à embrasser la complexité avec confiance et curiosité.

Docteur en philosophie, chercheur associée et diplômée de l’École normale supérieure, Gabrielle Halpern a travaillé au sein de plusieurs cabinets ministériels, avant de participer au développement de startups et de conseiller des entreprises et des institutions publiques.

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