En début d’année 2013 se tenait au palais de l’Unesco à Paris le sixième Forum Netexplo, qui invitait dix lauréats-inventeurs à présenter leurs créations. Cette année, le jury d’une quinzaine d’experts a primé un tatouage numérique.
C’est « Electronic Tattoos« , un tatouage électronique développé par Lu Nanshu, une scientifique chinoise accompagnée par des chercheurs de l’université d’Austin au Texas, qui a été désignée Innovation de l’année. Cette scientifique avait déjà été honorée l’an dernier par le MIT comme l’un des « 35 innovateurs de moins de 35 ans ».
Ce nouvel outil de surveillance médicale, également indolore pour le patient (l’épiderme le tolérant facilement), permet de mesurer l’activité cardiaque, cérébrale ou musculaire d’un patient, sans lui retirer sa liberté de mouvement, supprimant ainsi les habituels électrodes .
« Electronic Tattoos » est une fine membrane en silicone qui se colle sur la peau et donne l’impression d’un simple tatouage. Toutefois, celui-ci est particulier car il est bardé de capteurs qui surveillent en permanence les paramètres de santé et les transmet sans fil (grâce à des émetteurs intégrés) à un médecin. Résistant aux douches chaudes ou aux frottements de vêtements pendant plus d’une semaine, il s’adapte aux déformations de la peau et la transforme ainsi en surface connectée.
« Cette invention souligne la démocratisation de l’ « homme augmenté » à grande échelle », note Thierry Happe, co-fondateur de Netexplo. « Ce système, développé au départ pour des pathologies lourdes, sera ensuite proposé pour de la prévention au quotidien, ce qui n’est pas sans poser des questions éthiques importantes ».
Electronic Tattoos – Lauréat Netexplo 2013… par netxplorateur
Une méthode de surveillance rassurante
Les composants du tatouage captent les signes vitaux les plus infimes comme la température ou le pouls. Placé sur le front, il peut détecter les manifestations de certaines émotions, sur le cou il sait capter l’action des cordes vocales et reconnaître les mots prononcés. Avec ce dispositif, un médecin pourrait aisément suivre les effets d’un traitement, d’une opération de son patient, ou encore l’évolution d’une grossesse sans avoir à le rencontrer physiquement. Il devient également possible de suivre de près un entrainement sportif.
Dans le cas de malades chroniques, il permet d’évaluer le diagnostique à distance et de surveiller l’évolution de sa maladie de manière continue, offrant ainsi un côté rassurant pour le patient. De plus, sa discrétion fait que le patient peut vivre normalement sa vie et n’a plu lu sentiment d’apparaître comme « malade » dans le regard des autres, ce qui peut lui donner la force de combattre la maladie. Encore en phase de test, il devrait être très prochainement utilisé dans de nombreuses applications médicales, à savoir la chirurgie ou les études sur l’activité du cerveau. Nashu Lu cherche aussi à développer un tatouage capable d’enregistrer les informations et d’y répondre de manière appropriée.
Quel avenir pour le tatouage électronique ?
Des améliorations pourraient être apportées au modèle actuel en y intégrant une mémoire interne ou une batterie lithium-ion. Cet objet pourrait ouvrir la porte à de nouvelles interfaces homme-machines permettant de contrôler des objets à distance en bougeant simplement des parties du corps sans même avoir à recourir à des capteurs de mouvements.
Par exemple en délivrant un flux d’électricité dans le cœur lorsqu’une crise cardiaque est détectée ou même en délivrant le médicament approprié en temps réel quand une anomalie liée à une maladie en particulier fait son apparition. De plus, il pourrait être également utilisé dans le secteur du jeu vidéo. Ainsi, l’application d’un tatouage sur la gorge d’un utilisateur de jeux vidéo permettrait de détecter les commandes vocales en distinguant les mots tels que « gauche » ou « droite » et donc contrôler un appareil électronique à distance.
On peut cependant se demander si cet instrument médical de surveillance en temps réel n’est pas une entrave à la vie privée car si ces capteurs parviennent à terme à mesurer nos humeurs et motivations, bon nombre de marketeurs pourraient être intéressés par l’utilisation de ces données…
D’autres exemples de tatouages comme capteurs médicaux
Photo © Ken Jones
D’autres chercheurs, à l’université de Toronto à Scarborough, dont Vinci Hung, ont mis au point un capteur sous la forme d’un tatouage temporaire pour aider les médecins à détecter les problèmes métaboliques chez les patients et faciliter le travail des entraîneurs dans la formation des athlètes.
Ce tatouage, en forme de visage souriant, peut en fait détecter des changements dans les niveaux de pH de la peau en réponse à un stress métabolique de l’effort. Des dispositifs similaires, appelées électrode ion sélective (ISE) sont déjà utilisés par les chercheurs médicaux et des entraîneurs sportifs. Ils peuvent donner des indices sous-jacents aux maladies métaboliques telles que la maladie d’Addison, ou tout simplement signaler si un athlète est fatigué ou déshydraté pendant l’entraînement.
Vinci Hung explique qu’ils voulaient « un design qui pourrait dissimuler les électrodes« . En outre ils souhaitaient » également mettre en valeur la diversité des conceptions qui peuvent être accomplies avec cette technique de fabrication ». En utilisant différents matériaux de détection, les tatouages peuvent également être modifiés afin de détecter d’autres composants de la sueur, comme le sodium, le potassium ou le magnésium, susceptibles d’intéresser les chercheurs en médecine et en cosmétologie.
{jacomment on}