Le chez-soi des animaux, petites fables pour les enfants, de Vinciane Despret – Éditions Actes sud / Collection Mondes sauvages, 3 septembre 2025 – 48 pages
Le Chez-soi des animaux, signé par la philosophe et éthologue Vinciane Despret, se présente comme un captivant petit recueil de fables pour enfants — et pour celles et ceux qui ont su garder une part d’enfance dans le regard. Le livre prolonge avec subtilité une idée chère à l’autrice de science-fiction Ursula Le Guin : offrir aux animaux la possibilité de rejeter les noms qu’on leur a imposés pour choisir, eux-mêmes, la manière dont ils souhaiteraient être appelés, une invitation poétique à questionner le pouvoir du langage en regard du monde vivant.
En 1985, Ursula Le Guin proposa ainsi une très jolie contre‑histoire de la Genèse : puisqu’Adam avait nommé les animaux, Ève allait les inviter à se défaire de ces noms qu’ils n’avaient pas choisis. Ce livre, qui s’adresse aux enfants et à ceux qui le sont restés, prolonge cette aventure. Si les animaux pouvaient décider de la manière dont ils s’appellent, qu’imagineraient-ils ? Leur nom serait-il chant, parfum, vibration, danse, mouvement d’ailes, couleur, goût de fleur, d’eau ou d’herbe ? Et si, ont proposé les escargots, nous nous nommions par les lieux que nous habitons, par ce qui fait “chez‑soi” pour chacun de nous ? Une coquille, une rivière, un nid, un terrier, une forêt… Autant de lieux qui nous font découvrir que chaque “chez‑soi” est d’abord un “chez‑nous” ?
L’ouvrage ancre le lecteur dans une rêverie éthique : qui sommes-nous pour imposer des noms ? Et si, à l’inverse, nous nous laissions baptiser par les rythmes, les matières et les territoires qui nous portent ? Cette méditation invite à déconstruire l’anthropocentrisme du langage et à cultiver une relation plus humble et poétique avec les autres êtres.
Dans le prolongement de ce propos, Despret tisse, à travers des fables délicates, un lien sensible entre l’habitat et l’identité animale. Elle fait émerger comment chaque espèce invente son “chez‑soi” — ce chez‑nous mouvant, sensible et parfois collectif — que ce soit le refuge matériel comme la coquille de l’escargot, le nid, le terrier ou le motif collectif d’une ruche, ou encore les marqueurs invisibles comme les chants, les odeurs ou les vibrations. Loin de se limiter à une observation naturaliste, Despret semble proposer un apprentissage radical de l’attention : scruter les infimes géographies où chaque être habite, repenser les frontières, l’appartenance, la communauté, et finalement notre propre sens du lieu.
Ce petit livre, à hauteur de main et d’émotion, fonctionne comme un vrai appel poétique à la reconquête d’un regard attentif et respectueux, à la célébration des manières différentes d’être au monde. À travers une écriture claire, légère et contemplative, Despret invite le lecteur — enfant ou adulte — à repenser sa relation au langage, au lieu et à la communauté.
Vinciane Despret est philosophe et psychologue, professeure à l’université de Liège. Après avoir découvert le travail des éthologues, elle oriente ses recherches vers la philosophie des sciences. Elle ne cesse d’interroger notre rapport aux animaux à travers quantité d’ouvrages reconnus internationalement. Elle a été également commissaire de l’exposition « Être bêtes » à la Cité des sciences. L’année 2021 a été une année exceptionnelle, car Vinciane Despret a été élue l’intellectuelle de l’année du Centre Pompidou à Paris ; elle y a organisé toute une série d’événements, tout au long de l’année, dont une performance avec un poulpe en avril, au moment de la sortie du livre en avril 2021.
Elle a publié de nombreux livres sur les animaux et leurs scientifiques (Quand le loup habitera avec l’agneau, Penser comme un rat, Que diraient les animaux si on leur posait les bonnes questions ?, Autobiographie d’un poulpe, Habiter en oiseau.






