De quelques certitudes dans un monde imprévisible, de Franck Bernard Louis-Marie Beyeler – Éditions Les 3 colonnes, 9 avril 2025 – 288 pages
Cet essai propose une vision personnelle engagée et introspective sur la nécessité pressante d’une réforme globale — politique, économique, sociale — à l’heure où notre monde vacille sous le poids d’une accélération vertigineuse. L’auteur commence par dresser un constat sans concession : un monde déstructuré, mis à mal et au bord de l’abîme face aux bouleversements récents, notamment l’accélération du temps et des technologies.
Pourtant, malgré cette instabilité, des progrès scientifiques et techniques inattendus émergent, ouvrant des perspectives fortes — tant économiques qu’écologiques. Le livre met en lumière certaines inventions majeures injustement écartées en France, qu’il présente comme des évidences à redécouvrir. Enfin, en s’appuyant sur une citation attribuée à Charles de Gaulle — selon laquelle « l’avenir de l’homme est le seul combat qui vaille » — l’auteur lance un appel à une réflexion profonde et collective sur l’avenir de l’humanité dans ce moment-clé de tension et d’incertitude mondiale.
Le ton adopté est à la fois lucide et mobilisateur. Le monde n’est pas idéalisé : il est désigné comme fragile, désordonné, en perte de repères. Pourtant, au lieu de céder au pessimisme, B. L. M. Beyeler choisit de souligner le potentiel latent des innovations ignorées, incarnant une volonté non pas de décrier, mais d’ouvrir des voies nouvelles.
L’ouvrage réussit un équilibre subtil : il ne se contente pas de pointer les dérives d’un système en crise, mais s’attarde sur ces lueurs technologiques et écologiques qui pourraient orienter positivement notre avenir. Il invite à dépasser la fatalité pour envisager une transformation constructive.
Par ailleurs, le propos ne se limite pas à l’innovation technique : l’auteur plaide clairement pour une restructuration des institutions politiques, économiques et sociales, afin qu’elles deviennent les leviers d’un monde plus résilient et humain. La vision est globalisante, ancrée dans la conviction qu’aucune sphère de la société ne peut rester à l’écart de la réforme.
L’ouvrage se veut un appel à l’action et à la réflexion philosophique, à travers notamment de la référence à de Gaulle qui enrichit le fondement philosophique du texte : l’auteur remet l’homme au centre du combat — non pas dans une lutte idéologique, mais comme porteur d’un avenir à façonner collectivement. C’est un appel à un engagement civique et éthique, fondé sur l’espérance active plutôt que sur le désenchantement.
Cet essai peut être mis en regard avec les travaux de Michel Serres (Petite Poucette), qui analysait déjà l’accélération du temps et le rôle des nouvelles générations, mais aussi avec les réflexions de Bruno Latour sur la crise écologique et la nécessité de repenser nos institutions et avec certains essais récents d’Erik Orsenna ou de Cynthia Fleury, qui articulent politique et éthique autour de l’avenir de l’homme. Mais la différence ici, c’est que Bernard & Beyeler ne s’arrêtent pas à la théorie : ils évoquent des inventions concrètes, des solutions tangibles qui auraient dû avoir leur place, mais que le système a marginalisées.
De quelques certitudes dans un monde imprévisible est un essai lucide, mobilisateur et philosophiquement enraciné. Il propose une constatation franche des fragilités de notre temps, une valorisation concrète d’innovations écartées et porteuses d’un renouveau économique et écologique, un appel à la réforme des institutions et un engagement profond, inspiré par une pensée de Gaulle, autour de l’avenir de l’homme.
C’est une œuvre hybride, entre manifeste politique, plaidoyer pour l’innovation et méditation philosophique, qui s’adresse à tous ceux qui refusent le fatalisme et veulent croire en la possibilité d’une transformation, grâce à sa lecture stimulante pour qui cherche à conjuguer réalisme critique et espoir transformateur dans une époque aux contours incertains.
Curieux juriste de droit public, déjà auteur dans la Revue Politique Parlementaire « L’État est mort, vive l’État » (mars 2023), Franck Beyeler a eu la chance de profiter de l’enseignement d’hommes remarquables qui lui ont permis d’acquérir une approche macroéconomique et globale. Celle-ci s’est accompagnée de la possibilité d’accompagner les plus grands musiciens en tant que membre de la Société des Chanteurs de Saint-Eustache, ce qui lui a ouvert à une forte sensibilisation de la culture. Plongé dans le monde économique en tant que chef d’une microentreprise attachée à la réduction des charges des entreprises et des associations, ainsi qu’à leur sauvegarde. Il a profité de la certitude continue que la véritable richesse réside en celui qui nous fait face.
Pour aller plus loin :
- Livre La Fin des certitudes d’Ilya Prigogine & Isabelle Stengers (Ed. Odile Jacob, 1996)
Un ouvrage incontournable qui rejette le déterminisme absolu et propose une vision probabiliste du monde, ouvrant ainsi à une réflexion sur le rôle du hasard, du libre arbitre et des systèmes instables dans la compréhension de l’incertitude - Livre « Le Dérèglement du monde » d’Amin Maalouf (Ed. Grasset, 2009)
L’auteur dresse un bilan alarmiste du désarroi international à la fin des années 2000 (idéologies, finance, climat, identités), tout en offrant des pistes pour rendre la mondialisation plus équitable et respectueuse. - Livre « Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique » de Michel Callon, Pierre Lascoumes & Yannick Barthe (Ed. Le Seuil, 2001)
Un classique des STS (sciences, techniques et société) francophones qui propose un modèle de démocratie dialogique, fondée sur des « forums hybrides » associant experts et citoyens afin de réduire l’incertitude dans les décisions publiques. - Livre « Décider dans l’incertitude » de Vincent Desportes (Éd. Eyrolles, 2ᵉ édition, 2015)
Une réflexion pragmatique sur la décision en contexte incertain, dans les domaines stratégiques, économiques, militaires ou politiques. L’auteur montre comment concevoir une action efficace malgré l’imprévisibilité. - Livre « Incertitude et environnement » de Paul Allard, Dennis Fox, Bernard Picon & Collectif (Edisud, 2008)
Ouvrage collectif consacré aux incertitudes dans les mesures environnementales, les modèles scientifiques et les politiques de gestion. Il s’adresse à ceux qui travaillent à l’interface entre science, écologie et décision publique.






