Le Métatron est un instrument unique au monde. C’est une station d’écologie expérimentale du CNRS située à Moulis (Commune de Caumont) dans l’Ariège , qui permet d’étudier l’évolution des espèces face au changement climatique. Jean Clobert, son directeur, et différents chercheurs qui y travaillent, nous expliquent les expériences actuellement menées dans ce centre de recherche.
Crédit photo: © Q. Bénard
Installé sur quatre hectares, le Métatron est constitué de 48 cages de 100m2, reliées entre elles par 76 couloirs (pour permettre le déplacement des espèces de l’une à l’autre). 220 papillons et 350 lézards y ont élu domicile dès les débuts de l’expérimentation prouvant ainsi l’acuité du concept. Le climat de chaque cage est commandé à distance par un logiciel qui permet de changer la température, le taux d’hygrométrie ou le rayonnement solaire en lançant un ombrage ou un arrosage. Ce dispositif sophistiqué permet, grâce à l’étude de modèles animaux tels que le lézard et le papillon, de constater les effets des variations climatiques sur ces espèces et les stratégies d’adaptation qu’elles adoptent face à ces changements.
Un concept unique pour mesurer l’impact du réchauffement climatique sur la biodiversité
Avec une équipe de chercheurs, de techniciens, d’étudiants, l’écologie évolutive a pour domaine « l’impact des changements globaux sur les individus et les populations : changements climatiques, fragmentation des populations, altération et destruction des habitats ». Et, par une refonte totale de l’environnement moulisien, le lieu est équipé de laboratoires de génétique, de biologie moléculaire, de physiologie, de biologie cellulaire et du phénotype, d’une volière d’un espace de 520 m² comprenent 48 volières identiques de 1m² en intérieure et 4 m² en extérieure, plus 12 autres volières offrant jusqu’à 12m² en extérieure. Les parties intérieures seront équipées d’un système automatique d’acquisition de données par caméra et senseurs.
Des serres de 750 m2 destinées aux espèces autochtones sont organisées en 12 cellules identiques mais dont le pilotage climatique peut être programmé indépendamment.
« Un des défis les plus importants qui nous attend dans les décennies à venir est de promouvoir un développement heureux de l’homme dans une perspective durable, rappelle Carine Desaulty, chargée de relations avec la presse au CNRS. Une durabilité qui ne peut s’inscrire que dans des rapports harmonieux avec son environnement physique et biologique ». D’où la nécessité d’étudier les impacts liés aux impératifs économiques et sociétaux de l’homme. Nécessité à développer dans un futur proche et qui réunit déjà, autour d’objectifs communs, l’Etat, la Région Midi-Pyrénées, le Conseil général de l’Ariège, la communauté de communes de Saint-Girons et le CNRS, au travers de l’ambitieuse « Gestion du territoire ».
Des espèces fonctionnant en « métapopulation »
Une étude, publiée dans la revue Nature Methods, a été réalisée sur 220 papillons Pieris brassicae et 350 lézards Zootoca vivipara. Les contraintes étaient les suivantes : une fragmentation de l’habitat dû aux cages et des variations des caractéristiques du milieu de vie (paramètres changeants, tels la température, l’humidité et la luminosité). Les papillons et les lézards ont alors fonctionné selon un mode dit « en métapopulation », c’est-à-dire que ces espèces ont essentiellement colonisé certaines cages et disparu totalement d’autres. Ainsi, les espèces ont exactement adopté le comportement prévu par les scientifiques.
Membre de l’équipe de recherche, Delphine Legrand explique : « Nous tentons de comprendre les facteurs qui influencent ces migrations. On essaie de comprendre ce qui va induire le fait de changer de milieu ». Pour elle, les résultats représentent ainsi « un grand pas pour le Métatron car il est officiellement validé par la communauté scientifique après deux ans de travail ». Toutefois, celle-ci tient à rester prudente : « c’est encore trop tôt pour tirer des conclusions par rapport au milieu naturel. Mais ce sera la prochaine étape ».
Ces travaux prennent tout leur sens quand on sait que selon certains scientifiques, 50% des espèces vivantes pourraient avoir disparu d’ici 2100.
Visionner la vidéo sur le site du CNRS
(Source : CNRS mars 2013)
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