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Le design jouerait-il à l’apprenti sorcier avec le vivant ?

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Une révolution tranquille est en cours ; elle se produit sous le microscope, à l’échelle moléculaire, loin de notre quotidien. Un nouveau genre de designers s’inspire de la biologie et de la bionique pour repenser notre monde, en réorchestrant notre relation à la nature.

Imaginez un monde dans lequel la manufacture traditionnelle est remplacée par la fabrication biologique : les plantes font pousser des produits de consommation, et les bactéries sont génétiquement reprogrammées pour devenir des raffineries de biocarburant ou des fabriques de soie ; de véritables « usines » du vivant.

Ce nouveau monde existe déjà en laboratoire, et un nombre grandissant de designers et d’artistes commencent à s’en inspirer, soit en se rebellant contre ces techniques transgéniques, soit en explorant le potentiel de l’ingénierie de la vie. Ainsi, un nouveau genre de design est en train de naître.

« Qu’advient-il du design et de la fabrication de nos objets du quotidien lorsque les technologies et matériaux sont vivants ? » Une exposition à l’espace Fondation EDF a tenté, cet été, de répondre à cette interrogation sur l’usage possible de la nature à créer des systèmes de production durables, sur l’initiative de Carole Collet, designer textile de formation.


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Très sensible au caractère polluant de l’industrie textile, elle cherche à faire bouger les lignes en créant d’abord en 2000 un master « Textile Future » au prestigieux Central Saint Martins College of Arts et Design de Londres. La programmation électronique entre dans ses cours, elle organise des visites à des laboratoires de nanotechnologies et déclare dans un Manifeste que « le textile peut être intelligent (programmable), écologique, invisible (ou augmenté, soit porteur de qualité ou fonction invisible), esthétique et poétique ». Cela aboutit à un projet de collaboration entre designers et Prix Nobel. Le biologiste John Sulston lui parle de la biologie synthétique comme étant le domaine scientifique qui va changer le cours des choses dans les années à venir.

De là est née l’exposition « En Vie – Alive » à l’Espace fondation EDF qui présentait ces nouvelles frontières du design et opposait des concepts qui s’inspirent d’un futur où tout est programmable, même le vivant, à un avenir alternatif, ou la nature reste « naturelle ».
La sélection des trente quatre projets présentés soulignait aussi la volonté de recherche de nouveaux modèles de développement durable. Certains designers et architectes nous proposent des solutions plus écologiques, d’autres offrent une interprétation poétique et dite « de prospective ». D’autres encore s’inscrivent dans la provocation afin de stimuler un débat éthique. Ces designers nous ouvrent les portes d’un monde hybride nouveau, où ils opèrent sur une échelle du vivant qui va de la « nature naturelle » à une nouvelle « nature reprogrammée » ; de l’imitation à la conceptualisation. Organisée en cinq thèmes, l’exposition proposait de hiérarchiser ce nouveau rapport à la nature.

1 – Les plagiaires : La nature en tant que modèle

Des designers et des architectes se tournent vers la nature en quête de modèles d’ingénierie et pratiquent le biomimétisme. Ils imitent les procédés ou les comportements observés dans le monde naturel, mais travaillent avec des technologies et matériaux issus de production industrielle et digitale. Exemple : le projet « jet eSkin » : à partir de l’observation des cellules humaines, une nouvelle manière de penser les bâtiments dont la « peau » s’adaptererait à l’environnement, notamment en matière d’économie d’énergie. 

2 – Les nouveaux artisans : La nature en tant que collègue de travail

Ces designers et architectes collaborent avec la nature à l’état « naturel ». Ils travaillent avec des abeilles, des champignons, des bactéries, des algues ou des plantes afin de développer de nouvelles techniques pour fabriquer des produits de consommation. Ici, le design se rapporte plus au jardinage et à l’agriculture qu’à la fabrication industrielle.

3 – Les bio-hackers : La nature génétiquement reprogrammée, dite « synthétique »

Ces designers et artistes travaillent en collaboration avec des biologistes synthétiques ou se réfèrent à la recherche de bio-ingénierie de pointe. Ils imaginent ce que nos produits, interfaces et environnements de demain pourraient devenir grâce à la reprogrammation du vivant. Leurs idées illustrent un monde futur possible.

4 – Les nouveaux alchimistes : La nature hybridée

Ici, designers, architectes et artistes proposent d’explorer la fusion de la biologie, la chimie, la robotique et les nanotechnologies pour créer de nouveaux organismes hybrides. Ils combinent le vivant avec le non-vivant.

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5 – Les agents provocateurs : La nature conceptualisée ou imaginée

Ce dernier groupe d’artistes et de designers explorent de façon provocatrice un avenir plus lointain. Leur travail de prospective encourage un débat sur les questions éthiques liées à ces nouvelles relations possibles avec la nature et la notion d’écologie high-tech.

« J’espère vivement que cette exposition inspirera les générations à venir et contribuera à établir une cartographie de créateurs qui s’aventurent à imaginer de nouveaux rapports à la nature et au vivant. Ce projet met en scène la recherche d’un design radicale et « ultime » qui s’inscrit dans une réflexion écologique profonde en rapport à notre futur d’ici à quarante ans. » déclarait Carole Collet.

©Carole Collet, Commissaire d’Exposition et directrice de la publication En Vie-Alive. 
Carole est Maître de Conférences et directrice associée du centre de recherche TFRC à l’ école Central Saint Martins College, Université des Arts, Londres.

 

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