Faut-il réindustrialiser la France ? Quelle industrie convient à notre nouvelle civilisation ?
« L’industrie » a pris son essor sous l’impulsion de décideurs convaincus que la technologie allait être plus rentable que les guerres menées par les rois. Le slogan de l’époque : « le bien-être pour tous grâce au progrès technique ».
Les générations montantes sentent que le « bien-être » n’est pas suffisant. Elles veulent s’accomplir. Elles vont même s’installer dans les pays prometteurs en matière d’épanouissement pour eux-mêmes et leur progéniture.
Les nations doivent donc être attractives
Ces générations veulent consommer moins, mais mieux, des biens et des services intelligents et esthétiques.
Elles veulent disposer de biens et de services au moment où elles en ont besoin plutôt que posséder tout et n’importe quoi.
Ceci nous impacte nos pratiques industrielles
Dans le même temps, la mondialisation se reconfigure. Outre certaines matières premières, seuls les biens et les services d’exception feront l’objet d’échanges entre les nations.
La guerre des talents est ouverte
L’innovation devient une composante concurrentielle entre les nations.
Au 19ème siècle, elle a porté sur des sujets lourds : l’électricité, le téléphone, les médicaments, les engrais ….
Au 20ème siècle, elle a été aussi financière et marketing.
Au 21ème siècle, elle prend des formes atomisées et composites, développée selon des itérations courtes et incertaines, mariant toutes sortes de talents et de savoirs autour de projets multidisciplinaires.
La structure pyramidale de nos institutions et de nos grandes entreprises est inappropriée pour développer et financer cette forme d’innovation.
L’esprit du 2.0 devient le souffle du renouveau
Jusqu’à présent, les nations ont favorisé leurs grandes entreprises afin qu’elles aillent conquérir les marchés mondiaux. Devenues transnationales, elles ne sont plus une garantie de prospérité pour les nations.
Le nouveau défi consiste, au contraire, à se doter d’un tissu d’entreprises réactif et créatif, composé d’entreprises de taille humaine, à la durée de vie relativement courte et en symbiose avec leurs environnements géographiques et culturels.
La nouvelle règle est simple : une entreprise se construit autour de ses héros. Lorsqu’un corps business nouveau apparaît, il est illusoire de vouloir convertir les héros. Il est préférable d’en faire émerger de nouveaux qui vont créer des sociétés optimisées pour la nouvelle donne.
Un tissu d’entreprise fiabilisé et dynamisé par son architecture en réseau
La notion de travail est également entrain d’évoluer : que faire des citoyens rendus oisifs par les progrès technologiques et organisationnels ? Comment faire évoluer la protection sociale dont nous avons besoin réciproquement ?
La vraie vie se déroule en six étapes : je nais, j’apprends, je fais, j’innove, je transmets et je me rends utile.
Actuellement nous ne respectons que quatre étapes : je nais, j’étudie, je produits et « on » me retire du système.
Nous devons faire en sorte que chacun puisse contribuer efficacement à chaque étape de son propre parcours de vie.
Face à la jeunesse de certains continents, nous mettons en œuvre la complémentairté des générations
La société va donc devoir récompenser distinctement deux formes d’activités :
– les activités productives (38 % de notre activité – Source Insee) : elles sont actuellement financées par le marché et soumises aux lois de la finance, dont le fonctionnement amoral devient une entrave.
– les activités contributives (48 % de notre activité – Source Insee) : ces activités concernent la compétitivité sur le long terme et l’attractivité de la nation. C’est dans ces activités que se développent le terreau social, artistique, culturel, politique ou encore spirituel, mais aussi la recherche et l’innovation.
Ces activités se développent actuellement dans le cadre du bénévolat (peu fiable) et du volontariat (peu dynamique). Elles sont financées essentiellement par la fiscalité. Or la fiscalité devient ingérable tant localement qu’au niveau planétaire.
Le revenu de base, couplé aux monnaies complémentaires, ouvre des perspectives intéressantes qui méritent d’être approfondies en toute objectivité.
Elargisssons ces travaux de la sphère militante à celle des chercheurs
Ainsi, ne réfléchissons plus à l’industrie isolément, mais posons-nous la question de savoir comment favoriser le développement d’un entrepreneuriat adapté à l’économie créative, circulaire et contributive répondant aux attentes des générations montantes et au nouveau fonctionnement de la mondialisation.
Rien ne se fera sans audace.
Geneviève Bouché, Docteur en Prospective – 27 Octobre 2013 (Intervention LH Forum sept 2013)