Le 5 novembre, à l’espace BSA à Paris, a eu lieu la journée SOL Global Forum pour découvrir et réaliser des explorations apprenantes d’une transformation sans précédent…
Révolution techno-scientifique, révolution sociétale, un bouleversement systémique du monde est en cours : c’est la « Transition Fulgurante », selon l’analyse éclairante du dernier livre de Pierre Giorgini, présent à cette manifestation pour nous guider. Ses impacts sur nos vies, nos entreprises, nos organisations, notre société, seront majeurs même s’ils sont aujourd’hui difficiles à cerner. De nouveaux systèmes de coopération et de créativité émergent ; porteurs d’une révolution de la connaissance, des apprentissages et des interactions, ils placent l’apprenance et les communautés et organisations apprenantes au cœur de ce bouleversement sans précédent.
« Nous ne sommes pas en crise mais en transition vers un autre monde. » Pierre Giorgini
La transition fulgurante – Les séquences de la journée
Qu’est-ce que SOL France ?
SOL est une association sans but lucratif qui réunit des entreprises, des consultants et des chercheurs, travaillant pour le développement d’organisations capables d’atteindre des buts élevés à la fois humanistes, pragmatiques et durables.
Issue du Center for Organizational Learning du MIT, elle a été fondée en 1997 à l’initiative du professeur Peter Senge et d’Arie de Geus, ancien directeur général adjoint du groupe Royal Dutch Shell.
SoL est, d’une part, une démarche qui permet à l’entreprise d’accroître sa vitalité et de s’adapter à un environnement changeant en s’appuyant sur les Hommes et sur leur capacité à apprendre ensemble.
SoL, est, d’autre part, un réseau d’échanges et de co-création. C’est un espace d’accueil dont la finalité est de permettre aux « catalyseurs de changement » de se ressourcer, d’expérimenter, de se professionnaliser, d’initier des projets qui ont du sens pour eux et ce faisant, de gagner en efficacité pour la réalisation des ambitions auxquelles ils aspirent.
En s’appuyant sur les apports de ses membres, SoL propose des journées d’échange, des séminaires, des recherches-action, la participation au réseau international, l’accès aux publications et des soirées formelles ou informelles.
La journée SOL s’est déroulée autour des thématiques du livre de Pierre Giorgini et la dynamique pédagogique, invitant aux inter-relations et facilitant les apprentissages (tables apprenantes et espaces d’échanges), a rendu vivante les apports du Président de l’Université Catholique de Lille.
I – Nano, bio, numériques, les révolutions technoscientifiques, leurs combinatoires surprenantes et leurs impacts inattendus.
Bio, nano et numériques, les évolutions technologiques et scientifiques sont de plus en plus rapides ; foisonnantes, elles se combinent entre elles ; la complexité qu’elles génèrent est de plus en plus difficile à appréhender, et les impacts qu’elles produisent déjà, espérés ou redoutés, sont encore mal connus et imprévisibles… Quelles sont ces évolutions, connues et ignorées ? Comment les observer ? Que doit-on en assimiler pour comprendre l’évolution du monde actuel, notre propre évolution ?
II – Les nouveaux systèmes de coopération humains et technique émergents : quel paradigme ?
De nouveaux modes de fonctionnement émergent (ont déjà émergé) dans le cadre des entreprises et des organisations, dans le cadre de la société, qui sont de l’ordre du « réseau », des « communautés ». Visiblement facilités par les technologies de l’information, ils permettent à certaines organisations de (se) développer de manière étonnante, finalement un peu mystérieuse. Quels sont les modèles qui émergent ? Quelles sont leurs caractéristiques majeures, leurs fondamentaux ? Quels sont leurs potentiels, leurs limites ? S’agit-il d’un phénomène majeur dans le développement du monde ? Sommes-nous face à un changement de paradigme ?
III – Mondialisée et localisée, la nouvelle économie de la créativité
Mondialisés ou localisés, de nouveaux produits, des systèmes innovants se développent et sont très rapidement adoptés par les « usagers ». Il semble que ces innovations, souvent très concrètes pour tout un chacun, sont développées et évoluent très rapidement, en combinant des éléments connus issus de nombreux champs disciplinaires et métiers, techniques et non-techniques, et en s’appuyant sur des modèles économiques eux-mêmes inédits. Quels sont les modèles et les processus en jeu ? Quels sont les acteurs et leurs interactions, dans quels périmètres, selon quels types d’organisation ? De quelle ampleur est cette évolution, avec quels effets sur la société et l’économie ?
IV – Nouvelles clés : les compétences et vertus pour vivre et accompagner la Transition Fulgurante
Ces (r)évolutions, ces émergences, ces transformations constituent « la transition fulgurante », la nourrissent, et génèrent d’ores et déjà des mondes nouveaux. De quelles compétences, de quelles vertus – individuelles et collectives –, doivent disposer les acteurs, à tous niveaux, pour accompagner ces développements inédits, pour vivre dans ce(s) nouveau(x) monde(s) ? En quoi sont-elles clés pour les hommes, pour les organisations, pour la société, pour le monde ? Comment les développer, les stimuler ?
Que retirer de cette journée ?
Fulgurance, énergie, chaos, tournis, enthousiasme, défi, révolution, créativité… Au milieu de ces évolutions radicales et des défis qu’elle recouvre, cette transition de société est une véritable mutation qui implique de co-créer un tiers chemin, entre la sacralisation de la techno-science et le rejet catégorique des ces évolutions technologiques inexorables. Pierre Giorgini nous a fait virevolter, combinant de main de maître les explorations sidérales au cœur des innovations dans tous les domaines du quotidien, les fruits d’une culture pluridisciplinaire et d’une curiosité insatiable pour étayer ses propos de références multiples, ancrant ces éclairages du pragmatisme de ses nombreuses expériences professionnelles, le tout saupoudré d’un humour rafraîchissant.
L’équipe de SOL (Gilles Gamblin et Jacques Chaize) a su rendre vivante cette journée en découpant les propos de Pierre Giorgini en quatre séquences rythmées par des échanges et des partages guidés dont le fruit des réflexions a été récolté via les facilitations graphiques et les capitalisations des apports de chaque sous-groupe.
Nous avons mis en pratique les pistes développées par Pierre Giorgini en travaillant en sous-groupes sur la dynamique des collectifs créatifs. Cela consiste à remettre en question les modèles dominants pour une entreprise définis comme upperground (1) et qui peuvent être menacés si elle ne prend pas en considération les signaux faibles des changements majeurs de son secteur décrits comme underground. Ceux-ci étant souvent portés par des acteurs minoritaires dans son secteur. Une fois qu’une institution ou une entreprise prend conscience de son ou ses underground, connaissant bien son uppergound alors elle est en capacité de définir son middleground pour trouver des réponses novatrices à l’intégration des innovations ou ruptures qu’apportent les effets des entrants sur un marché (undergound) sur le leader dominant (uppergound).
Une illustration a été donnée à partir du rôle de l’Etat. Lorsque ce dernier apporte des réponses pour les territoires (uppergound) il voit son rôle remis en cause par les initiatives citoyennes (undergound). Ce qui implique qu’il revisite son positionnement en cherchant quel middleground développer. Il pourrait, par exemple, aider les collectifs citoyens à apprécier les risques juridiques de leurs initiatives ou éviter de fiscaliser les agents de changement et leurs innovations de manière à leur laisser le temps de se développer et de devenir rentables et pérennes.
En conclusion, l’auteur nous a partagé un exercice à partir duquel il a tiré des conclusions sur la coopération. Ayant mis en situation de nombreuses équipes avec l’exercice « Expédition de tous les dangers », Pierre Giorgini a constaté que dès lors que des éléments précis étaient donnés aux équipes (cadre, cartes, informations météo, chemins, photos, matériel..) les solutions apportées étaient classiques et fortement tournées sur les détails de l’expédition au point que l’on pourrait croire à la description d’un projet digne des spécialistes du voyage. Tout est prévu et parfois dans les moindres détails.
Lors de la deuxième journée de l’exercice, la consigne change et il est dit à l’équipe : « vous recevez un message coincé dans une bouteille : « C’est l’horreur, je meurs ! ».
Le groupe se retrouve tout d’abord perdu, démuni, puis, petit à petit émergent des clés de réussite coopérative :
– discernement, curiosité, honnêteté intellectuelle,
– transparence, confiance, dialogue, empathie, écoute,
– réflexivité, conscience de soi, ouverture, altération (ce qui signifie comment on apprend de l’autre, « cross-fertilisation),
– pleine conscience… éthique,
– caractère sacré de la vie de l’autre, tout mettre en œuvre pour arriver au bout et tous vivants.
Pierre Giorgini en conclut que les groupes, sans méthodes et processus, identifient des valeurs fondatrices de coopération qui respectent les êtres humains et préservent le vivant.
(1) Laurent Simon décrit les collectifs créatifs au sein des villes créatives et définit trois types de contributeurs : les uppergrounds qui sont les actions des acteurs dominants (grandes entreprises), les innovations portées par des collectifs citoyens qui apportent souvent des innovations de rupture et les acteurs intermédiaires qui créent des solutions intermédiaires entre les deux modèles. http://www.erudit.org/revue/mi/2009/v13/nmi3096/037503ar.pdf
Pierre Giorgini est président-recteur de l’université catholique de Lille depuis le 1er juillet 2012. Cet ancien directeur général du groupe ISEN (Institut supérieur de l’électronique et du numérique) avait rejoint l’établissement lillois en 2009, comme vice-président du pôle Sciences et technologies.
Ingénieur diplômé de l’Institut National des Télécommunications d’Evry (INT), il est d’abord enseignant en architecture des réseaux de télécommunications et télématique à l’Institut National des Cadres des Télécommunications de Villeneuve d’Ascq, avant d’en être le responsable du département « informatique et réseau » et directeur des études. Il rejoint ensuite l’INT comme chef de projet, chargé de la formation des cadres pour France Télécom de 1982 à 1985, puis responsable du département « technologies des télécommunications » de 1987 à 1990.
En 1990, il crée l’ENIC (Ecole nouvelle des ingénieurs en communication) et la dirige jusqu’en 1994. Dans le même temps, il dirige le LASER-ENIC (Laboratoire d’Architecture des Systèmes pour l’Enseignement).
De 1994 à 1999, Pierre Giorgini poursuit sa carrière dans le monde de l’entreprise au sein de France Télécom comme Directeur des Ressources Humaines (division des réseaux), puis comme Directeur du développement des compétences du Groupe France Télécom. Enfin, entre 1999 et 2003, il rejoint l’ANPE où il devient Directeur Général Adjoint, DRH au niveau national. Il conduit, entre autres, la réforme du statut des personnels. De 2003 à 2006, il est Directeur délégué d’Orange Innovation en charge du Management, des Ressources, Humaines et de la gestion. En 2007, il prend la Direction Générale du Groupe ISEN (Lille – Brest – Toulon), en 2009, il rejoint l’équipe de Présidence de l‘Université Catholique de Lille en tant que Vice-Président du Pôle Sciences et Technologies.
– Livre « La Transition fulgurante – Vers un bouleversement systèmique du monde ? » de Patrick Cohendet (Postface), Pierre Giorgini (Auteur) et Jérôme Vignon (Préface) – Edition Bayard Jeunesse / 18 septembre 2014