Une vidéo circule en ce moment sur la Toile. Elle vaut le coup d’œil car elle est belle esthétiquement, impressionnante et forte, mais elle nous laisse immanquablement perplexe. Cette vidéo montre un affrontement sur un dojo. A ma droite, Motoman le dernier robot de la société nippone Yaskawa ; à ma gauche, Isao Machii, un expert du katana, le sabre légendaire des samouraïs.
Les équipes du fabricant de robots industriels et médicaux Yaskawa Electric Corporation ont appris à leur dernier né le maniement du sabre. Comme professeur, un digne héritier des samouraïs, qui, motion capture aidant, a transfusé sa science à la machine. Le résultat laisse pantois. Précision, élégance des gestes, rapidité, tout y est. Regardez :
De toute évidence cette vidéo laisse entendre que le robot est l’égal (voire le supérieur) du samouraï, La machine atteignant le niveau suprême d’un art ancestral.
Ce qui nous laisse une impression de trouble, ce sont les dernières images. Celles où l’on voit le samouraï, en sueur, ayant achevé sa performance. Un homme conscient de son art, mais aussi de sa finitude, de ses faiblesses. L’état d’un homme qui a su parachever un enseignement spirituel, le bushido, fruit d’une culture millénaire.
Un regard trouble vers le robot qui en dit long sur les limites de la machine. Dans la main de l’homme, le sabre est un symbole, celui de la vie et de la mort ; le tranchant du hakana symbolise le voile des illusions tranchées par la lame. La gestuelle est codifiée et traduit le respect d’un certain stoïcisme, du courage, de la loyauté. Rectitude, vertu, disposition à accomplir ce qui est juste. Dans la main de l’homme, le hakana exprime une philosophie de la vie. Dans la pince du robot, le hakana se résout à un vulgaire instrument de cuisine. Manié avec précision, avec technicité, mais démuni de l’essentiel.