Des chercheurs de l’université Linköping en Suède sont parvenus à faire pousser des roses dotées de circuits imprimés dans leurs feuilles. L’objectif : utiliser la photosynthèse pour produire de l’énergie. Une avancée qui pourrait permettre de surveiller et contrôler la croissance des plantes, voire de convertir l’énergie de la photosynthèse et collecter et stocker l’énergie solaire.
L’expérience a en fait démarré il y a deux ans. Une équipe de scientifiques du laboratoire d’électronique organique basé à l’Université de Linköping, en Suède, est parvenue à cultiver de vraies roses dont le système vasculaire comporte des circuits imprimés. Le principal défi de cette étonnante expérience a été de trouver le bon matériau, capable d’être absorbé par la plante durant son évolution et ce, sans être empoisonnée. Les chercheurs suédois présentent là un moyen d’améliorer les performances de la plus ancienne et aussi de la plus indispensable des usines de la Terre : le chloroplaste, ces petites structures présentes chez les végétaux, dans lesquelles se produit la photosynthèse.
Photosynthèse : petit rappel
C’est le processus qui, à partir de l’énergie du Soleil, d’eau et du gaz carbonique présent dans l’air, permet aux plantes et aux algues de fabriquer les sucres qui vont alimenter leur croissance. La photosynthèse constitue probablement la réaction chimique la plus importante sur notre planète, non seulement parce qu’elle rejette de l’oxygène mais aussi parce que, sur un plan plus terre à terre, elle est à l’origine de toute la matière organique dont sont issus le charbon, le pétrole, le gaz naturel qui ont permis notre civilisation moderne…
Le chloroplaste ne s’avère pas d’une efficacité folle, notamment parce qu’il n’est spécialisé que dans une petite fraction du spectre lumineux. Pour le dire autrement, il est incapable de traiter toute une partie des rayons du Soleil et de tirer profit de leur énergie. Alors, comment améliorer, optimiser, ses performances ?
Le végétal bionique
C’est là qu’interviennent les recherches suédoises : placer des capteurs dans les plantes et utiliser l’énergie stockée dans la chlorophylle [pour les alimenter], créer des antennes « vertes » ou produire de nouveaux matériaux.
Les expériences ont été conduites sur des roses dont le bout des tiges a été trempé dans une solution polymère soluble dans l’eau, nommée Pedot-S pendant 24 à 48 heures. La substance qui est absorbée par capillarité parvient à former des fils conducteurs d’une dizaine de centimètres de long au sein du xylème, c’est-à-dire les conduits qui canalisent la sève brute, montant des racines vers les feuilles.
Pourquoi la rose ? Cette variété est connue pour augmenter la concentration en ions divalents dans ses vaisseaux lorsqu’elle y détecte de potentiels agents pathogènes ou substances toxiques. « Or cette réaction de défense a facilité l’organisation et la formation des fils électroniques le long des parois intérieures », a expliqué Magnus Berggren, qui a participé à l’étude, au site spécialisé IEEE Spectrum.
Ses collègues et lui y ont ensuite fait circuler un courant électrique, mesurant une conductivité de 0,1 siemens par cm. Ils sont aussi parvenus à convertir les signaux chimiques en électricité à partir des propriétés du fameux «hydrogel» – ce qui permettrait selon eux de transformer la photosynthèse des plantes en source d’énergie pour l’homme.
Insérer de l’électronique dans une plante sans la tuer n’est pas une mince affaire. Cette prouesse a été rendue possible par l’utilisation de polymères synthétiques en mesure de ne pas interférer de manière négative avec la plante. Ces polymères utilisent les structures en place – vaisseaux du xylème, les nervures, les feuilles et la communication chimique – afin de conduire un signal électrique.
Une fois cette infiltration réussie, les chercheurs se sont aperçus que les réactions de photosynthèse avaient augmenté d’environ 30 % dans la plante, sans que celle-ci semble souffrir de la « greffe ».
Pour quel objectif ?
Collecter et stocker l’énergie solaire. Les scientifiques estiment que leurs travaux ouvrent la voie à des applications dans les domaines de l’énergie, de l’environnement et de l’interaction avec les plantes. Ils ont notamment évoqué des piles à combustible basées sur la photosynthèse, des capteurs et des régulateurs pour contrôler la croissance des plantes ou encore des « antennes vertes » : celles qui produisent de l’énergie dite « verte » en utilisant la photosynthèse, et celle qui surveille et régule la croissance des plantes, permettant de mesurer leurs besoins physiologiques et de les nourrir de façon optimale, au bon moment et sans excès.
(Source : Science Advances– Novembre 2015)
L’idée de plantes bioniques n’est pas nouvelle. Des chercheurs du MIT en Californie ou en Turquie avaient déjà en 2014 inséré des nanomatériaux dans des végétaux afin de prolonger le processus bioénergétique pour essayer de dépolluer l’atmosphère. Nous trouvons-nous là devant le même processus que celui des OGM interroge Libération, puisque nous sommes dans l’objectif « d’optimiser la plante » : « Il faut reconnaître que le système nutritif de celles-ci présente de nombreuses similitudes avec l’organisation des circuits électroniques. D’un côté, il y a les racines, les vaisseaux, les branches et les feuilles. De l’autre, on retrouve des branchements, des fils, des interconnexions et des appareils électroniques »
Certains voient ici des solutions aux défis qui sont devant nous ; d’autres s’inquiètent : Ne prépare-t-on pas un totalitarisme scientifique face aux crises et urgences écologiques et climatiques ? Chaque rose a ses épines…
Télécharger l’étude (en anglais)
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