La tyrannie des modes de vie de Mark Hunyadi – Editions Le bord de l’eau – Janvier 2015, 111 Pages
Les modes de vie sont ce qui nous affectent le plus, et pourtant ils sont hors de notre contrôle. Il y a là un paradoxe : nous, individus réputés libres et démocratiques, sommes dans les fers des modes de vie. Ceux-ci nous imposent en effet des attentes de comportement durables (avoir un travail, être consommateur, s’intégrer au monde technologique, au monde administratif, au monde économique…) auxquels nous devons globalement nous adapter. Ce paradoxe démocratique est renforcé par un paradoxe éthique : c’est au moment où l’on assiste à une véritable inflation éthique, par la multiplication des comités, chartes, conseils, règlements, labels éthiques en tout genre, tous censés protéger les droits individuels, que les modes de vie de plus en plus contraignants étendent comme jamais leur emprise sur les individus. Ce qui veut dire que tout ce dispositif éthique sert en réalité à blanchir le système et les modes de vie qui en découlent, qui peuvent ainsi étendre leur emprise en étant éthiquement pasteurisés. Notre éthique ne sert donc pas à critiquer le système ni les modes de vie, mais à les accompagner dans leur marche triomphale. Enrayer cette marche est le défi éthique et politique majeur de notre temps.
« On en peut pas laisser se déployer sans fin des systèmes qui déterminent à leur guise nos modes de vie, c’est-à-dire cela même par quoi nous sommes en contact avec le monde. La réflexion et l’action doivent briser cette extension implacable et anonyme d’un système qui, jour après jour, renforce à travers nous les conditions de son emprise, ne nous laissant d’autres choix que de collaborer à sa marche triomphante.
Marche triomphale du système : expulser toute réflexion, s’en tenir aux problèmes techniques à résoudre, gérer sa parcelle du grand potager.
Marche triomphale du système : obtempérer à ses ordres par peur de ne plus en être, se mettre au garde-à-vous de l’inéluctable.
Marche triomphale du système : parler au futur, jamais au conditionnel, parler comme si demain était déjà aujourd’hui, ignorer l’hypothèse de l’avenir, en faire une certitude… »
Selon l’auteur, jamais les règles morales n’ont été si présentes ni si contraignantes dans notre société, au point que nul domaine d’activité ne semble plus devoir échapper à leur juridiction. L’éthique est le maître mot, l’éthique est sur toutes les bouches… constituant le tissu moral de notre socviété, ce qui, au demeurant, constitue déjà un paradoxe en soit – une société fondée sur un principe individualiste… Quels sont ses effets paralysants de l’éthique sur l’éthique elle-même ?
Il propose dans cet ouvrage une autre approche éthique centrée non sur l’évaluation des technologies en tant que telles, ni sur les risques éthiques qu’ils entraînent, mais sur les modes de vie qu’induit la généralisation de leur usage.
Beaucoup d’exemples de ce livre montrent que « l’éthique est à chaque fois comprise comme un système de quelques règles à respecter, avalisant le système dans son ensemble. Car, en réalité, l’éthique restreinte à quelques principes laisse tout en l’état, se gardant bien d’interroger ce qui importe le plus, les modes de vie dans ,lesquels nous tournons désormais comme dans une roue de hamster ». On a donc sécurisé la roue du hamster : nous pouvons y tourner en toute quiétude, puisque nos comportements particuliers sont désormais soumis à des principes morauc contraignants, masquant sa fondamentale abstinence critique. Une sélectivité de l’éthique qui plonge loin ses racines dans la tradition de la philosophie occidentale.
Quid du libéralisme ? Le perfectionnisme individuel s’&adosse à la neutralité des règles de coexistence collective. Ce qui lui fait peur ce n’est donc pas le perfectionnalisme en teant qaue tel puisque, individuellement, il signifie à ses yeux la r »éalisation de la lilberté ; ce qu’il craint c’est plutôt le paternalisme lié à un perfectinnisme imposé à autrui, synonyme de répression individuelle. C’est pourquoi le libéralisme suspend toute possibilité d’évaluation collective du monde commun, au nom de la neutralité publique. C’est sa façon de se retirer du monde, donc d’approuver le monde tel qu’il va. »
Faut-il réenchanter éthiquement le monde ? Faut-il par exemple postuler, comme nos Grecs de l’Antiquité, des valeurs immanentes au monde que uelque sage aurait pour tâche de nous révéler ? Ou plutôt une Théorie Morale Unifiée, comme en physique ? « Ce ne sont pas les principes qui maintiennent en vie leur sens, c’est leur sens qui maintient en vie l’existence des principes ».
Mark Hunyadi, Professeur de philosophie morale et politique à l’Université catholique de Louvain, Directeur du centre de recherche Europé et membre de Louvain Bionics ; il est l’auteur de nombreux ouvrages.
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