La Cour Suprême des Etats-Unis a rendu un arrêt, ce lundi 18 avril 2016, autorisant Google à mettre en œuvre son projet colossal de librairie numérique, Google Books. L’objectif officiel de Google est de simplifier l’accès des utilisateurs aux livres, notamment ceux qui seraient inaccessibles autrement que par un procédé numérique (tels que les livres épuisés et non réédités), tout en respectant les droits des auteurs et des éditeurs. Est-ce vraiment le cas, le projet de Google ayant été freiné par de nombreux recours collectifs en justice sur la violation des droits d’auteur ?
Lancé en décembre 2004 dans le but d’organiser l’information dans le monde et la rendre universellement disponible et utile, Google Books est aujourd’hui un outil de recherche intratexte, de consultation de livres en ligne ou sur appareil mobile, de constitution de collections personnelles, et de téléchargement d’ouvrages libres de droits. C’est aussi une librairie en ligne via la boutique Google Play, un outil permettant de trouver où emprunter un exemplaire de livre en bibliothèque ou l’acheter. Google Books permet encore aux internautes d’obtenir des informations complémentaires sur des ouvrages.
Google travaille en collaboration avec des éditeurs et une quarantaine de bibliothèques dans le monde entier qui autorisent le géant de la recherche en ligne à ajouter leurs ouvrages dans sa bibliothèque numérique. Si une partie des ouvrages de Google Books est libre de droits et disponible en téléchargement, la majorité est soumise à des droits d’auteur. Pour ces derniers, seuls quelques courts extraits sont consultables en ligne et ce sont les éditeurs eux-mêmes qui choisissent les parties que les utilisateurs peuvent consulter. Google veut également respecter les droits d’auteur et protéger les ouvrages, notamment en bloquant les fonctions « imprimer », « couper », « copier » et « enregistrer » sur les pages affichant le contenu des livres.
Toutefois, depuis 2005, le projet de Google a été freiné par des recours collectifs en justice sur la violation des droits d’auteur. L’Authors Guild, une société qui rassemble plus de 8000 auteurs américains, et plusieurs éditeurs aux États-Unis considèrent Google Books comme une entreprise commerciale qui a fait baisser la vente de leurs ouvrages. Les plaignants dénoncent également une violation massive de droits d’auteur et un manquement à une rétribution juste des auteurs et éditeurs.
Il s’agit pour la firme américaine de numériser des livres, tombés dans le domaine public ou non, mis à disposition par des partenariats avec des bibliothèques, aux Etats-Unis et en Europe.
A l’issu du procédé de numérisation, plusieurs possibilités s’offrent alors à l’utilisateur :
– Si l’ouvrage est tombé dans le domaine public ou si l’auteur l’autorise, il est possible de consulter l’ouvrage dans sa totalité.
– Au contraire, s’il s’agit d’un ouvrage encore couvert par les droits d’auteur, et avec l’accord de l’auteur, un accès à un nombre de pages limitées de l’ouvrage est possible.
– A défaut d’accord de l’auteur, un aperçu dit « snippet » est possible, c’est-à-dire une sélection de courts extraits du livre, ou simplement un aperçu des informations générales relatives à l’ouvrage.
A ce jour, Google recense 20 millions d’ouvrages déjà numérisés qui pourront enfin être mis à disposition de l’internaute légalement, grâce à cette décision de la Cour suprême des Etats-Unis.
Cette décision de la Cour Suprême en faveur de Google marque la fin d’un litige juridique engagé entre la firme américaine et le syndicat des auteurs américains (Authors Guild), depuis une dizaine d’années.
En effet, depuis 2005, l’Authors Guild, qui représente le plus important syndicat d’auteurs des Etats-Unis, avait engagé des poursuites contre Google pour contrefaçon de droit d’auteur, par reproduction (numérisation des ouvrages), en raison du défaut de consentement des auteurs.
La Cour d’Appel de New York s’était prononcée en faveur de Google en octobre 2015, confirmant ainsi le jugement de première instance rendu en 2013, au motif que l’utilisation des œuvres faites par Google est couverte par l’exception légale américaine de « Fair Use » (« usage acceptable »).
Le juge de première instance avait ainsi mis en exergue l’intérêt du public, justifiant l’absence de consentement des auteurs pour l’utilisation des ouvrages. La Cour d’Appel a, quant à elle, rappelé les critères de l’exception américaine de « Fair Use », notamment la nécessité d’un usage transformatif de l’œuvre, ne laissant apparaitre qu’un court extrait dudit ouvrage et ne pouvant fournir aucun substitut véritable aux œuvres originales.
La décision de la Cour Suprême du lundi 18 avril vient mettre un terme à la bataille juridique ainsi initiée et déboute le syndicat des auteurs américains de ses demandes.
Si cette décision en réjouit certain, notamment les bibliothèques partenaires de l’initiative du projet Google Book, une grande partie des auteurs déplorent une telle solution, qui les empêchera de tirer profit de l’utilisation numérique de leurs œuvres.
En conséquence, seuls les auteurs les plus reconnus ou subventionnés pourront se permettre de poursuivre une carrière dans le domaine littéraire, alors qu’il s’agit déjà d’une profession peu stable et mal rémunérée. On risque, à cet égard, d’observer dans le futur une redistribution des profits du secteur de la création vers le secteur des nouvelles technologies.
Le syndicat des auteurs a lui exprimé sa déception : “Aveuglée par les arguments sur les bénéfices pour le public, la décision […] nous indique que Google, et non les auteurs, mérite de tirer profit de la numérisation de leurs livre ».
Encore une preuve que le numérique touche indéniablement les secteurs de la création et de la distribution, que ce soit dans le domaine littéraire, musical ou audiovisuel.
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