Le forum de DAVOS a établi une hiérarchie de qualités requises pour diriger en 2020. Il propose une cohérence cognitive et émotionnelle qui préfigure les profils des leaders transformateurs dont nous avons besoin pour construire un futur différent. Par le passé, la maîtrise de la performance économique et le contrôle qualité permettaient de garantir la pérennité des organisations, aujourd’hui, dans un monde en mutation, c’est un management collaboratif et agile, visant l’innovation disruptive en intelligence de situation, qui est la première compétence requise.
Voici un tableau comparatif entre les qualités requises en 2015 et leurs évolutions pour 2020. Il est issu des travaux des experts de DAVOS. La résolution des problèmes complexes reste le champion du palmarès. L’esprit critique prend la deuxième place, suivi de près par la créativité qui passe de la dernière à la troisième position. Apparaissent l’intelligence émotionnelle et la flexibilité cognitive dans le top 10 des qualités requises pour diriger, alors que le contrôle qualité et l’écoute active sortent du palmarès. Les compétences systémiques et relationnelles deviennent de plus en plus importantes. L’ensemble des talents proposés pour 2020 deviennent clairement complémentaires pour l’élaboration de stratégies visant la résolution de problèmes complexes. Cette cohérence relègue le gestionnaire manager à des niveaux d’exécution, au profit de l’émergence d’une cohérence dynamique orientée vers une nouvelle forme d’agilité pour les dirigeants.
Tableau des qualités requises pour diriger
Forum économique de Davos 2016
Source Business-Les Échos
Les neurosciences cognitives nous aident à comprendre pourquoi pratiquer l’esprit critique est plus difficile qu’il n’y paraît. En effet, nous évaluons la fiabilité d’une information avec notre cerveau. Or les émotions qui nous gouvernent sont intimement liées à nos souvenirs et réciproquement. Nous sommes sous l’influence de notre passé et de nos affects. La mémoire et ses routines, les émotions et leurs stimulations sous-terraines, amènent à donner de la valeur à partir d’un référentiel dont nous méconnaissons les automatismes.
C’est Daniel KANEMAN qui, le premier, a démontré le rôle des modes routiniers de la pensée et de leurs impacts sur les décisions. Des chercheurs en neurosciences, comme Antonio DAMASIO, ont montré comment la mémoire se consolidait sous l’emprise des émotions. Ces processus, précieux pour la survie, sont contrariants quand il faut « prendre le temps » d’ouvrir ses perceptions à de nouveaux critères dans un monde où tout va vite.
Olivier HOUDÉ, professeur en psychologie du développement, conseille de travailler l’esprit critique dès le plus jeune âge, afin d’apprendre à résister à son propre cerveau. Cette capacité cognitive – dont il appelle le déclencheur « shifting » – consiste à savoir désapprendre/apprendre des modes de raisonnement qui ont structuré notre pensée. Elle impose de savoir douter de ses perceptions/raisonnements. L’activation de cette compétence cognitive s’observe à l’imagerie cérébrale. Il reste à la faire connaître largement et à la valoriser, comme essentielle. C’est ce qui est proposé par les chercheurs de DAVOS.
Elle passe de la dernière à la troisième place. Il est vrai que pour régler des problèmes complexes, un peu de créativité est bienvenue. De nombreux chercheurs se sont attachés à comprendre ce qui différencie les personnes créatives des autres.
Ekonon GOLBERG, neuroscientifique Américain, a montré le rôle des deux hémisphères. La pensée créative exige la mobilisation de deux styles cognitifs. L’un, contrôlé par les schémas mentaux classiques, l’autre, donnant accès à une expérience non filtrée du monde qui nous entoure. Les personnes créatives résolvent les problèmes en articulant leurs connaissances acquises sollicitant plutôt l’hémisphère gauche, avec des explorations sollicitant plutôt l’hémisphère droit. Elles mobilisent leur cortex préfrontal, au détriment des zones routinières logées à l’arrière du cerveau.
Pour Dean Keith SIMONTON, professeur de psychologie à l’Université de Californie, les fortes capacités créatives sont associées à la désinhibition créative, c’est-à-dire à la capacité à oser remettre en cause les croyances/savoirs du passé. Il faut de la flexibilité cognitive et comportementale, de la tolérance à l’ambiguïté du changement. S’exercer à produire des idées de toutes natures sans les évoluer a priori, savoir opérer des allers-retours, revenir au point de départ pour prendre un nouveau chemin sans s’entêter, rester pugnace et s’aventurer sur des territoires inconnus… Bref, avoir une âme d’explorateur qui n’a pas peur de tâtonner en recherchant des innovations.
Développer l’intelligence émotionnelle reste un défi pour notre société normative. L’autorisation sociale d’être un humain « simplexe », comme le qualifie le neurophysiologiste Alain BERTHOZ, collaborant harmonieusement avec des humains « simplexes » ne peut s’acquérir que par une évolution de la connaissance de soi. Le cerveau s’est développé de sorte à pouvoir anticiper les conséquences d’une action, projetant sur le monde ses préperceptions, ses hypothèses et ses schémas d’interprétation. Pour ce faire, l’évolution a trouvé des solutions pour simplifier la complexité. Nos processus mentaux en sont le fruit.
Chercher des motivations plus profondes que le pouvoir hiérarchique et la pensée conforme est un art qui exige de savoir interagir dans des modes relationnels interdépendants. Ils impliquent l’acceptation des différences et des perturbations émotionnelles qui vont avec. Pour cela, intelligence émotionnelle et flexibilité cognitive s’accordent bien. La gestion des talents et la coordination avec les autres ne peuvent qu’en être renforcées.
Ce tableau nous propose une nouvelle cohérence managériale. La sortie du TOP 10 du contrôle qualité ne dit pas qu’il n’est plus important. Il fait partie des savoir-faire acquis par l’organisation et doit être délégué à chaque acteur du système. L’écoute active est une qualité de niveau opérationnel, qui ne justifie pas une place dans ce dispositif. Les nouveaux leaders transformateurs ont besoin d’être dans une dynamique adaptée à des environnements mutants. Intégrer de nouvelles solutions, qu’elles soient technologiques, sociologiques ou managériales, demande d’être focalisé sur des objectifs diversifiés, dans une interaction collaborative avec l’environnement humain, social et économique.
La capacité à faire des liens entre différents domaines/compétences et à remettre en cause les acquis sont donc les compétences clés pour ces dirigeants curieux et agiles. Louis Pasteur nous avait prévenus : « La chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés ». Dédié aux chercheurs, cet adage vaut maintenant pour ceux qui prétendent inventer de nouvelles façons d’orchestrer les mutations en cours dans un co-leadership agile et mobilisateur.
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