Vous connaissez le gaz hilarant ? Les médecins l’utilisent déjà pour nous anesthésier superficiellement. Une étude démontre comment ce gaz, le protoxyde d’azote, s’échapperait en masse des sols de l’Arctique et accélèrerait dangereusement le réchauffement climatique.
Un quart de l’Arctique est recouvert de permafrost (ou pergélisol), une terre gelée en permanence. Avec le réchauffement climatique, ces tourbières dégagent en grandes quantités du protoxyde d’azote, un gaz connu sous le nom de gaz hilarant. Les dentistes l’utilisent parfois pour nous calmer face à la roulette, mais à l’échelle planétaire, ce gaz est doté d’une capacité de réchauffement de l’atmosphère 300 fois supérieure au dioxyde de carbone (CO2). Cette découverte publiée par des chercheurs finlandais n’est pas drôle du tout : l’Arctique est déjà la région du globe qui a déjà tendance à se réchauffer le plus vite.
Le protoxyde d’azote, également appelé oxyde nitreux, hémioxyde d’azote ou encore gaz hilarant, est un composé chimique de formule N2O. C’est, selon la notice Wikipédia, « un gaz incolore, à l’odeur et au goût légèrement sucrés. Il est utilisé en anesthésie, chirurgie, odontologie et comme adjuvant en mélange équimolaire avec de l’oxygène, pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques. On l’appelle « gaz hilarant » en raison de son effet euphorisant à l’inhalation, d’où son usage récréatif comme hallucinogène. »
À l’heure actuelle, les scientifiques n’incluent pas l’oxyde nitreux dans les modèles de changement climatique, car très peu ont été détectés dans les couches supérieures de pergélisol jusqu’à présent. En effet, Il s’agit, jusqu’à présent du troisième gaz à effet de serre dont les émissions sont les plus importantes derrière le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4). Mais une étude publiée lundi 29 mai dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences suggère que, à mesure que les températures croissent, des couches profondes de pergélisol dégèlent.
Les chercheurs ont prélevé 16 échantillons de pergélisol de tourbières de la Laponie finlandaise et les ont réchauffés en laboratoire. Ils ont constaté que, dans les endroits où le pergélisol est couvert par les plantes, les émissions d’oxyde nitreux restent faibles, car les plantes absorbent l’azote du sol et sont « très efficaces pour réduire les émissions de N2O». C’est ce que déclare Carolina Voigt, chercheuse à l’Université de Finlande orientale et un des auteurs de l’étude. Elle précise à la radio australienne ABC : « Jusque-là, les émissions de protoxyde d’azote depuis le sol de l’Arctique étaient considérées comme négligeables, notamment parce que la quantité de nitrogène, le substrat pour la production de N2O, est probablement assez basse ou le taux de production est faible à cause du climat froid. »
Mais dans les endroits où le pergélisol des tourbières est nu de végétation, les émissions d’oxyde nitreux peuvent augmenter jusqu’à cinq fois quand le pergélisol décongèle. Selon les chercheurs, leur travail suggère que le pergélisol des tourbières pourrait émettre autant d’oxyde nitreux que la destruction des forêts tropicales – actuellement la plus grande source naturelle de gaz à effet de serre. Cette découverte fait craindre que le pergélisol des tourbières libère suffisamment d’oxyde nitreux dans l’atmosphère pour contribuer de manière significative au changement climatique. Le gaz créera une boucle de rétroaction, disent les chercheurs, tout comme le dioxyde de carbone qui s’écoule du pergélisol en phase de décongélation commence à le faire maintenant.
Les résultats de l’étude en laboratoire sont encore hypothétiques, a déclaré à E & E News , Jeremy Mathis, directeur du Arctic Research Program at the National Oceanic and Atmospheric Administration, qui n’a pas participé à l’étude. Mais, a-t-il précisé, la nouvelle recherche ajoute du poids à la projection plus large que les gaz à effet de serre du pergélisol accéléreront le changement climatique dans l’ensemble, ce qui va encore amplifier la décongélation du permafrost. « C’est juste ce cycle qui commence à réagir sur lui-même qui est beaucoup plus prononcé dans l’Arctique que dans les latitudes inférieures. En ce moment, il se réchauffe au moins deux fois plus vite que le reste de la planète, et la tendance continue d’être à la hausse. On peut donc craindre, compte tenu de toutes les complexités du système en jeu, que cet effet de réchauffement et cette exacerbation de son effet dans l’Arctique continueront. »
Le Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique, qui regroupe 90 scientifiques du monde entier, a signalé que le réchauffement de l’Arctique était plus rapide et plus dévastateur que prévu et que cette métamorphose a des conséquences profondes non seulement sur la faune et les écosystèmes locaux, mais aussi sur les populations et les ressources du monde entier.
Source : Quartz
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