Depuis son apparition à Wuhan, le coronavirus a subi de nombreuses micromutations. Les spécialistes disent que cela est normal et qu’un virus mute progressivement. Ces mutations modifient certains détails de son génome, sans conséquences sur sa nature. Mais la brutalité de la « deuxième vague » que nous subissons actuellement, alors que la première s’est quasiment éteinte durant l’été, interroge bon nombre d’épidémiologistes. Des chercheurs suisses et espagnols tranchent cette question : ils viennent de publier les résultats d’une étude mettant clairement en évidence que le virus circulant actuellement en Europe est apparu cet été en provenance d’Espagne : il serait un variant du coronavirus d’origine. Les chercheurs se gardent toutefois d’affirmer s’il est plus ou moins méchant ; mais ce qui est sûr, c’est qu’il se propage très rapidement.
Des chercheurs suisses et espagnols viennent de publier dans la revue médicale medRxiv un article décrivant l’émergence d’un variant important du virus SARS-Cov-2. Selon eux, « Un variant du SRAS-CoV-2 est apparu au début de l’été 2020, vraisemblablement en Espagne, et s’est depuis répandu dans plusieurs pays européens. Ce variant a été observé pour la première fois en Espagne en juin et se trouve à des fréquences supérieures à 40 % depuis juillet ».
Les chercheurs ont retrouvé dans une proportion de 40 % à 70 % ce variant du virus dans plusieurs pays tels que la Suisse, l’Irlande, le Royaume-Uni, la Norvège, la Lettonie, les Pays-Bas et la France.
La chasse au génome
Après son apparition à Wuhan fin 2019 (Comité d’urgence de l’OMS, 2020), le SRAS-CoV-2 a provoqué une pandémie mondiale qui a entraîné des efforts sans précédent pour réduire la transmission et mettre au point des thérapies et des vaccins. La propagation du virus à travers le monde a été suivie grâce à l’analyse phylogénétique des séquences du génome viral qui ont été et sont encore générées à un rythme bien plus élevé que pour tout autre agent pathogène. Plus de 157.000 génomes complets sont disponibles dans la base de référence GISAID à ce jour.
L’analyse systématique de ces séquences du génome du virus ont permis non seulement de suivre sa propagation dans le monde, mais aussi de surveiller les mutations qui pourraient modifier la transmission, la pathogénèse ou les propriétés antigéniques du virus. Une mutation en particulier, D614G dans la protéine du pic, a fait l’objet de beaucoup d’attention. Cette variante a été à l’origine d’importantes épidémies en Europe au début de 2020 et a ensuite dominé les épidémies en Amérique, remplaçant ainsi largement les lignées précédemment en circulation. Cette augmentation rapide a conduit à la suggestion que cette variante était plus transmissible que le virus originel détecté à Wuhan en Chine.
Une nouvelle variante
Au tout début de l’année 2020, alors que les frontières entre les pays et les voyages étaient largement ouverts, les variantes virales en circulation se sont distribuées dans le monde entier. Jusqu’à l’été 2020, les voyages intercontinentaux étaient supprimés du fait des mesures de confinement. Cette situation a permis l’émergence de variantes spécifiques à chaque continent. C’est ainsi qu’en Europe, une variante importante du virus a émergé et s’est propagée sur tout le continent européen du fait de l’ouverture des frontières décidées le 15 juin 2020.
Les nouvelles séquences génétiques de ce virus dénommé « 20A.EU1 » diffèrent des séquences ancestrales « à 6 positions ou plus, y compris la mutation A222V dans la protéine de pointe et A220V dans la nucléoprotéine ». Les chercheurs ont également observé que « la taille de 20A.EU1 a rapidement augmenté au cours de l’été et représente désormais une grande partie des séquences dans plusieurs pays européens. » Cette dynamique peut être suivie quasiment en temps réel sur nextstrain. La structure des groupes pour 20A.EU1 peut être consultée ici.
L’épidémiologie génomique en temps réel permet aux scientifiques du monde entier de suivre la propagation d’un agent pathogène grâce aux mutations qui se sont accumulées dans le génome au cours de la réplication virale. La grande majorité de ces mutations sont peu pertinentes sur le plan fonctionnel et servent simplement de marqueurs neutres qui peuvent être utilisés pour relier des variantes apparentées. Cette caractéristique conduit à estimer que les mutations sont mineures et n’ont aucune incidence sur la nature intrinsèque du virus et de la maladie qu’il porte. Contrairement à ce que se plaisent à dire certains médias, nous ne devrions pas craindre de « virus mutant » ou de « Frankenvirus » rendant le coronavirus encore plus dangereux. L’Inserm s’est ainsi attaché à publier un communiqué pour calmer ces inquiétudes et fantasmes.
Propagation rapide de la nouvelle variante
Pourtant les chercheurs suisses et espagnols qui ont publié la dernière recherche insistent sur l’importance des mutations qu’ils ont observées. Selon eux, certaines mutations sont adaptatives et augmentent en fréquence parce qu’elles augmentent le taux auquel le virus se transmet. De telles adaptations sont normalement attendues après une zoonose lorsqu’un agent pathogène n’est pas encore totalement adapté à son nouvel hôte ou chez les agents pathogènes endémiques qui échappent à une immunité préexistante, comme c’est le cas par exemple des virus de la grippe saisonnière.
Mais lors d’une épidémie dynamique, il est particulièrement difficile de dire sans ambiguïté si une variante particulière augmente en fréquence parce qu’elle présente un avantage intrinsèque ou en raison de facteurs épidémiologiques. En fait, écrivent les chercheurs, « selon une tautologie, tout nouveau grand groupe doit avoir grandi récemment et de multiples sources de preuves indépendantes sont nécessaires pour étayer un potentiel de transmission intrinsèquement élevé ».
Malgré ces difficultés, les auteurs de l’étude de MedXRiv relèvent une fréquence élevée de cette variante dans plusieurs pays européens qu’ils attribuent en premier lieu aux voyages entre pays. Mais ils observent aussi « une croissance constante et rapide de cette variante dans plusieurs pays avec une fréquence supérieure à 50 % dans certaines localités. » Ils observent même que « sa fréquence au Royaume-Uni a continué à augmenter même après l’arrêt des voyages sans quarantaine et la fin de la principale période de voyage en été ». Dès lors, tout porte à croire que cette variante du virus a pris un avantage concurrentiel sur les autres et se transmet beaucoup plus rapidement.
Cette hypothèse devra être corroborée par des études complémentaires car on peut aussi penser que l’accélération de la propagation de cette variante ait pu coïncider avec l’arrivée de nouveaux facteurs saisonniers. Ceci constituerait alors une explication alternative ou complémentaire.
Dans le même ordre d’idées, les chercheurs rappellent qu’il est impératif de comprendre si la nouvelle variante a une incidence sur la gravité de la maladie. « Jusqu’à présent, nous ne disposons d’aucune preuve d’un tel effet » affirment-ils. La faible mortalité pendant l’été en Europe s’explique principalement par un changement marqué dans la répartition par âge des cas confirmés et cette variante n’était pas encore suffisamment répandue en juillet et août pour avoir eu un effet important. Au fur et à mesure que les séquences et les résultats cliniques des patients infectés par cette variante seront disponibles, il sera possible de mieux déduire si cette lignée a un impact sur le pronostic de la maladie.
Deuxième vague ou attaque nouvelle ?
Tout le monde a été surpris de la « brutalité » de la « deuxième vague ». Certains épidémiologistes avaient prédit cette arrivée mais rares sont ceux qui envisageaient qu’elle soit aussi importante. De plus, les scientifiques spécialisés dans les épidémies de coronavirus avaient insisté sur la nature des courbes de propagation de ce type de virus qui montrent toujours, après un pic sévère, une chute brutale voire une disparition des contaminations. La « deuxième vague » les a laissés perplexes car la dynamique de l’épidémie n’était pas habituelle. L’étude de medRxiv pourrait être une explication. Et s’il ne s’agissait pas d’une « deuxième vague » mais plutôt d’une attaque nouvelle, celle d’un virus qui aurait acquis des variantes lui permettant de se distinguer de son modèle originel ?
Cette hypothèse n’est pas validée scientifiquement, il s’agit d’une intuition spéculative que des médecins comme le fameux professeur Raoult n’hésitent pas à avancer. Lors d’une longue interview accordée ce 27 octobre au journaliste David Pujadas sur LCI, il affirmait que nous étions en présence d’une deuxième épidémie avec un virus variant. C’est la raison pour laquelle, selon lui, certaines personnes pouvaient être infectées deux fois, chose impossible normalement car cela remettrait en cause le principe même de la vaccination, mais qui est pourtant observé. Il en tire la conclusion que nous sommes en présence d’un autre variant du virus qui le rend différent. L’étude des chercheurs suisses et espagnols semble commencer à lui donner raison.
Difficile de tirer des conclusions du tableau de répartition. La variante EU1 222 est surtout établie en Espagne, en Angleterre et en Irlande et Suisse. Les situations climatiques et culturelles sont très différentes entre ces pays. Contamination lors des vacances en Espagne ??
Encore un article lacunaire et biaisé …..Pas d’article sur la firme BIONTECH basée en Mayence qui a travaillé sur un vaccin potentiellement efficace. Germanophobie ?
Avec ce virus saisonnier mutant spontanément , il sera difficile de créer un vaccin efficace