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Crise sanitaire : Jeunes en danger !

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La Covid-19 frappe durement les systèmes de santé et met à l’épreuve les sociétés. Dans cette crise, les plus précaires sont une nouvelle fois les premières victimes. Les estimations parlent du basculement d’un million de personnes dans la précarité, s’ajoutant selon l’Observatoire des inégalités aux 9 millions de celles déjà touchées avant la crise sanitaire. Les associations, débordées humainement et financièrement par l’ampleur des besoins nouveaux, en témoignent unanimement.
Les conséquences de la crise sanitaire touchent particulièrement les jeunes de 18 à 25 ans, à l’heure où 20% d’entre eux vivent actuellement sous le seuil de pauvreté et 18% des étudiants présentent des signes d’épisodes dépressifs majeurs. Le CESE s’est emparé de cette grave problématique (*) et préconise, par une Déclaration nommée « Jeunes, devoir d’avenir » (1), des mesures fortes pour faire face à cette crise.

Les objectifs de cette Déclaration sont doubles : alerter les pouvoirs publics sur la situation vécue par les jeunes en cette situation de crise sanitaire, économique et sociale ; et proposer des mesures fortes afin de répondre à cette situation, sur le plan de la précarité économique, de la santé mentale, mais également de la confiance en l’avenir.
Près d’un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, et encore davantage de jeunes femmes (2). Le suicide demeure la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans tandis qu’environ 15% des étudiants présentent des signes d’épisodes dépressifs majeurs (3). 20,8% des 15-24 ans ayant terminé leur formation initiale sont au chômage, 48,4% pour les jeunes peu ou pas diplômés (4).

Ces données datent de 2015, 2018 et 2019, comme les avis du CESE qui les ont mises en avant. Certaines préconisations de ces avis ont été transcrites en mesures politiques : par exemple l’encadrement des loyers, la garantie jeune ou encore les actions en direction des jeunes ruraux, une amélioration sur la fin de parcours de l’aide sociale à l’enfance … Ces mesures méritent d’être approfondies au regard des difficultés croissantes rencontrées et parfois cumulées par les jeunes dans leur parcours vers l’émancipation et l’autonomie.

(*) Face à la dégradation prévisible des conditions d’existence de personnes déjà éprouvées, le CESE souhaite alerter les pouvoirs publics avant que ne déferle sur notre pays, dès les premiers mois de 2021, une crise humanitaire sans précédent. Il présentera une déclaration à cet effet, lors d’un déplacement dans un centre de La Croix Rouge, le jeudi 10 décembre pour un appel à la mobilisation nationale de la société civile.

Une crise qui précarise

L’émergence de la crise sanitaire a été marquée par une forte diminution des emplois disponibles, particulièrement ceux en contrats d’intérim (5), en CDD (6), certains types d’emploi avec ou sans contrat de travail ou le travail indépendant.
La secousse provoquée par la crise sanitaire a également touché les contrats de stage, les contrats d’alternance ou encore les contrats d’apprentissage. Autant d’emplois occupés largement par des jeunes. Or, si certains ont pu bénéficier du chômage-partiel ou d’autres dispositifs, nombreux sont ceux qui, âgés de moins de 25 ans, ont été confrontés à l’absence de solidarité nationale qui caractérise cette tranche d’âge majeure civilement mais mineure socialement.

Dans ce contexte particulièrement difficile, les familles sont un filet de sécurité tout à fait essentiel avant même la solidarité nationale. Mais cette solidarité se heurte à certaines limites.
L’appauvrissement des parents interagit de fait sur l’appauvrissement des jeunes mais l’inverse est également vrai. Ce sont les parents qui assumeront, en premier, le chômage prolongé de leurs jeunes et qui les aideront à y faire face dans la mesure de leurs moyens.

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Les failles du système de solidarité nationale ont un impact d’autant plus alarmant envers certains jeunes particulièrement vulnérables, comme les jeunes migrants, les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance, ceux sortant de prison ou ayant quitté le système scolaire sans diplôme qui cumulent souvent les difficultés socio-économiques. Rappelons à ce titre que les jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance sont surreprésentés parmi les personnes sans domicile fixe (7). Le CESE recense l’existence des dispositifs à l’égard des jeunes, à l’instar de la plateforme « 1 jeune, 1 solution » ou de la « garantie jeune ». Cette dernière est un dispositif qui propose aux jeunes « Neet’s » (8), l’accès à un accompagnement vers l’emploi et l’autonomie assorti d’une allocation mensuelle allant jusqu’à 497 euros. Si ce dispositif constitue une avancée, il ne bénéficie pas, tout comme les autres dispositifs en direction de l’emploi des jeunes, de la force de frappe d’un droit ouvert. Sujet à des arbitrages budgétaires, octroyé à la discrétion des missions locales et contingenté, son bénéfice est également limité dans la durée : un an renouvelable six mois. Par ailleurs, il ne permet pas, en l’état, l’accès à des aides complémentaires notamment en termes de mobilité, de logement, ou de couverture maladie.

Une réduction des interactions qui isole et désocialise

Les conséquences de l’isolement et de l’augmentation de la précarité sur la santé psychologique font l’objet d’alertes de la part des professionnels de santé. Le manque d’interactions sociales, amicales, familiales… de moments de convivialité, via la pratique d’un sport, d’une activité culturelle, de simples sorties, de rencontres lors de leurs études, mais également les modifications et incertitudes dans leurs parcours de formation (stage, départ à l’étranger, …) sont autant de facteurs influant sur le bien-être des jeunes.

La crainte du virus, l’isolement, les discours de culpabilisation et le bouleversement de nos modes de vie exacerbent cette détresse particulièrement chez les jeunes : 64% présentent une détresse psychologique et 23% ont des pensées suicidaires (9).

Pourtant la réponse en termes d’accès aux soins reste limitée : on dénombre en France seulement un psychologue pour 29 882 étudiants (10). Un chiffre alarmant, auquel doit être ajouté un renoncement aux soins pour motif financier (11) très important.

En matière de soutien psychologique, se sont mises en place dès le premier confinement des plateformes d’écoute téléphonique ou numérique à destination des jeunes et des étudiants. Celles-ci ont été prises d’assaut et certaines saturées témoignant ainsi du besoin inquiétant d’une prise en charge psychologique.

Cela traduit un problème structurel relatif à la gestion de la santé mentale des jeunes, au manque de moyens et de personnel des services de pédopsychiatrie adaptés, entraînant un accès difficile aux soins. À cela s’ajoute les enjeux liés à la réduction des activités physiques durant cette crise et la faiblesse des politiques de prévention et d’éducation à la santé.

Au-delà de ces détresses les plus aiguës, le lien social est un élément essentiel de la personne humaine et condition de son émancipation et de sa capacité à faire société. Les organisations de la société civile sont, de ce point de vue, fondamentales en particulier pour les jeunes. Lieu de socialisation et d’engagement, elles permettent aux jeunes de s’impliquer pour le bien commun, et de se construire ainsi une réalité sociale socle de la confiance en un avenir personnel mais aussi collectif. Mais bien que les organisations de la société civile et particulièrement les associations demeurent intensément mobilisées sur ces sujets, le contexte sanitaire rend plus difficile leur travail, face à des mesures sanitaires qui restreignent les interactions physiques et renforcent les inégalités sociales. Ces organisations doivent être encouragées à poursuivre ce travail dans les conditions actuelles et être soutenues pour retisser au plus vite les liens distendus par cette crise.

Un avenir incertain

Lors de leur insertion sur le marché du travail, de nombreux jeunes, même les plus diplômés, sont obligés de composer avec une embauche plus fréquente en CDD, à cumuler les contrats courts parfois entrecoupés de périodes de chômage, à faire plus souvent appel aux contrats d’intérim. Il faut rappeler, à ce titre, la condition des jeunes peu ou pas qualifiés pour qui l’insertion sur le marché du travail est particulièrement difficile. De cette précarité dans l’accès à l’emploi découle une difficulté accrue à présenter les garanties suffisantes pour accéder au logement, qui constitue pourtant une étape majeure dans l’autonomisation du jeune.
Il faut souligner l’importance des missions locales, qui ont joué un rôle majeur auprès des jeunes dans cette période de pandémie. Leurs missions d’aide et d’accompagnement sont donc essentielles.

Par ailleurs, le confinement renforce la question du sens du travail, et avec elle la nécessité de valoriser les métiers dits « essentiels » ou « de première ligne » afin d’offrir à ces secteurs une plus grande attractivité. Le développement du télétravail oblige à repenser l’accueil fait aux jeunes au sein des entreprises afin de leur offrir un cadre de travail épanouissant.

Malgré les difficultés, la confiance qu’ont les jeunes en l’avenir pour eux-mêmes demeure toutefois forte et l’on peut s’en réjouir (12). Ils doutent, cependant, de notre système social et démocratique et de sa capacité à relever les défis du moment. La problématique climatique reste posée comme celle de l’emploi, de l’avenir de notre système de retraite actuel, de la dette publique ou de la qualité de vie au travail.

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Les préconisations du CESE

La Déclaration du bureau du Conseil économique social et environnemental appelle donc à  des préconisations précises :

– Garantir aux 18-25 ans l’accès aux minima sociaux, accompagner et sécuriser l’entrée des jeunes dans le monde du travail :
Permettre aux jeunes de bénéficier d’un minimum de sécurité financière et d’accéder à une disposition de formation et/ou d’insertion sociale et professionnelle constitue un enjeu primordial, quel qu’en soit le mécanisme : mise en place d’un Revenu Minimum Social Garanti, ouverture du Revenu de Solidarité Active, généralisation d’une Garantie Jeune transformée en un droit … l’enjeu est de remédier au fait que de nombreux jeunes n’ont absolument aucune ressource pour vivre. Le CESE est convaincu que seul un droit commun ouvert à toutes et à tous sous condition de ressources (contrairement à des dispositifs dont la compréhension et l’accès est difficile pour les jeunes) est à même de garantir dans le temps l’arrimage des jeunes à la solidarité nationale et de ce fait leur confiance dans notre pacte social, aujourd’hui abimée. L’accès à ce droit est un devoir de la solidarité nationale car si nous ne faisons rien, nous remettons en cause l’avenir de notre propre société.

Par ailleurs, le CESE appelle de ses vœux une initiative forte pour répondre à l’enjeu de la qualification pour toutes et tous et au renforcement des moyens humains et matériels dédiés aux missions locales. Dans cette période de crise, il est primordial que les jeunes puissent bénéficier d’un accompagnement effectif dans l’emploi.

– Soigner les têtes, retisser des liens qui émancipent :
La distanciation physique est devenue sociale, déclenchant ou ravivant chez de nombreux jeunes des difficultés psychiques. Les services notamment de médecine scolaire et universitaire comme les acteurs associatifs ne sont pas, faute de moyens, à même de répondre à la demande. Alors que de premières mesures ont été annoncées, le CESE demande que soit mis en place un plan massif afin de donner aux acteurs de la santé mentale et de la santé les moyens de dépister au plus vite, de soigner et d’accompagner dans la durée.

Parallèlement, il y a urgence à redonner à chacune et chacun le moyen d’accéder à la richesse d’une vie sociale. Si les filets sociaux s’imposent, ils doivent nécessairement s’articuler avec des esp
ces collectifs qui rendent possible de se construire. Les associations, en particulier, de jeunes, de jeunesse et d’éducation populaire mais également les syndicats jouent ce rôle.
Particulièrement fragilisées ces dernières années, les associations sont des outils indispensables à cette sortie de crise. Elles doivent être soutenues car elles sont les garantes de la cohésion sociale et peuvent prendre part, en impliquant massivement des jeunes, à une relance des liens sociaux indispensable en sortie de crise.

– Donner aux jeunes la capacité à agir et à peser sur l’avenir :
Le CESE a co-organisé la Convention Citoyenne pour le Climat. Largement saluée, la convention a su répondre à deux enjeux centraux : impliquer des jeunes dès 16 ans par le tirage au sort tout en mobilisant une large part de la jeunesse et répondre aux enjeux climatiques. Ces enjeux climatiques assombrissent le devenir de nos sociétés et celui des jeunes plus particulièrement, avec le sentiment que c’est une maison en feu qui leur sera laissée. Il est de ce fait central que des mesures fortes concernant les questions écologiques qui s’appuient sur les propositions de la convention citoyenne doivent être rapidement mises en œuvre et que des exercices de démocratie participative soient renouvelés pour redonner du souffle à notre démocratie.

Au-delà, impliquer les jeunes dans les différents espaces de pouvoir est indispensable pour renforcer rapidement la confiance des jeunes envers notre modèle démocratique.

(1) Titre emprunté au rapport de 2001 de la commission « jeunes et politiques publiques » du Commissariat Général du Plan, présidée par M. Dominique Charvet.
(2) Avis du CESE, Sécuriser le parcours d’insertion des jeunes (2015)
(3) Observatoire National de la Vie Étudiante, repères sur la santé des étudiants (2018).
(4) Avis du CESE, Les jeunes et l’avenir du travail (2019), chiffres : INSEE, enquête emploi, séries longues sur le marché du travail, 2018.
(5) DARES, l’emploi intérimaire recule de 40,4 % au premier trimestre 2020
(6) DARES, forte contraction des embauches et des fins de contrat au premier trimestre 2020
(7) CESE, Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance (2018)
(8) Neet’s : dénomination européenne qui décrit les jeunes ni en emploi, ni en formation.
(9) Enquête FAGE-IPSOS, Les jeunes face à la crise : l’urgence d’agir (2020)
(10) Nightline France, Rapport « en parler, mais à qui ? » (2020).
(11) Le renoncement aux soins pour motif financier concernait 30% des étudiants en 2018. Observatoire National de la Vie Étudiante, précité.
(12) Banque des territoire, Synthèse des données quantitatives et qualitatives collectées lors de la période de confinement et post-confinement (2020)

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