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Devons-nous avoir peur des drones ?

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« Personne ne sait que vous êtes un drone » : c’est la lecture de la semaine ! Il s’agit d’un article paru dans The New Inquiry, sous la plume de Trevor Timm (@trevortimm, @drones) et Parker Higgins (@xor), activistes à l’Electronic Frontier Foundation, l’association américaine qui défend les droits des personnes dans un monde numérique. Il s’intitule « Nobody knows you’re a drone » (« Personne ne sait que vous êtes un drone »), en référence au célèbre dessin paru dans le New Yorker où un chien se tenait derrière un écran avec la légende suivante : « sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien ». Et de fait, c’est d’abord à l’internet que s’intéresse l’article, cette technologie militaire que se sont appropriés les civils avec toutes les visées utopiques que nous connaissons, utopies bien souvent déçues.

« Quarante ans après l’Internet, poursuivent les auteurs, nous avons vu apparaître une nouvelle vague de technologie militaire – les drones. Une technologie dont l’existence et l’expansion se justifient par le fait de tuer. Mais dans de petits cercles technophiles, ces machines excitent l’imagination d’une manière qui rappelle la révolution de l’ordinateur personnel. Aussi fascinantes et terrifiantes que soient les patrouilles armées et mécaniques parcourant le ciel, la destruction à distance n’est pas ce qui provoque cette excitation. Car les drones n’ont pas seulement détruit des milliers de vies, ils ont aussi délivré en retour des images en temps réel de ces destructions.

Comme outil domestique, les drones sont la dernière étape de la collecte et de l’analyse de données de surveillance. Les envisager de cette manière permet une autre comparaison entre la révolution à venir des drones et celles de l’ordinateur personnel : si, comme l’a dit Steve Jobs, le PC est comme un vélo pour nos cerveaux, que seraient les drones, une fois libérés de leur fonction militaire et appropriés par le public ? Eh bien, au lieu d’accroître notre intelligence, ils étendent nos sens. Ils étendent notre vision, nous donnant des yeux dans le ciel, au-dessus et autour du globe, comme de fines membranes entre nous et le monde, étendant et filtrant ce que nous pouvons en percevoir.

La surveillance aérienne n’est pas, de loin, la première technologie à changer notre vision. Les lunettes ont clarifié notre environnement, les télescopes ont réduit les distances, les microscopes nous ont montré qu’il y avait de la vie là où nous ne pensions pas qu’il en avait, les caméras à haute vitesse ont découpé le mouvement en une série de positions statiques. Il n’y a rien d’intrinsèquement insidieux dans le fait d’élargir nos perspectives. Et avec des communautés comme les DIYDrones (en gros, « fabriquez vous-mêmes vos drones »), il est difficile de ne pas ressentir un mélange d’excitation et d’angoisse.

Pour peser ces deux avenirs possibles, il est important de considérer d’abord la trajectoire du développement technologique. Et pour avoir une idée de l’ambition des programmes militaires, il suffit d’aller voir les plans élaborés pour le projet nommé Gorgon Stare, « le regard de la Gorgone ».

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La Gorgone, c’est le monstre de mythologie grecque. Or, des statues de Gorgone étaient souvent placées au sommet des bâtiments ; ceux qui les avaient construits pensant que son regard terrible les protégerait des intrus. C’est ce regard inflexible qui a fait sa légende : la plus célèbre des Gorgones, Méduse, avait le pouvoir de transformer en pierre celui qui croisait son regard.

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Image : le projet Gorgon Stare de la Darpa expliqué par Wired.

La version militaire de ce mythe est autrement terrifiante : on ne peut éviter les yeux des drones. La machine volante en projet comporte des dizaines de caméras qui couvrent jusqu’à 40 kilomètres carrés, intégralement. En comparaison, les drones d’aujourd’hui n’enregistrent les images que d’une seule caméra qui couvre un espace équivalent à la taille d’un bâtiment ou deux. « Le regard de Gorgone pourra couvrir une ville entière, il sera donc impossible à l’adversaire de savoir ce qu’on regarde vraiment. On peut tout voir », explique un militaire.

Compenser ce type de pouvoir militaire exige une décentralisation et une démocratisation radicale de la technologie. De la même manière que la popularité et les capacités de l’ordinateur personnel ont crû à mesure que baissait le prix des processeurs, le nombre de drones personnels augmentera à mesure que chutera le prix des capteurs, ce qui a déjà commencé. Des projets comme Occucopter, conçus par les mouvements Occupy pour documenter les abus de la police, sont une promesse, un moyen de mettre le pouvoir des drones dans les mains des civils. Tout ça allant de pair avec des mouvements Open Source, évidemment. Mais l’impact de la technologie est discutable si les individus et la communauté de ne se l’approprient pas. D’autres technologies n’ont pas rempli leurs promesses, comme le cryptage qui permet d’éviter la surveillance, mais que pas grand monde utilise.

Vidéo : Démonstration de l’Occucopter survollant Oscar Grant Plaza à Oakland : 

C’est donc une erreur de considérer la révolution des drones avec le même optimisme naïf ou techno-utopique que certains l’ont fait lors de la révolution de l’ordinateur personnel. Aucune question n’est posée sur le fait que cette nouvelle technologie est une menace réelle pour nos libertés, mais nous devons accepter qu’elle continue à se développer. C’est aussi une erreur de postuler cyniquement que tout va s’empirant. Les drones domineront le ciel dans un avenir proche, ça, nous le savons. Mais à qui seront ces drones, et s’ils serviront l’intérêt général, ce sont encore des questions sans réponse. »

(Article paru dans Internet Actu.net – Juillet2012)

A propos de l’auteur

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Xavier de la Porte (@xporte), producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission. L’émission du 14 juillet était consacrée aux pratiques culturelles dans l’internet post-Hadopi, en compagnie de Raphaël Suire (@pareto35) enseignant chercheur à l’Université de Rennes I, membre du laboratoire Marsouin et l’un des auteurs d’un Etat des lieux des pratiques légales et illégales en ligne. Elle était également consacrée aux pratiques du web politique en Russie en compagnie de Julien Nocetti (@juliennocetti), chercheur associé au centre Russie de l’IFRI (Institut français des relations internationales) qui vient de coordonner un très intéressant numéro de la revue Politique étrangère : « Internet, outil de puissance » où il signe un article sur les relations entre le web et la politique dans ce pays. L’émission du 21 juillet, dernière de la saison, accueillait Clive Thompson (@pomeranian99), le célèbre éditorialiste du magazine américain Wired. 

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