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révolution technologique et emploi

Quel est l’impact de la révolution technologique sur l’emploi ?

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Le travail demain sera-t-il plus ou moins intéressant, plus ou moins difficile à accomplir – à la fois physiquement, psychiquement et sur le plan cognitif – , plus ou moins intense , … ? Les avancées technologiques permettent et induisent des modifications des modes de production et de distribution de biens et de services avec des conséquences sur l’emploi, le travail et les besoins en compétences. Parce qu’elles transforment les métiers dans leur contenu, parce qu’elles sont-elles mêmes porteuses de nouvelles façons de communiquer, de collaborer ou de coordonner le travail, parce qu’elles sont, également, utilisées par les actifs dans leur journée de travail comme en dehors, la diffusion de nouvelles technologies contribue également à transformer la façon dont le travail est réalisé et vécu.
Le dernier rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), paru fin 2017, établit un diagnostic sur les tendances actuelles observées des pratiques d’organisation du travail et leur lien avec les avancées technologiques ainsi que leurs implications sur les situations des personnes au travail. Synthèse.
 
La révolution technologique bouscule les modèles d’affaires des entreprises et contribue à transformer les usages avec une ampleur inédite. Elle transforme à la fois les façons de produire les biens et les services, de les distribuer, de les consommer, tout cela dans le contexte de profondes transformations sociales.
Si ces avancées remettent au centre de l’actualité une crainte récurrente du chômage technologique, le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) a montré dans le premier tome de son dernier rapport que l’enjeu est moins celui d’une fin du travail que d’une transformation profonde de l’emploi, de sa structure, de sa localisation, et du contenu des emplois.
Il a souligné dans un deuxième tome que cette transformation du contenu des emplois induit celle des compétences attendues des actifs : aux côtés de besoins en compétences expertes associées au développement et à l’utilisation de technologies émergentes, ce sont de nouvelles compétences techniques non-numériques ainsi que des compétences « transversales » – numériques générales, cognitives (littératie, numératie), sociales et situationnelles – qui voient leur rôle considérablement renforcé.
Parce qu’elles transforment les métiers dans leur contenu, parce qu’elles sont-elles mêmes porteuses de nouvelles façons de communiquer, de collaborer ou de coordonner le travail, parce qu’elles sont, également, utilisées par les actifs dans leur journée de travail comme en dehors, les avancées technologiques en cours contribuent également à transformer la façon dont le travail est réalisé. L’étude de cette autre dimension de la transformation actuelle est l’objet de ce troisième tome du dernier rapport.
 
Etudiées séparément pour la clarté de l’analyse, toutes ces évolutions sont concomitantes et surtout, interdépendantes. Ainsi, l’évolution du volume, de la structure et de la localisation de l’emploi dépendra, en partie au moins, de la façon dont les compétences des actifs seront ou non au rendez-vous et de la façon dont elles seront, ou non, mobilisées par les entreprises. De même, la transformation de la façon dont le travail est réalisé influera sur les compétences attendues des actifs et sur les évolutions de l’emploi, et réciproquement.
 
Aux incertitudes qui caractérisent le rythme, l’ampleur et les méthodes de la diffusion des avancées technologiques au sein des entreprises, s’ajoute ainsi celle qui résulte de l’interdépendance des dimensions évoquées ci-dessus. Cela rend les évolutions en cours plus complexes à analyser et à orienter, mais multiplie en même temps les leviers d’action pour faire en sorte qu’elles profitent au mieux aux actifs comme aux entreprises.
 
Avant d’étudier l’évolution des façons de travailler en lien avec le déploiement de nouvelles technologies au travail, il convient d’observer qu’elle est souvent abordée en ne considérant que les seules technologies numériques et en réduisant d’ailleurs leur impact aux seuls sujets du télétravail ou de l’essor de modalités de travail collaboratives à distance. Si ces évolutions sont majeures, parce qu’elles modifient les situations de travail des personnes et requièrent des pratiques de management et d’encadrement renouvelées, elles n’épuisent pas le sujet.
 
La révolution technologique en cours ne se résume en effet pas aux seules technologies de l’information et de la communication et concerne aussi l’élargissement de la portée des technologies d’automatisation : on assiste actuellement à des progrès importants dans les domaines de la robotique autonome et de la robotique collaborative, avec des effets potentiellement importants sur la façon d’organiser la production, ainsi que sur certains aspects des situations de travail tels que la pénibilité physique, dans l’industrie notamment mais pas seulement. Les progrès récents dans le domaine de l’intelligence artificielle ouvrent le champ des possibles en termes d’outillage d’activités cognitives toujours plus variées et complexes, avec là aussi à la clé des opportunités et des risques aussi bien du point de vue de l’entreprises que des salariés.
 
Par ailleurs, l’effet des technologies sur le travail ne transite pas seulement par l’équipement technologique des entreprises : en modifiant leur environnement de marché, les avancées technologiques en cours participent à un renforcement des contraintes auxquelles les entreprises sont soumises. Face à la nécessité d’être toujours plus innovantes et de s’adapter aux exigences de marchés qui évoluent très rapidement et où les exigences de rentabilité sont fortes, mais aussi parce que les aspirations des actifs et des consommateurs se transforment, des entreprises expérimentent de nouvelles façons d’organiser leur activité. Souvent inspirées de pratiques des startups ou d’entreprises du numérique, elles cherchent à mettre en place une organisation moins centralisée, plus collaborative et plus ouverte sur l’extérieur. Contribuant à une hybridation des formes d’organisation du travail entre des formes renouvelées de pratiques tayloriennes anciennes et des formes d’organisation flexibles dites post-tayloriennes, ces évolutions constituent un défi à la fois pour les salariés, leurs managers mais aussi pour les organisations dans leur globalité.
 

Contexte d’analyse

Depuis 2016, le COE a décidé de travailler sur l’impact de la révolution technologique sur l’emploi. Dans le cadre de ces travaux, il a montré que 10% des emplois actuels présentent de grandes vulnérabilités dans un contexte d’automatisation, et que 50% devraient voir leur contenu transformé de manière significative à l’horizon d’une quinzaine d’années : l’enjeu est donc moins celui d’une « fin du travail » que celui d’une transformation massive, profonde et rapide du contenu des emplois. Il a également identifié les leviers de la création d’emplois et montré que les progrès technologiques actuels devraient continuer à favoriser l’emploi qualifié et très qualifié. Il a aussi mis en évidence qu’il convient d’encourager les perspectives de localisation en France de nouveaux emplois ou de relocalisation d’emplois, rendues possibles par la révolution technologique.
 
Dans ce contexte, le COE a identifié les « compétences de demain » qui, en fait, déjà, sont déjà là aujourd’hui :
– des compétences expertes dans les « techs », liées au développement, au déploiement et à la maintenance des technologies ;
– des compétences professionnelles nouvelles intervenant dans le contexte de la transformation des emplois (soit des compétences numériques, soit des compétences professionnelles nouvelles nécessitées par la recomposition des emplois) ;
– et, pour tous les actifs, de trois groupes de compétences transversales (numériques de base ; sociales et situationnelles ; cognitives : maîtrise de l’usage des chiffres et des mots).
Il a aussi montré que la hauteur de la marche qui doit être gravie pour que les Français disposent de ces compétences est haute. Nous sommes en situation pénurique concernant les compétences « tech » (80 000 emplois vacants en 2020) ; concernant les compétences numériques de base : 8 % des actifs français n’en ont aucune et 27 % devraient progresser pour être plus à l’aise ; concernant les compétences cognitives : 13 % des actifs en emploi n’ont pas les compétences de base (numératie et littératie) et 30 % devraient progresser. Et cela sans compter les déficits sur les nouvelles compétences professionnelles demandées dans le cadre de la transformation des emplois.
Le tome 3 de cette étude constitue le dernier volet des travaux engagés depuis l’été 2016 et est consacré à l’organisation du travail et à ses modalités, mais aussi aux situations de travail des personnes.

Champ de l’analyse

Les progrès dans les domaines de l’intelligence artificielle, du big data ou encore de l’Internet des objets bouleversent les stratégies des entreprises en ouvrant de nouvelles possibilités d’outiller la production et les travailleurs mais aussi en participant à la reconfiguration des environnements concurrentiels, sociaux et culturels dans un nombre croissant de domaines d’activités.
A la suite d’une première vague d’innovation numérique jusqu’aux années 2000 qui avait déjà contribué à diversifier et à perfectionner les technologies à disposition des entreprises, au moins trois grandes tendances récentes peuvent être mises en avant :
– avec leur numérisation de plus en plus poussée et sophistiquée, un élargissement de la portée des technologies d’automatisation qui permettent de remplacer les travailleurs dans la réalisation de tâches de plus en plus variées et complexes ;
– un accroissement des possibilités techniques de soutien, aussi bien pour la réalisation de tâches physiques que cognitives ;
– une capacité de mise en réseau toujours accrue de l’ensemble des moyens et des personnes impliqués dans la chaîne de valeur.
 
Deux grands bouleversements de l’environnement concurrentiel induits par la révolution numérique contribuent à remettre en question les modèles d’affaires traditionnels et les stratégies des entreprises : l’émergence de nouveaux entrants ou de nouveaux acteurs du numérique qui bousculent des secteurs relativement protégés jusque-là et un basculement des sources de création de valeur ajoutée vers le développement de services prenant appui sur le traitement de données massives.
C’est en réponse à ces mutations de l’environnement technologique et concurrentiel, mais aussi aux évolutions des aspirations des consommateurs et des actifs, que bon nombre d’entreprises s’interrogent sur leur positionnement et par là même sur leur organisation de la production et du travail. Cela les conduit à expérimenter et diffuser en leur sein de nouvelles méthodes d’organisation avec des conséquences importantes sur le contenu des emplois et les situations de travail des personnes.
 
Le rapport estime que les effets de la révolution technologique sur le contenu du travail et la façon de travailler sont si vastes et interdépendants qu’ils imposent un cadre d’analyse global, aussi bien concernant l’entreprise que les personnes au travail. Ainsi :
– il a retenu une approche de l’organisation du travail élargie, c’est à dire non seulement l’organisation de l’entreprise et de ses périmètres d’activité (externalisation) mais aussi l’organisation de la production et l’organisation du travail stricto sensu (division, coordination, gestion) ;
– il a considéré qu’il convenait de couvrir, non seulement les conditions de travail au sens classique du terme, la qualité de vie au travail mais aussi le contenu du travail et les compétences nécessaires pour l’effectuer. Pour désigner toutes ces dimensions, le rapport mobilise le concept englobant de « situation de travail » car ce sont bien l’ensemble de ces dimensions qui sont impactées par la révolution technologique actuelle.

Diagnostic – Les modes d’organisation du travail

Une étude quantitative conduite par le COE montre le lien entre progrès technologique et des modes d’organisation qualifiés de « flexibles ».
Afin d’obtenir une quantification de la diffusion de pratiques d’organisation flexibles ou post-tayloriennes, mais aussi pour objectiver la relation entre ces formes d’organisation et l’utilisation des technologies numériques par les salariés, le Conseil produit des analyses chiffrées, à partir de données récentes, démontrant qu’il y a un lien entre la numérisation de l’entreprise et le recours aux dispositifs organisationnels que sont la décentralisation du pouvoir décisionnel, les équipes de travail autonome, ou encore le juste-à-temps et à tester leur lien, s’il existe, avec l’utilisation des technologies numériques.
 
Comparaison de la part d’établissements mettant en place certains dispositifs organisationnels « flexibles » selon leur degré de numérisation
 
 
Lecture : La proportion des établissements ayant mis en place des équipes autonomes parmi les établissements présentant un degré de numérisation élevé (au moins la moitié des salariés utilisent les technologies numériques) est 2,6 fois supérieure à cette même proportion dans l’ensemble des établissements peu numérisés (moins de 10 % des salariés utilisent ces technologies).
Source : Enquête « Conditions de travail » de la DARES, vague 2013, volet employeurs. Traitement COE.
 
Le lien entre ces modes d’organisation et le déploiement du numérique progresse avec la taille de l’établissement : plus l’établissement est grand, plus ce lien est significatif. Mais attention : c’est seulement dans le secteur de l’industrie que cette « complémentarité d’usage » se manifeste pour tous les dispositifs organisationnels étudiés.
 
Mais il n’y a pas de déterminisme technologique : la révolution technologique va de pair avec une coexistence de dispositifs organisationnels préexistants et innovants, entre entreprises mais aus-si au sein même des entreprises
On observe ainsi actuellement à la fois :
-des modes d’organisation actuellement présentés comme « nouveaux » mais qui s’analysent souvent comme des approfondissements et un renouvellement de pratiques post-tayloriennes théorisées et mises en œuvre dans les années 1980 (plusieurs pratiques sont analysées dans le rapport : l’organisation horizontale, l’entreprise libérée, l’entreprise apprenante, l’intrapreneuriat, l’innovation participative, etc.) ;
-des pratiques néo-tayloriennes poussées plus loin par les avancées technologiques, qui permettent d’aller encore plus loin dans la codification et la standardisation des tâches, le contrôle de la perfor-mance individuelle ou collective (le rapport produit plusieurs analyses de cas, par exemple le guidage par commande vocale ou voice picking, les systèmes informatiques embarqués, etc.).
Plus qu’à un bouleversement radical des modes d’organisation, on assiste en fait plutôt à un tâtonnement des entreprises qui cherchent, y compris en expérimentant, la meilleure façon d’adapter leur organisation du travail à la nouvelle donne économique. Il résulte de ces expérimentations une coexistence de ces grandes logiques – parfois contradictoires – au sein même des entreprises.
 
Des effets ambivalents de la numérisation et l’automatisation sur les situations des personnes au travail
 
Analyse des principaux travaux quantitatifs et qualitatifs
Les travaux quantitatifs analysés dans le rapport permettent, à partir des enquêtes disponibles, de mettre en évidence de grandes tendances actuelles des situations de travail entretenant un lien direct ou indirect avec la révolution technologique en cours. Il s’agit d’un éclatement des configurations spatio-temporelles traditionnelles du travail ; d’une intensification de la coopération et de la collaboration, en interne comme en externe ; d’une transformation des contrôles (plus nombreux et surtout plus indirects) ; d’une baisse des contraintes physiques et d’un surcroit de contraintes psychiques. Ils montrent que l’utilisation du numérique conduit au renforcement des situations d’isolement des non utilisateurs.
Ces travaux retiennent le plus souvent une approche à la fois segmentée en sous-dimensions des situations de travail et ciblée dans une logique d’appui des politiques de santé et de sécurité au travail. Si cette approche est utile, elle se révèle pour partie inadaptée, et en tous cas insuffisante, pour capter la diversité des effets potentiels directs ou indirects des avancées technologiques sur le travail.
 
L’étude quantitative du COE
Pour cette raison, le COE a cherché à obtenir une vision moins fragmentée et moins partielle des évolutions des situations de travail pour les personnes et de la contribution des technologies à ces dernières. En particulier, trois indicateurs transversaux, qui rassemblent chacun des sous-dimensions des situations de travail, sont retenus : l’intérêt, la complexité et l’intensité du travail.
Elle met en évidence que la probabilité de juger son travail intéressant, complexe et intensif augmente avec un usage plus intensif du numérique. Cette contribution du numérique se vérifie jusqu’à une certaine part du temps de travail (autour de 60 à 80 % du temps selon le cas en moyenne). Au-delà, la contribution du numérique devient négative pour l’intérêt et l’intensité du travail, et stable pour sa complexité. Ces constats globaux se vérifient, avec des nuances, lorsqu’on procède à cette analyse selon le niveau de qualification, la catégorie socio-professionnelle et l’âge.
 
Contribution du numérique à l’intérêt, la complexité et l’intensité du travail
 
 
Lecture : En 2013, la probabilité d’exercer un travail très intéressant est égale à 41 % si l’on n’utilise pas les moyens de l’informatique (ordinateur fixe ou portable, téléphone portable/smartphone, boîte mail, Internet, Intranet). Cette probabilité augmente au fur et à mesure que s’accroît le temps par semaine d’utilisation de ces moyens, jusqu’au troisième quartile, pour baisser de nouveau ensuite (en demeurant toutefois au-dessus de la valeur de la probabilité estimée pour le premier quartile).
Source : Enquête Conditions de Travail, DARES. Vague 2013. Traitement COE
 
Les analyses qualitatives concordent pour montrer que les effets des technologies sur les conditions effectives de réalisation du travail dépendent largement, non seulement de l’objectif que l’organisation leur donne (est-ce que les technologies sont utilisées pour soutenir la réalisation d’un travail intense et complexe ou bien pour se substituer à l’homme ou le contrôler, ou les deux) et des modalités d’organisation associées. Elles dépendent aussi des usages préexistants et des éléments qui influencent la façon dont elles sont effectivement utilisées au travail (la technologie est-elle acceptable ? répond-elle à un besoin ? Fait-elle sens pour l’utilisateur ?).
 
Organisation et situations de travail : opportunités et risques pour les entreprises et les actifs
 
Les technologies peuvent avoir des effets positifs ou négatifs pour l’entreprise et les personnes. Les effets positifs escomptés a priori sont très importants mais ils ne vont pas de soi. Modifier la manière de produire et de travailler induit aussi des risques pour l’organisation et les personnes si toutes les conséquences de l’introduction des technologies n’ont pas été anticipées et pensées.
Partant, le rapport dresse un panorama de l’ensemble des conséquences possibles envisageables à ce stade des technologies actuelles – à la fois celles qui sont bien identifiées dans les enquêtes, mais aussi de celles qui le sont parfois moins, qu’elles soient anciennes ou plus émergentes.
En se fondant sur l’étude de cas concrets d’introduction de nouvelles technologies ou de changements organisationnels, le rapport identifie les conditions favorables à l’amélioration combinée de la performance économique de l’entreprise et des situations de travail des personnes. Ces leviers, dépendant d’un cadre règlementaire structurant, intéressent d’abord l’entreprise dans sa capacité à concevoir, mettre en œuvre et accompagner les changements.
 
Des innovations technologiques et organisationnelles moteurs potentiels d’amélioration de la performance et des capacités d’innovation pour les entreprises
 
Tableau : Des opportunités et des risques des pratiques néo-tayloriennes et post-tayloriennes développées par les entreprises pour tirer le parti de la révolution technologique en cours
 
 
Des innovations technologiques et organisationnelles sources possibles d’amélioration des situations des personnes au travail
 
L’analyse des innovations technologiques et organisationnelles montre, à la fois a priori et a posteriori, que leurs effets ne sont pas univoques et peuvent même être contradictoires :
– enrichir le travail et le rendre plus intéressant mais aussi dans certains cas l’appauvrir et le vider de son sens ;
– réduire les efforts physiques et les postures contraignantes mais aussi, déplacer les contraintes ou augmenter le niveau d’attention cognitif et la complexité du travail ;
– rendre le travail plus intense – en particulier les contraintes de rythme – ou donner plus de liberté en favorisant une meilleure gestion du temps de travail par la personne ;
– encourager l’autonomie mais aussi les contrôles ;
– rendre plus flexible l’organisation des lieux et du temps de travail ;
– intensifier la coopération et la collaboration au sein de l’entreprise et les partenaires extérieurs ou au contraire isoler.
 
Comment tirer le meilleur parti de la révolution technologique en cours, pour les entreprises et les actifs, par le dialogue social
 
Le rapport identifie des conditions dans lesquelles l’innovation technologique peut être intégrée dans des pratiques organisationnelles bénéfiques à la fois pour l’entreprise et pour la personne. Bien sûr derrière ces « bénéfices mutuels » se cachent des compromis, des périodes de transition, en particulier quand des situations de travail contrastées coexistent au sein de la même entreprise ou d’une même fonction.
 
Ces « conditions favorables », détaillées dans le rapport, relèvent d’acteurs différents. L’entreprise bien sûr, à ses différents niveaux – direction (stratégie globale), équipe (management intermédiaire), individuel (manager et personnes), partenaires sociaux – mais aussi l’Etat – à la fois comme législateur pour fixer un cadre mais aussi comme acteur pour orienter des politiques publiques et les acteurs sociaux. La nécessité de repenser le management fait l’objet d’une analyse approfondie dans le rapport.
Le Conseil estime que le dialogue social constitue le levier essentiel pour accompagner la définition de la stratégie des entreprises et permettre l’indispensable appropriation collective des enjeux avec toutes ses conséquences en termes d’évolution des métiers, d’organisation du travail, de contenu du travail et des situations de travail.
C’est ainsi notamment que la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui se révèle particulièrement adaptée aux enjeux, doit enfin trouver toute sa place. Trop souvent cantonnée à une logique de gestion à relativement court terme de l’emploi, elle doit trouver sa vocation prévisionnelle pour traiter les implications de la transformation numérique sur l’évolution des emplois et des métiers et sur celle des compétences en lien avec la nécessaire évolution des modes de management.
 
Pour tenir compte, tout à la fois, du caractère incessant de la transformation technologique et du contexte de grande incertitude qui l’accompagne, il faut, d’une part, s’accorder sur une stratégie globale et partagée prenant en considération, tant les objectifs, les conditions et les résultats attendus de la transformation que la multiplicité et la diversité des conséquences sur le contenu du travail et ses modalités de réalisation.
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit, d’autre part ,s’enrichir d’outils et indicateurs de suivi, d’adaptation et d’action en continu. C’est indispensable si l’on veut anticiper et accompagner dans les meilleures conditions ces évolutions en cours, même si la tâche est ardue dans un contexte où la visibilité des entreprises tend à se réduire et où les plans stratégiques voient leur horizon temporel se raccourcir. A cet égard, l’une des premières exigences est de mieux identifier les métiers et les compétences de demain. Pour cela, la branche occupe une place importante, notamment au travers des observatoires de branche et de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
 
Mais cette nécessaire réflexion partagée sur l’emploi et les compétences n’épuise pas le débat. Au-delà de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, c’est aussi un nouveau dialogue sur le travail, son organisation, son contenu, sa plasticité de plus en plus grande qui apparait désormais nécessaire dans l’entreprise. A cet égard, ce nouveau dialogue doit porter, non seulement sur les thèmes déjà peu ou prou investis par la négociation collective et généralement associés au sujet de la « qualité de vie au travail », mais plus largement sur les questions fondamentales d’ordre déontologiques, voire éthiques, appelées à régir l’avenir du travail et les moyens tendant à assurer une « bonne complémentarité » homme machine, qui reste encore à organiser.
En la matière, et parallèlement à la démarche de « tâtonnement » qui accompagne la diffusion des nouvelles technologies dans beaucoup d’entreprises et d’environnements de travail, la plus-value du dialogue social est aussi de permettre d’expérimenter et de développer les régulations de demain et de s’assurer de leur appropriation effective par l’ensemble de la communauté de travail.
 
Pour conclure, ce rapport montre donc que, par-delà la diversité des situations de travail, les technologies transforment bien le travail : plus les salariés français travaillent dans des univers numériques, plus leur travail devient en moyenne, à la fois, intéressant, complexe et intense. Cependant, lorsque le numérique est utilisé presqu’à temps plein, cette progression s’interrompt, voire s’inverse. Mais le travail demeure toutefois plus intéressant que lorsqu’il n’est pas numérisé.
Au total, les avancées technologiques changent bien la donne dans les entreprises mais ne sont pas plus associées à un modèle type d’organisation qu’à une évolution uniforme des situations de travail. Elles comportent des opportunités, mais aussi des risques, tant pour les entreprises que pour les actifs.
Sur la base de ce diagnostic, le dialogue social constitue le levier essentiel pour accompagner la mutation numérique dans les entreprises avec toutes ses conséquences en termes d’évolution des métiers, d’organisation du travail, de contenu du travail et des situations de travail.
 

 
Méthode – Sources d’information de l’étude
Dans un contexte de grande incertitude, le Conseil a voulu multiplier les sources d’information. Nous avons mobilisé :
-les résultats de travaux quantitatifs et qualitatifs en économie, en théorie des organisations ou en-core en sociologie ;
-les résultats de deux études quantitatives réalisées au sein du secrétariat général du Conseil ;
-l’analyse de cas tirés d’accords d’entreprises, d’auditions de responsables des ressources humaines ou de la transformation numérique dans des entreprises ;
-et les réponses des OPCA aux questionnaires que leur a adressés le Conseil.
 
Les Tomes 1 et 2 du rapport sont sur le site www.coe.gouv.fr
 

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