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Hommage à Frank Gehry, maître sans école et esprit libre

La Cité de l’architecture et du patrimoine annonce avec émotion la disparition de Frank Gehry, survenue le 5 décembre 2025. Architecte iconoclaste, lauréat du Pritzker Prize, pionnier du design numérique, il a marqué son époque par une œuvre libre, poétique et radicalement inventive, devenue une référence pour des générations d’architectes. Né en 1929 à Toronto, l’architecte américano-canadien a transformé la discipline par son approche expérimentale, l’usage précurseur de l’ordinateur et des bâtiments devenus icônes du paysage contemporain. Visionnaire de l’architecture contemporaine, il laisse derrière lui un paysage mondial marqué par ses formes audacieuses et sa pensée créatrice.

Reconnu pour son approche expérimentale et son audace architecturale, il développe très tôt un intérêt pour l’innovation formelle. Après l’obtention de son diplôme d’architecture à Los Angeles, il poursuit son apprentissage dans les agences Welton Becket & Associates puis Victor Gruen Associates. En 1961, il travaille à Paris chez l’architecte André Remondet. De retour aux États-Unis, il ouvre sa propre agence Frank O. Gehry and Associates Inc. en 1962 à Los Angeles.

Vitra Design Museum, Weil am Rhein, Allemagne (1989) par Frank Gehry.© Photo by Sabine Simon/ullstein bild via Getty Images

Proche de l’avant-garde californienne des années 1970, il expérimente de nouveaux principes d’écriture architecturale, notamment par le détournement de matériaux bruts et industriels. Ces principes sont appliqués de manière emblématique dans la maison-atelier Danziger (1965), la Gehry Residence (1978) à Santa Monica, ou encore la série de mobilier en carton Easy Edges (1972).

Chaise « Wiggle » de Frank Gehry, 1972 – Nouveau type de mobilier à partir du carton utilisé pour réaliser des maquettes d’architecture.

Par la suite, Frank Gehry devient l’un des pionniers de l’usage de l’ordinateur dans la conception architecturale. Avec l’adaptation du logiciel CATIA, développé par Dassault Systèmes pour les secteurs aéronautique et automobile, il parvient à associer technologie et création architecturale. Il invente ainsi de nouveaux outils au service de sa pratique appliqué dans des projets tel que le musée Guggenheim de Bilbao (1997) ou le Walt Disney Concert Hall (2003) à Los Angeles.

En France, il réalise plusieurs projets majeurs tels que le Festival Disney (1992) à Marne-la-Vallée, l’American Center (Paris 12ᵉ, 1993), devenu la Cinémathèque française en 2005, la Fondation Louis Vuitton (Paris 16ᵉ, 2014), ainsi que la Tour Luma pour la Fondation Luma à Arles (2021).

Vue de la fondation Louis Vuitton depuis le Jardin d’acclimatation de Paris 16ᵉ – Frank Gehry, 2014

En 2005, la revue Portrait de ville, édité par la Cité de l’architecture et du patrimoine, dédie son numéro à Los Angeles sous la direction de l’architecte et historien Jean-Louis Cohen. Il revient sur les débuts de cet architecte iconoclaste dans un texte intitulé « Frank Gehry, maître sans école ».

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Frank Gehry : Walt Disney Concert Hall Walt Disney Concert Hall, Los Angeles, designed by Frank Gehry, 2003

Lauréat du Pritzker Prize en 1989, du Praemium Imperiale pour l’architecture en 1992 et d’autres distinctions internationales, Frank Gehry laisse une œuvre qui a profondément marqué la communauté architecturale et bien au-delà.

GEHRY, Maître sans école, par Jean-Louis Cohen, architecte et historien

Extrait de la revue « Portait de ville – Los Angeles » éditée par la Cité de l’architecture et du patrimoine, juin 2005

« L’atelier du graphiste Lou Danziger (1965), construit sur Melrose Boulevard par le jeune Frank Gehry, reflète pour Reyner Banham la problématique de Moore, « dans ses intentions, sinon dans ses formes ». Banham a la perspicacité de voir dans ce cube abstrait une démarche qui « non seulement réaffirme la validité de la boîte enduite comme architecture angelena, mais le fait d’une manière qui mérite l’attention internationale ». C’est en fait le « cycle ouvert par Schindler » qui est retrouvé, avec « autant d’habileté que d’autorité ».

Élève de Rafael Soriano à l’Usc, puis dessinateur chez Victor Gruen, Gehry retient de ses expériences à Toronto et à Chicago et de son passage à Paris un sens particulier de l’urbain, qui se révélera peu à peu dans ses réalisations lorsqu’il crée son agence en 1962. Proche de la scène artistique de Los Angeles, il construit à Malibu la maison de Ron Davis (1972), grand loft planté dans le paysage, dans lequel il poursuit le jeu avec les techniques constructives vernaculaires, engagé avec l’atelier Danziger. Ce jeu atteint son paroxysme à la fin des années 1970. Sa propre maison à Santa Monica (1978 et 1987) semble ainsi faire écho à la maison Eames. Ce ne sont plus les techniques industrielles modulaires qu’il utilise pour envelopper un bungalow existant, mais des matériaux triviaux et omniprésents à Los Angeles, comme le grillage, l’ossature bois et le contreplaqué. L’envers de la construction angelena est aussi montré sans complexe dans les maisons Norton et Spiller et dans les ateliers d’Indiana Avenue à Venice (1981).

En dépit de la lecture quelque peu paranoïaque qu’a faite Mike Davis de la Frances Howard Goldwyn Library à Hollywood (1985), dont l’aspect fortifié et le dispositif intérieur panoptique sont considérés comme répressifs, les œuvres de Gehry ponctuent la ville en en proposant un commentaire à chaque fois différent. Son premier coup d’éclat est la réurbanisation du type du centre commercial, qu’il accomplit avec le Santa Monica Place (1981), amorce de la revitalisation du centre d’une ville alors comme endormie dans sa quiétude de résidence pour retraités. L’ossature blanche donne à l’intérieur une prééminence à l’architecture sur les signes commerciaux, contrairement à la pratique courante. À l’extérieur, le supergraphisme produit par le grillage enveloppant le parking rapproche le bâtiment des images proposées par le Pop Art.

Ses réalisations des années 1980 se fondent sur un syntagme urbain. Le petit campus de la Loyola Law School (1984) est axé sur une place de village, mais fermé sur lui-même comme pour résister à la menace d’un quartier réputé « dangereux ». Les boutiques Edgemar (1989) s’ouvrent latéralement sur la Main Street de Santa Monica, se signalant au loin par les superstructures en tôle et en grillage de leurs tours et proposant un parcours sinueux à l’intérieur de l’îlot, navigation pittoresque rappelant la bonne connaissance que Gehry avait des analyses de Camillo Sille. A l’échelle domestique, la maison Schnabel (1990), construite à pic sur un canyon de Brentwood, pousse à l’extrême le principe villageois, chacune de ses pièces formant un volume isolé, et tous se groupant autour de la coupole à l’accent slave du bureau.

Les musées permettent à Gehry de proposer différentes figures sculpturales. Le California Aerospace Museum (1984), à Exposition Park, plaque une configuration plastique sur une boite conventionnelle, utilisant un avion suspendu comme enseigne. Surtout, le Temporary Contemporary (1983), aménagé en attente du nouveau MOCA, donne à un grand hangar sans qualités, par le simple renforcement visuel de certains de ses éléments structurels en acier, une identité forte que confirmeront par la suite toutes les expositions qui s’y tiendront, car il sera en définitive conservé. Le rapport de Gehry avec l’art contemporain trouve son expression dans son projet pour l’agence de publicité Chiat & Day à Venice (1991), où il réalise une idée de son ami Claes Oldenburg : construire un édifice en forme de jumelles. Celles-ci forment le portique d’entrée d’un bâtiment triple, dont la fonction communicative n’échappe pas au passant.

Avec l’usure de la thématique post-moderne, Jencks invente en 1989 le concept d’hétéroarchitecture » pour rendre compte du pluralisme culturel, en écho à l’ « hété-ropolis » qu’il croit rencontrer en Los Angeles. La mixité formelle qu’il recense alors se rencontre à la fois dans les architectures populaires des différentes communautés et dans l’apparition de nouvelles problématiques dépassant, à partir des années 1970, l’académisme du moderne tardif pratiqué par les grandes agences de Los Angeles. Parallèlement à l’action de Moore à l’UCLA, le Southern California Institute of Architecture (ScI-ARC), nouvelle école créée par Raymond Kappe en 1972, permet alors le regroupement des architectes attachés à un retour critique aux racines du moderne et à la recherche de nouveaux langages. Il accueille une génération de jeunes enseignants formés dans l’agence ou à l’exemple de Gehry, et dont l’œuvre a depuis débordé les limites de Los Angeles. »

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