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L’Europe peut-elle nous sortir de l’impasse des COP ?

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A l’ouverture de la COP 25, on nous ressert une fois de plus les mêmes courbes, variantes modernes de la pancarte suspendue chez le coiffeur : demain on rase gratis. Une seule région du monde réunit à la fois la capacité potentielle de dépasser les souverainetés nationales, les capacités de créativité et la responsabilité historique d’avoir inventé la révolution industrielle et sa dépendance radicale, congénitale, à l’égard de la croissance économique et des énergies fossiles. Cette région, c’est l’Union Européenne. Et face aux impasses des COP successives, l’Union doit prendre l’initiative du rationnement de l’énergie.

Comment ne pas éprouver un sentiment de grande colère à la lecture de la dixième édition de l’ « Emissions gap report » du programme des Nations-Unies pour l’environnement ?

En décembre 2015, au moment où il était de bon ton de célébrer la signature de l’Accord de Paris sur le climat, où beaucoup faisaient comme si la planète était sauvée, j’avais publié un billet blog bien plus réservé intitulé : « l’accord de Paris, une schizophrénie ouvertement assumée ». Je ne sais pas en effet s’il existe dans l’histoire d’accords internationaux plus schizophrènes que celui-là, où l’on met bout à bout des engagements nationaux volontaires dont la somme met sur une trajectoire d’augmentation des températures moyennes de plus de 3° à la fin du siècle et l’engagement « collectif » – c’est-à-dire n’engageant personne – de limiter ce réchauffement bien en dessous des 2°.

Ni la question des dispositifs à prendre au plan mondial pour assurer à la fois diminution des émissions et justice climatique, ni la question fondamentale de la responsabilité des acteurs, en particulier des Etats et des plus grandes entreprises, à l’égard des dérèglements climatiques n’étaient posées. Comme si la question de la survie de l’humanité ne justifiait pas que l’on remette en cause les dogmes solidement établis de la souveraineté des Etats ou de la responsabilité limitée de chacun ; comme si l’on pouvait mettre de côté la formule frappée du coin du bon sens d’Albert Einstein selon laquelle on ne peut espérer résoudre un problème avec les mêmes hypothèses qui lui ont donné naissance !

Le résultat est là sous nos yeux. Sans appel. On chercherait vainement à voir sur la courbe des émissions de gaz à effet de serre une quelconque inflexion liée aux accords de Paris, pas plus d’ailleurs qu’une inflexion liée aux grandes conférences mondiales précédentes. En quarante ans, seuls les chocs pétroliers et les crises économiques ont été en mesure de freiner notre course vers le vide. Et l’on en viendra peut-être, dans une décennie, à constater ce paradoxe amer : la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, si elle tourne mal et entraîne, comme c’est probablement le cas, un ralentissement économique mondial, fera du Président des Etats-Unis qui a dénoncé les accords de Paris celui qui aura fait le plus en faveur de la planète !

Le plus rageant dans tout cela c’est la répétition année après année des mêmes discours. Comme le titre le journal Le Monde dans son édition du 27 novembre : « Climat : une action drastique s’impose pour éviter le pire », on nous ressert une fois de plus les mêmes courbes, variantes modernes de la pancarte suspendue chez le coiffeur : demain on rase gratis. A la courbe qui, depuis cinquante ans, affiche avec une régularité imperturbable la croissance des émissions succède subitement une rupture formidable faisant plonger les émissions de manière à effectivement se situer sur une trajectoire d’émissions permettant de contenir le réchauffement en dessous de 2° ou  sur une trajectoire permettant de ne pas dépasser un réchauffement de 1,5°.

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De décennie en décennie, c’est exactement le même dessin qui nous est resservi : l’inflexion radicale, c’est pour demain. La seule chose qui change, c’est la pente de la courbe : d’autant plus raide que le temps passe. Alors bravo, une action drastique s’impose, qui en doute ? Mais menée par qui ? Avec quels outils économiques ? Motus et bouche cousue.

Il est temps de hurler à l’escroquerie criminelle. Assez d’un discours volontariste en appelant aux Etats ! Assez de l’illusion de l’action par les prix ou même en invoquant de façon purement abstraite l’intérêt de laisser dans le sol les ressources d’énergie fossile. Les majors de l’énergie ne s’y trompent d’ailleurs pas. Ils n’ont jamais pris au sérieux les discours des gouvernements. Assez d’appels à la magie pour sauver une humanité incapable de trouver en elle-même la volonté politique et la créativité nécessaire pour mettre en place de véritables réponses. Assez d’incantations car l’inconscience et la paresse sont devenues, au sens strict du terme, génocidaires.

Une seule région du monde réunit à la fois la capacité potentielle de dépasser les souverainetés nationales, les capacités de créativité et la responsabilité historique d’avoir inventé la révolution industrielle et sa dépendance radicale, congénitale, à l’égard de la croissance économique et des énergies fossiles. Cette région, c’est l’Union Européenne.

Les belles courbes d’inflexion radicale des trajectoires d’émissions invitent à un raisonnement aussi visible que le nez au milieu du visage : elles nous disent le plafond des émissions annuelles à ne pas dépasser année après année, donc le rationnement global de l’usage de l’énergie fossile à répartir selon des règles respectueuses de la justice climatique entre Nations, puis entre territoires, puis entre ménages. Et l’introduction de l’euro est encore suffisamment récente pour rendre l’Union Européenne peut-être plus capable que d’autres régions du monde de comprendre que ce rationnement crée automatiquement une monnaie énergie à part entière, d’autant plus facile aujourd’hui à mettre en œuvre que la monnaie électronique s’est généralisée.

On nous parle sans arrêt de l’apport possible des nouvelles technologies pour résoudre les problèmes de l’humanité, nous entretenant dans le sommeil béat du bon peuple auquel on répète décennie après décennie : dormez, bonnes gens ! les scientifiques veillent sur vous et de nouvelles avancées de la science permettront de corriger les déséquilibres et catastrophes induits par les avancées précédentes. Mais quand on nous parle d’avancées technologiques on ne pense qu’à la capture du CO2, à l’efficacité des batteries ou à l’adaptation des plantes à la sécheresse et à l’augmentation des températures. Ce faisant, on ne regarde pas dans la bonne direction. Les technologies peuvent nous rendre un grand service mais en permettant de gérer le rationnement ou d’assurer la traçabilité des consommations d’énergie tout au long des filières mondiales de production.

Quant au droit, l’Union Européenne a montré avec la Convention européenne des droits de l’homme puis avec l’élaboration d’un droit européen assorti de marges d’interprétation nationale pour l’adapter à chaque tradition, qu’un droit transnational, un droit commun mondial était possible, et n’était pas le fruit de l’imagination enfiévrée de quelques utopistes impénitents. La nécessité s’en impose, les chemins s’en dessinent.

J’entends déjà les éternelles objections : seule une initiative mondiale est concevable, ou encore « ne pénalisons pas les entreprises européennes ». Il est facile d’y répondre. Certes l’Europe, comme le montre sa dépendance à l’égard des Etats-Unis pour sa défense, est un nain politique. Elle n’en dispose pas moins du plus grand marché unifié mondial même si elle n’a pas su jusqu’à présent faire bon usage de son formidable pouvoir de marché. A l’opposé d’une taxation du carbone sur le marché intérieur, qui a pour effet mécanique de reporter sur d’autres pays les activités énergivores, ou de la taxation du carbone aux frontières, qui fera naître des débats sans fin sur sa compatibilité avec les traités internationaux de commerce, le contingentement intègre automatiquement l’énergie grise, incorporée dans les produits et services que nous importons, et pousse automatiquement à une relocalisation de l’activité économique en donnant cette fois une prime non au moins disant énergétique et environnemental mais au contraire au mieux disant.

Si, pour reprendre le titre du Monde, une action drastique s’impose pour éviter le pire, cette action doit être recherchée du côté des nouveaux mécanismes économiques, le contingentement et la monnaie, et du côté du droit de la responsabilité. Seul consensus universel : le temps presse. La mise en place du nouveau Parlement et de la nouvelle Commission Européenne, la Convention démocratique promise par Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron pour refonder le projet européen, tout cela crée une opportunité politique qui pourrait bien ne jamais se reproduire.

Le Parlement européen vient de voter l’état d’urgence climatique. C’est la première étape. Elle doit déboucher très vite sur la seconde : la définition des réponses à apporter à cette urgence. La Commission doit soumettre prochainement un « green new deal européen ». Le Parlement français de son côté devra débattre des conclusions du panel de citoyens sur le climat. Autant de circonstances qui imposent à nos responsables politiques un devoir absolu d’audace. Si l’on persiste à vouloir mettre le vin nouveau du défi climatique dans les vieilles outres du signal prix, de la responsabilité limitée et de la souveraineté, conformément à l’adage, l’outre éclatera et le vin sera perdu.

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