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L’alerte écologique va-t-elle retourner le système industriel ?

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La jeunesse est à cran. Ce vendredi 15 mars, le sauvetage écologique sera sur toutes les banderoles des jeunes en grève pour le climat. Les scolaires seront rejoints par les étudiants du Manifeste pour un réveil écologique. Des universitaires et scientifiques rejoindront leur marche comme ils l’ont annoncé le 5 mars dernier. Et samedi 16 mars 140 associations appellent à une nouvelle marche pour le climat… Ainsi se concrétise un tournant intergénérationnel qui s’incarne en France jusque dans La Bascule, mobilisation soutenue par Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d’avenir. Il s’agit bien de retourner le système en ciblant autant les dirigeants d’entreprises que les politiques. Sommes-nous en train d’assister à un front cohérent, apte à mettre à genou des logiques d’entreprises mortifères, à réformer des enseignements dépassés et à réinventer la politique ?
 
« Je ne viendrai pas travailler chez vous, si vous tournez le dos à l’écologie » : Le 7 mars, les étudiants du Manifeste pour le réveil écologique lancé à l’automne 2018, ont réitéré leur « menace de boycott » lors du grand débat qu’ils ont organisé à l’ECSP Europe, face à trois Ministres et secrétaire d’Etat, François de Rugy, Frédérique Vidal et Brune Poirson : « J’aimerais que vous soyez conscients de la frustration que nous avons, a insisté une élève d’HEC. Pourquoi donc cela ne change pas ? Pouvez-vous cesser de vous renvoyer la balle ? ».
En tant qu’étudiants, futurs diplômés et jeunes travailleurs, ils ont pu les interpeller sur la nécessité d’une véritable transition écologique. Car si les échanges avec les invités témoignent d’une implication de chacun sur le sujet, ils sont également symptomatiques du décalage entre les actions déjà engagées et celles qu’il conviendrait de mettre en place. La frustration qui gagne la jeunesse est aisément compréhensible à la vue de ce débat : paradoxalement, ce sont les étudiants qui prennent à bras le corps la tâche difficile de faire comprendre à leurs aînés qu’ils n’agissent pas à la mesure du problème. Les étudiants d’aujourd’hui n’auront pas le temps d’atteindre les postes à responsabilité pour éviter la catastrophe, et il apparaît évident que les personnalités présentes disposent d’une marge de manœuvre encore inexploitée.

Alors que le ministre de la transition écologique et solidaire déclinait l’ensemble des transformations à accomplir (dans les systèmes énergétiques, les modes de production, les raisonnements, les représentations), quatre responsables industriels tentaient de dire ce qu’ils entreprennent pour changer de braquet. Mais Gilles Vermot-Desroches (directeur développement durable chez Schneider Electric), Philippe Luscan directeur industriel chez Sanofi, Carole Le Gall, CEO de la Business Unit France networks d’Engie et Marie-Claire Daveu, en charge de la soutenabilité chez Kering, n’ont pas convaincu. Certes, ils ont fait état de l’intégration des préoccupations sanitaires et sociales dans les stratégies d’entreprises mais les jeunes rassemblés savent que l’ADN des entreprises reste focalisé sur le seul profit monétaire.
 
Alors ils interrogent : peut-on s’organiser pour prévoir aussi des profits en terme de santé, de qualité de vie, de propreté de l’eau, de l’air, … ? demande Charlotte. Quel serait un business model pour la sobriété ? lance Matthieu. Peut-on créer des indicateurs qui encouragent les transitions sociales et environnementales ? questionne Nadia. François de Rugy entend la quête d’une génération désormais sur le qui-vive : « Nous devons piloter des destructions d’activités (liées au charbon notamment) pour développer des énergies renouvelables. Le point critique à discuter est de savoir quel degré de contrainte on veut s’appliquer à nous-mêmes collectivement, insiste le Ministre. Car ce n’est pas comme arrêter de fumer : il n’y a pas de bénéfice direct pour celui qui fait baisser son empreinte carbone. C’est l’intérêt général qui est visé ».
 
A l’étranger, la mobilisation étudiante prend de l’ampleur. « On a été contacté par des étudiants d’Allemagne, du Royaume-Uni, de la Suède, relate Corentin Bisot, élève-ingénieur en troisième année de l’X qui a été à l’origine du Manifeste. Ils ont repris notre Manifeste et la même charte graphique pour lancer le mouvement ». En Australie, ce sont 15 000 étudiants qui ont défilé le 30 novembre dernier, pour lutter contre le réchauffement climatique lors de la Strike 4 Climate Action. Ces mobilisations ont été soutenues par Greta Thunberg, jeune militante suédoise devenue emblématique, avec ses tresses et sa taille d’enfant. « Je ne veux pas de votre espoir mais je veux que vous commenciez à paniquer, a-t-elle lâché à la tribune de Davos le 25 janvier 2019. Je veux que vous agissiez comme si notre maison était en feu. Car elle l’est ».
 

30% des élèves polytechniciens, 40% des étudiants d’AgroParisTech ont signé le Manifeste

 
30 000 étudiants ont signé le Manifeste porté par les Grandes Ecoles (Polytechnique, HEC, ENS, AgroParisTech, Centrale-Supelec, Sciences Po et l’ESCP…) à l’initiative de Corentin Bisot : « Nous voulons pousser les étudiants à repenser la relations aux entreprises. Notre manifeste est un vrai levier pour faire évoluer les mentalités et les pratiques en profondeur ».
Les plus engagés des étudiants mènent des entretiens avec les entreprises et leur adressent leurs revendications diverses. Cela passe par la mise en place d’objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, au refus de contribuer à la surconsommation par la stratégie marketing, à la mise en place de formations pour sensibiliser les collaborateurs aux enjeux environnementaux et sociétaux. Déjà en avril 2018, des étudiants de Science Po avaient appelé leur école à mettre fin au partenariat qui la liait à Total. « Soutenir l’industrie fossile apparaît comme une claire contradiction avec les missions de l’école. Sciences Po n’accepte plus les partenariats avec l’industrie des armes et du tabac. Pourquoi alors légitimer les choix industriels et l’influence politique destructrice de Total en acceptant un partenariat stratégique ? », dénonçait alors l’association Science Po Zéro Fossile.
 
Les étudiants des grandes écoles ont une seconde cible : mettre l’écologie au cœur des enseignements. Déjà en 2011, Maeva Tordo, élève de l’ESCP Europe, avait lancé des cours alternatifs face au constat de contenus inadaptés aux urgences écologiques. Elle a fondé The Noise, association étudiante, véritable observatoire de l’innovation sociale et environnementale qui organise le 13 avril prochain un forum Quelle pédagogie pour l’écologie ? sur le campus ECE de Paris.
 
En fait, le malaise est immense : les ingénieurs sont très peu formés à leurs responsabilités pour intégrer les dimensions écosystémiques dans les activités industrielles. « Il faut que toutes les formations pour les métiers d’ingénieurs de commerciaux, de stratégies, de marketing ou de design consentent à donner le bagage de connaissances sur la biosphère permettant de savoir dans quel cadre et dans quelles limites physiques nous agissons » insiste Benoit Halgand, élève ingénieur à Polytechnique. Actif au sein de l’association DDX (Developpement durable de l’X) il a mis sur pied – avec les autres adhérents – dix conférences, invitant des experts  comme, Philippe Bihouix (spécialiste des matières premières et de leur épuisement), Marc Dufumier (agronome centré sur des approches holistiques), Jean-Marc Jancovici ou Gaël Giraud, l’économiste en chef de l’Agence française de développement (AFD). Dans un esprit moins technique, l’association Ecocampus de l’ENS invite des penseurs du futur, comme l’auteur du thriller écologique visionnaire Siècle bleu, Jean-Pierre Goux (Edition La Mer Salée – Collection Alternité, novembre 2018) … Ces initiatives utiles sont pourtant loin de suffire à structurer auprès des futurs dirigeants, une compréhension des enjeux dans le « monde d’après ». Et les enseignants restent très frileux.
 

Tracer une troisième voie, entre déclinistes et technofascinés

Cécile Renouard, professeur de philosophie et d’éthique des entreprises à l’ESSEC et à l’Ecole des Mines, s’est exilée dans l’Yonne pour créer le Campus de la transition. Il s’agit de proposer des itinéraires cohérents adressant les défis écologiques et sociaux. A l’image du Schumacher Collège en Grande Bretagne, le site de Forges allie l’expérience d’un éco-lieu en transition, un laboratoire académique et d’enseignement, et l’accompagnement des entreprises ou des institutions.
 
Les politiques encouragent les jeunes à mettre la pression. Comme au salon de l’agriculture, où François de Rugy et François Guillaume ont demandé aux lycéens présents de « ne pas lâcher ». Le 28 février, le député Matthieu Orphelin a invité la climatologue et coprésidente du GIEC, Valérie Masson-Delmotte, à s’exprimer devant un parterre d’étudiants et lycéens à Angers : « J’ai pris une claque en lisant le rapport du GIEC en décembre, et pourtant ça fait vingt ans que je m’intéresse à ces sujets, confie le député. Plus aucun responsable politique n’a d’excuse. Il faut arriver à un électrochoc ».
La climatologue a critiqué les Sénateurs sourds « depuis trente ans », mais aussi les banques : dans certaines, vous placez vos économies mais vous ne savez même pas qu’elles servent à financer des centrales à charbon au Bangladesh. Il faut exiger de savoir ce qu’on fait de votre argent. Pour terminer amère : « Malheureusement, la France – le pays de la COP 21 – n’est pas à la hauteur. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est un renoncement ». Très sollicitée, Valérie Masson-Delmotte est intervenue aussi ce jeudi 14 mars à Paris Dauphine à l’occasion de la conférence « La neutralité carbone à quel horizon ? », aux côtés d’Erik Orsenna, Jean Jouzel et de Christian de Perthuis. Si la neutralité carbone est ciblée, chacun sent que le sujet est bien d’en finir avec l’impunité.
 
Les externalités, ça suffit, répètent les étudiants qui constatent que le système ment, au sens où nos conditions de vie (voire de survie) comptent pour zéro. Ce sont les règles du jeu économique et ses boites noires qu’ils veulent bouleverser… Et c’est sans doute là que leurs enseignants résistent…  A HEC, seuls 10% des étudiants ont signé le Manifeste…
 
La force du mouvement étudiant est qu’il se veut réaliste et concret. Les jeunes signataires du Manifeste sont immergés dans l’inquiétude de l’effondrement. Paradoxalement, ils vivent dans une frénésie technophile mais ne sont pas dupes. Ils cherchent donc à inventer un passage entre déclinistes et technofascinés qui passe par la conversion radicale des modes d’innovation. C’en est fini des ajustements à la marge, tout projet doit faire sens et respecter l’habitabilité de la terre…
 

Faire basculer le système

La conscience de la jeune génération est en train de changer la donne. En février dernier, le mouvement Together for Earth, qui rassemble et coordonne différentes associations étudiantes engagées dans le développement durable, a invité Maxime de Rostolan à Polytechnique. Ce dernier, fondateur des Fermes d’avenir, lance alors un projet subversif : remplacer les stages de fin d’année par une mobilisation commune pour « changer le système ». « Sécher les cours c’est se priver du savoir, alors que faire la grève de son stage c’est plus puissant, c’est ne pas donner son temps à des entreprises qui occultent les priorités », explique-t-il.
Le 1er mars, est lancé à Ground control à Paris, le mouvement, 6 mois pour la bascule. Plus de 700 personnes se manifestent pour contribuer. Le QG est trouvé : une clinique désaffectée à Pontivy (Morbihan), est mise à disposition gratuitement. Les objectifs sont multiples mais centrés sur des propositions politiques et la formation de candidats-citoyens pour les élections municipales. Une web TV sera créée avec Netflix. Pour faire de l’expérience une télé-réalité ?
 
Que peut un tel mouvement alors que les initiatives pleuvent ? Nicolas Hulot et Laurent Berger viennent de présenter 66 propositions visant à dessiner un « nouveau pacte social et écologique » ; l’économiste Pierre Larrouturou et le climatologue Jean Jouzel ont aussi lancé le Pacte Finance Climat ; Alain Grandjean a aussi produit des propositions pour rendre la trajectoire des finances publiques vraiment soutenable. Les mouvements comme Place publique prolifèrent : Après les Colibris, les Coquelicots, les Zèbres, vient de naître les Scarabées.

LIRE DANS UP’ : Une banque pour le climat

L’effervescence témoigne d’une société en quête de signes et d’orientation. Si l’habitabilité de la terre est devenue le cap central et non négociable, il faudra bien que cela se traduise dans de nouvelles boussoles. Elles ne concernent pas seulement la décarbonation de notre économie, mais bien plus fondamentalement la transformation de nos modèles industriels pour les rendre biocompatibles.
 
Dorothée Browaeys, chroniqueuse invitée UP’ Magazine, présidente de TEK4life
 
Informations complémentaires
 
– Vendredi 15 mars : Rassemblement à 13h Place du Panthéon – Marche jusqu’aux Invalides où seront organisés des débats,  formations, actions de désobéissances et activités ludiques 
 
– Samedi 16 mars à 14h, place de l’opéra, pour la MARCHE DU SIÈCLE https://www.facebook.com/events/2398052453540792/
 
– Lundi 25 mars à 19h : projection/débat « Après Demain »* de Cyril Dion et Laure Noualhat, en présence de la coréalisatrice Laure  Noualhat.
Lieu : 45 rue d’Ulm – 75005 – Paris
Pour prendre un billet : 
 
-Chaque semaine Le Manifeste met en scène une revendication. Voici la dernière :
 

Photo d’entête : Les étudiants de l’école Polytechnique se sont rassemblés sur le campus de l’X pour une photo géante afin de rappeler l’urgence à agir afin de ne pas dépasser le seuil de « 1.5°C » pour la sauvegarde de la planète. Derrière ce « 1.5°C » se cache l’engagement des étudiants à trouver des solutions au dérèglement climatique, et plus largement à la crise écologique.
 

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